JOP de Paris 2024 : de juteux contrats tenus secrets

GL Events, le géant de l’événementiel français dont le président est un proche d’Emmanuel Macron, a raflé un grand nombre de marchés pour organiser les JOP de Paris. Sans qu’aucune transparence ne puisse être faite sur ces contrats. Pourtant, Politis a reçu, en mai dernier, un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), volontairement ignoré par le Cojop.

Pierre Jequier-Zalc  • 29 août 2024 abonné·es
JOP de Paris 2024 : de juteux contrats tenus secrets
Les anneaux olympiques sur la Tour Eiffel, le 22 juillet 2024.
© Loic VENANCE / AFP

C’est Le Canard enchaîné qui a mis les pattes dans la mare, ce mercredi. « Combien le géant de l’événementiel GL Events a-t-il raflé aux JO ? », s’interroge l’hebdomadaire. Cette question, Politis se la pose depuis maintenant six mois. Sans que l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 daigne y apporter une quelconque réponse.

Revenons quelques mois en arrière. Au début de l’année, l’implication croissante du géant français de l’événementiel, GL Events, dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques se fait de plus en plus visible. Organisation des épreuves équestres, mise en place de « 70 % des aménagements temporaires » des Jeux, dont 160 000 places de tribune ou encore 100 % de la distribution électrique, « conception, réalisation et exploitation » du Grand Palais éphémère sur le Champ de Mars. Le fleuron français de l’événementiel est partout.

Sur le même sujet : JOP 2024 : le droit du travail complètement hors-jeu

Une omniprésence qui interroge. Il est de notoriété publique que le fondateur et président de cette entreprise, le Lyonnais Olivier Ginon, est un proche et soutien de la première heure du candidat Macron. En 2018, Mediapart avait ainsi révélé que GL Events avait effectué « d’importantes ristournes » en faveur de la campagne présidentielle du jeune fondateur d’En Marche!, en 2016 et 2017. En septembre 2023, le président de la République a d’ailleurs décoré Olivier Ginon de la Légion d’honneur lors d’une réception au palais de l’Élysée.

Opacité totale

En plus de cela, et comme relevé par Le Canard enchaîné, le montant du marché obtenu par GL Events pour le Grand Palais Éphémère (devenue l’Arena Champ de Mars pour les Jeux) est particulièrement élevé. 49,5 millions d’euros, alors que le montant figurant sur l’appel d’offres lancé par la Réunion des musées nationaux en 2024 était de 16 millions d’euros, hors TVA. Un écart de 33 millions d’euros, qui, a minima, étonne.

Autant d’indices qui nous ont donné envie d’aller voir de plus près. Mais pour le reste des marchés, l’opacité la plus totale règne. Les appels d’offres et les contrats de concession concernant le géant de l’événementiel ne figurent pas dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics. Le Canard enchaîné a retrouvé cinq appels d’offres concernant GL Events sur le moteur de recherche européen TED, sans que le montant réel d’attribution soit communiqué : « Dans le souci de respecter le secret des affaires, Paris 2024 ne souhaite pas communiquer la valeur totale finale » du marché.

On s’engage avec nos partenaires (…) à ne jamais communiquer les montants qui sont signés dans les contrats.

T. Estanguet

C’est d’ailleurs derrière ce « secret des affaires » que s’est réfugié, ce mercredi, Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Cojop). « On a une transparence totale vis-à-vis de nos organismes de contrôle, a-t-il affirmé sur les ondes de Franceinfo« en revanche, publiquement, c’est le droit des affaires. On s’engage avec nos partenaires, que ce soit pour les partenariats ou pour les prestations, à ne jamais communiquer les montants qui sont signés dans les contrats ».

Sur le même sujet : JOP 2024 : face à un « management brutal », l’embarras du ministère des Sports

Une affirmation qui, à Politis, nous a fait bondir. En effet, voilà plusieurs mois que nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir l’ensemble des contrats de concession passés entre les Jeux de Paris 2024 et GL Events. Une démarche effectuée après les refus répétés de la part du Cojop de nous les fournir.

