Macron, démission ? Et si le président ne finissait pas son second mandat
Après l’annonce choc de dissolution de l’Assemblée nationale au soir des européennes, l’hypothèse d’un président démissionnaire n’est désormais plus taboue dans la majorité.
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« Il y a une radicalisation à droite du bloc bourgeois » Un espoir nommé Front populaire Mieux que le barrage, le Front Front populaire : naissance d’un accord, renaissance de l’espoirEt si Emmanuel Macron ne terminait pas son deuxième mandat ? « La dissolution, c’est la dernière étape avant une démission potentielle », explique très sérieusement un conseiller de l’exécutif à Politis. L’annonce de la dissolution dimanche 9 juin au soir des élections européennes a pris tout le personnel politique et médiatique de court, et pose la question d’une démission du président de la république après les législatives anticipées. L’hypothèse n’est plus taboue dans les premiers cercles de la Macronie, après la déroute des européennes.
« Si les Français ne donnent pas une majorité au président, quelle autre solution aura-t-il ? », abonde Jean-Bernard Gaillot-Renucci, ancien responsable de la droite avec Macron au QG de campagne de 2017 et conseiller politique de plusieurs députés jusqu’en 2021. « Le président fait n’importe quoi », s’emportait Jean-Michel Aphatie lundi matin sur France Inter. L’éditorialiste, qui œuvre dans Quotidien et sur RTL, met le geste d’Emmanuel Macron sur le compte « d’un coup de chaud », comme la journaliste politique Valérie Trierweiler, qui évoquait dès dimanche soir « un mouvement d’humeur ». Une théorie combattue par l’Élysée qui vend à la presse le scénario d’un président Machiavel préparant minutieusement son coup, selon Le Monde.
Il nous a enfumés pendant des mois, en affirmant que ce scrutin n’aurait pas de conséquences nationales.
« C’était une possibilité qui flottait dans l’air », confirme un collaborateur présidentiel à Politis, à qui on « avait demandé de bloquer toutes (ses) dates avant août », et ce, malgré les JOP 2024 de Paris. « Tout a été programmé, les sondages étaient très clairs sur la razzia du RN et l’Élysée ne pouvait pas l’ignorer », renchérit Jean-Bernard Gaillot-Renucci. « Cette dissolution était déjà évoquée car le PR (président de la république, N.D.L.R.) voulait ensuite se poser en sauveur de la France face à l’extrême droite mais rien n’était prévu à l’avance, en réalité, le président a décidé tout seul au dernier moment, comme d’habitude, tempère notre source à l’Élysée. Il ne veut pas accueillir Marine Le Pen triomphante à l’Élysée en 2027 ».
Confusion et désillusion
Acculé, Emmanuel Macron ? « Jupiter a pris la foudre », grince un député sortant Renaissance issu de la gauche qui ne pardonne pas au président de le faire repartir en campagne. Dans la majorité, la confusion et la désillusion se lisent sur les boucles internes et dans les discussions au siège de Renaissance. « C’est sauve-qui-peut, on a trois semaines pour faire campagne, c’est aberrant », se désole un député sortant de la majorité, qui a dû rendre son matériel professionnel, y compris ses téléphones, à l’Assemblée. Pire, le président veut s’impliquer dans ces législatives, ce qu’il devrait annoncer lors d’une conférence de presse ce mardi 11 juin. L’idée fait tousser en interne.
« À chaque fois qu’il prend la parole, Jordan Bardella gagne 1 point dans les intentions de vote, les Français ont clairement exprimé leur ras-le-bol en nous plaçant loin derrière, à quoi joue-t-il ? C’est dingue », s’étrangle un député de la majorité, reprenant l’expression de François Ruffin dimanche soir à l’annonce de la dissolution. À l’Élysée, certains collaborateurs d’Emmanuel Macron qui travaillent pour lui au quotidien ont du mal à suivre la cadence, essorés par les revirements successifs de leur patron. « Il nous a enfumés pendant des mois, en affirmant que ce scrutin n’aurait pas de conséquences nationales, on se sent floués, forcément », témoigne l’un d’eux, qui n’était pas dans la confidence.
Il me fait penser à ces traders qui prennent de plus en plus de risques (…) il est capable de tout.
