« No Name », les racines rock de Jack White

Brut dans ses arrangements, le dernier album de Jack White, est un retour aux sources.

Pauline Guedj  • 11 septembre 2024 abonné·es
« No Name », les racines rock de Jack White
Jack White au festival de Glastonbury, au Royaume-Uni, le 26 juin 2022.
© ANDY BUCHANAN / AFP

No Name / Jack White / Third Man Records.

Sur la scène rock contemporaine, Jack White est devenu un exemple d’indépendance et un spécialiste du marketing. Symbole d’indépendance, d’abord, parce que, grâce à ses succès passés et notamment à celui de « Seven Nation Army », morceau interprété avec son acolyte des White Stripes, Meg White, et dont le riff de guitare est aujourd’hui entonné par les supporters de sport partout sur la planète – les Jeux olympiques de Paris n’ont pas fait exception –, le musicien est parvenu à se constituer un petit empire comprenant studio d’enregistrement, label – Third Man Records –, salles de concert, presse de disques vinyles, réseau de diffusion de sa musique auprès des fans et trois boutiques, à Détroit, Nashville et Londres.

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Spécialiste du marketing, ensuite, parce que Jack White a su surfer sur la vague de l’engouement pour le vinyle, support qu’il explore en proposant régulièrement des éditions spéciales de ses albums. Paru en août aux États-Unis, son nouvel album est dans sa production et sa distribution un symbole de ces deux caractéristiques. Enregistré dans son studio de Nashville avec des musiciens proches, Dominic Davis à la basse, Olivia Jean à la batterie ou à la basse, Daru Jones ou Patrick Keeler à la batterie, l’album a d’abord été distribué aux clients des boutiques Third Man Records, ajouté en cadeau en accompagnement de leurs achats.

Premiers amours

Disque sans titre, ou plutôt intitulé No Name, celui-ci était donné dans un exemplaire blanc, presque vierge de toute indication. À sa sortie, Jack White avait invité ses fans à le télécharger illégalement s’ils n’avaient pu se le procurer, avant d’en proposer une deuxième parution, encore une fois en édition limitée, sous la forme d’un monochrome bleu, vendu exclusivement chez les disquaires indépendants. Finalement, l’album, à présent sur les plateformes de streaming, sera disponible partout à partir du 13 septembre.

Parallèlement, Jack White a commencé à donner des concerts, avec un principe qui là encore relève du concept, des prestations annoncées à la dernière minute dont les tickets sont vendus en priorité aux abonnés de son réseau de distribution.

Sixième album solo de Jack White, No Name est un retour aux premiers amours musicaux du guitariste. Après des albums très enthousiasmants comme Boarding House Reachou Fear of the Dawn – qui, parfois en tâtonnant, regardaient vers la musique électronique ou le rap et alliaient de manière toujours audacieuse brutalité du rock et production sophistiquée –, No Name s’annonce comme un retour à l’esthétique épurée des White Stripes, groupe emblématique de Jack White où seules dialoguaient une batterie, sa voix et sa guitare.

Sans copier exactement le dépouillement des disques d’alors, No Name opte pour un son sauvage proche de la tradition américaine du garage band qui promet des interprétations en concert permettant au musicien de déployer librement tout son talent de guitariste et de chanteur.

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« Old Scratch Blues », qui ouvre l’album, est à l’image des douze titres qui suivront (voir en fin d’article). C’est un morceau resserré d’un peu plus de trois minutes – les chansons du disque dépassent rarement le format de quatre minutes – qui débute par un riff de guitare sur lequel viennent se placer une batterie agressive puis la voix touchante de Jack White, reconnaissable entre mille. Le morceau s’envole avec un solo inspiré puis s’interrompt brusquement.

Riffs bluesy et guitares agressives

Viendront alors une série de titres où les riffs bluesy avancent main dans la main avec des guitares saturées. « Bless Yourself » invite les auditeurs à s’écouter et à ne pas courber l’échine devant les fondamentalismes, « I don’t listen to anybody but myself », dit-il.  « It’s Rough on Rats » fait croire dans son intro à une ballade – l’album n’en contient aucune – avant de s’imposer comme une pépite du power trio, batterie, basse, guitare. « Arch­bishop Harold Holmes » est un prêche agressif où Jack White parle et harangue, et « Bombing Out » s’affiche comme le titre le plus « White Stripes » de l’album avec son tempo endiablé.

La prédominance des riffs de guitare est contrebalancée par la pureté juvénile de sa voix.

Venant clore la face A, « What’s the Rumpus ? » permet d’entendre à nouveau le groupe explosif de White lors de sa dernière tournée – Dominic Davis, Daru Jones et Quincy McCrary, une belle osmose que l’on retrouve plus tard sur « Morning at Midnight ». Au fil de la face B s’imposent plusieurs morceaux d’une grande efficacité, dont « Underground », dans lequel on sent poindre l’héritage country de la scène de Nashville dont Jack White est dorénavant un acteur incontournable, ou « Number One With a Bullet » et ses sonorités punk-rock.

L’album se clôt avec « Terminal Archenemy Endling », un titre où l’on retrouve tout ce qui fait la force de Jack White. La prédominance des riffs de guitare y est contrebalancée par la pureté juvénile de sa voix et le musicien parvient à faire de son corps entier un instrument dans lequel dialoguent à la perfection ses deux attributs. Comme l’ensemble de l’album, le morceau fait du bruit mais, par sa technique et sa grande sensibilité, Jack White réussit à émouvoir.

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Musique
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