Les montants « sont transmissibles »

Et l’avis rendu par la commission, le 30 mai dernier, est sans appel. Le Comité d’organisation des JOP « doit être regardé comme chargé d’une mission de service public », écrit la Cada. Ainsi, « il en résulte que les documents reçus ou produits par le Comité d’organisation des Jeux olympiques dans le cadre de cette mission sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande ». Et donc de conclure que « la commission émet un avis favorable à la communication des contrats de concession visés par la demande ».

L’offre détaillée de l’entreprise retenue est en principe communicable, dans la mesure où elle reflète la qualité et le coût du service rendu à l’usager.

Cada

L’avis de la Cada précise tout de même que cette communication doit se faire « sous la réserve tenant au secret des affaires appréciée dans les conditions qui viennent d’être exposées ». Mais, une nouvelle fois, la commission est très claire. Dans ce document de trois pages, Bruno Lasserre, président de la Cada, clarifie ainsi que « l’offre détaillée de l’entreprise retenue est en principe communicable, dans la mesure où elle reflète la qualité et le coût du service rendu à l’usager ». Autrement dit, les montants des contrats passés entre les Jeux de Paris 2024 et GL Events sont transmissibles.

Sur le même sujet : « La brutalité olympique dans le 93 : un vrai poison pour la démocratie »

Cela fait donc trois mois, jour pour jour, que cet avis a été rendu. Pourtant, nous ne disposons toujours pas de ces contrats. À nos multiples mails de relance et messages, la seule réponse apportée a été celle-ci : « Nous allons regarder les suites à donner avec les équipes en charge du légal ». Puis plus rien. Silence radio. Les avis de la Cada sont « une voie de recours précontentieux ». Ils ne sont donc pas contraignants pour les administrations même s’ils sont, habituellement, largement suivis.

Ce silence et ce manque de transparence financière criant de la part du Comité d’organisation des JOP interroge donc forcément. À son tour, Le Canard enchaîné a fait une demande auprès de la Cada. L’avis rendu devrait – sauf surprise –, être le même. Pendant ce temps, GL Events a publié son chiffre d’affaires au premier semestre de cette année : 820,6 millions d’euros, en croissance de 19 % par rapport à l’année précédente.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Société
Temps de lecture : 5 minutes

Pour aller plus loin…

François Turpeau, un « jaune » qui cultive l’écoute
Portrait 4 décembre 2024 abonné·es

François Turpeau, un « jaune » qui cultive l’écoute

À la tête de la Coordination rurale de la Vienne, le céréalier, viticulteur et cultivateur d’échalions défend la ligne nationale du syndicat. Mais, au niveau local, celui qui est aussi vice-président de la chambre d’agriculture maintient un dialogue franc avec les écologistes et les autres syndicalistes.
Par Mathilde Doiezie
Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?
Économie 4 décembre 2024 abonné·es

Agriculteurs : vivre ou nourrir, faut-il choisir ?

Au cœur de la détresse des exploitants : la rémunération globalement bien trop faible, en dépit de fortes disparités. La question, pourtant, peine à faire l’objet de véritables négociations et à émerger dans le débat public.
Par Vanina Delmas
La Coordination rurale contre l’État et les écolos
Enquête 4 décembre 2024 abonné·es

La Coordination rurale contre l’État et les écolos

Le syndicat est en première ligne dans la mobilisation des agriculteurs et assume des méthodes musclées pour obtenir ce qu’il veut. Une façon de s’imposer comme le représentant de « tous les agriculteurs » à deux mois des élections professionnelles.
Par Pierre Jequier-Zalc
À Sevran, une scène à la maison
Reportage 4 décembre 2024 abonné·es

À Sevran, une scène à la maison

Dans cette ville de Seine-Saint-Denis, le théâtre La Poudrerie se produit chez l’habitant·e depuis treize ans. Une initiative gratuite qui ravit la population et qui permet au débat d’exister d’une nouvelle façon.
Par Élise Leclercq