J-B. Gaillot-Renucci
Après la réforme des retraites passée en force malgré l’opposition des trois quarts des Français, la loi asile-immigration imposée au forceps en violation des promesses humanistes du candidat Macron en 2017 et la dernière réforme du chômage qui punit les demandeurs d’emplois, la dissolution agit comme le révélateur d’une formation en pleine décomposition. Dans ce chaos politique et institutionnel, certains pensent que le président de la république met en scène sa propre démission. « La dissolution n’était pas un plan B mais un plan D (comme dissolution, N.D.L.R.) », ironise l’ancien conseiller politique Jean-Bernard Gaillot-Renucci. Il fait tapis. Il me fait penser à ces traders qui prennent de plus en plus de risques sur les marchés malgré les alertes, il est capable de tout », s’inquiète l’ancien macroniste.
Dramatisation et calculs politiques
Les premières projections prédisent 235 à 265 députés RN à l’Assemblée nationale aux prochaines législatives, soit un « raz-de-marée » pour l’extrême droite, selon un premier sondage Harris Interactive x Toluna pour Challenges publié lundi. Première hypothèse, hélas la plus probable : Emmanuel Macron doit nommer Jordan Bardella Premier ministre, à défaut de Marine Le Pen, qui veut se préserver pour 2027 et doit affronter un procès en septembre pour une vilaine affaire d’emploi fictif au Parlement européen. « Vous l’imaginez inaugurer les JO avec le RN ? Ce serait dramatique pour son image », soupire l’un de ses interlocuteurs réguliers.
Il pourrait démissionner, pour tenter de s’en sortir sinon par le haut, au moins avec un reste de dignité.
Seconde hypothèse, les législatives font progresser le RN mais sans leur permettre de former un gouvernement. Alors, n’importe quel Premier ministre nommé par Emmanuel Macron pourrait tomber sur une motion de censure à l’Assemblée, par exemple sur le budget. « Dans les deux cas, il pourrait démissionner, pour tenter de s’en sortir sinon par le haut, au moins avec un reste de dignité », imagine notre interlocuteur. « Il n’hésitera pas à se sacrifier pour sauver la France », ose l’un de ses proches. Une dramatisation qui fait lever les yeux au ciel d’autres Macronistes : « Ce n’est pas du tout son objectif, pour le moment, il est concentré sur les législatives », assure notre contact à l’Élysée. Emmanuel Macron pourrait par ailleurs laisser les clefs de Matignon au RN par pur calcul politique, pour tenter d’affaiblir Marine Le Pen, comme Politis l’avait révélé l’année dernière.
D’autant que le président n’aurait pas renoncé pas à se représenter devant les Français en 2032, voire en 2027, en jouant avec la Constitution ? L’idée, étudiée par l’Élysée depuis au moins deux ans, ne fait pas rire les spécialistes. « Il peut se représenter mais pas à sa propre succession. Le mandat commence au premier jour, qu’il reste en fonction un jour ou cinq ans », assure à Politis le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. D’autant que le président de la république a grillé sa dernière cartouche politique, le remaniement, en limogeant Élisabeth Borne en janvier.
S’il a dissous l’Assemblée nationale, c’est pour ne pas donner la totalité des pouvoirs au RN.
J-P. Derosier
« Attal n’était pas le choix favori d’Emmanuel Macron, c’était celui de l' »aile Madame » à l’Élysée, c’est-à-dire Brigitte Macron et Bruno-Roger Petit », rappelle l’ancien conseiller politique Jean-Bernard Gaillot-Renucci. Le Premier ministre, « livide » selon des témoins, a appris la dissolution au dernier moment, comme la candidate Valérie Hayer.
« Il faut le comprendre, Gaby pensait encore rester à Matignon et le président le renvoie faire campagne dans les Hauts-de-Seine », souffle un conseiller ministériel. Ces hypothèses d’une démission ne font toutefois pas l’unanimité. « S’il a dissous l’Assemblée nationale, c’est pour ne pas donner la totalité des pouvoirs au RN, veut croire le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. Si le RN rafle la mise en 2027, ils seront seuls au pouvoir. Mais s’ils gagnent aux législatives dans trois semaines, le président reste Emmanuel Macron ».
Dans la foulée de notre enquête (1), Emmanuel Macron a exclu de démissionner « quel que soit le résultat » aux prochaines législatives. « Ce n’est pas le RN qui écrit la Constitution, ni l’esprit de celle-ci. Les institutions sont claires, la place du président, quel que soit le résultat, l’est aussi. C’est un intangible pour moi », déclare le chef de l’Etat au Figaro. Mais quel crédit accorder à celui qui jurait qu’il ne dissoudrait pas l’Assemblée quelques jours avant les européennes, avant de prononcer sa dissolution une heure après l’annonce des résultats? Reste que l’usage d’un scrutin européen pour servir des intérêts politiciens ne contribuera pas à améliorer la stature du président déjà bien abîmée.
Article mis à jour le 11 juin, à 17 h 15.
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