Endométriose : « Quand tu as une crise, tu ne peux plus vivre normalement »
Chloé, 25 ans, participe à un programme de recherche afin que de futures patientes bénéficient de connaissances auxquelles elle n’a pas eu accès.
dans HS N° 80 Acheter ce numéro
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À Zweisimmen, tu accoucheras dans la douceur Cancer du sein : qu’est-ce qui nourrit le crabe ? La ménopause, bouffées de valeur La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !À 13 ans, j’ai eu mes premières règles, douloureuses. J’avais très mal et j’ai fini à l’infirmerie avec un Doliprane et une bouillotte. Ça a empiré très vite. Ça me faisait tellement mal que je m’arrachais les cheveux et vomissais de douleur. Mes règles arrivaient le matin, elles me réveillaient dans mon sommeil. Le moindre mouvement était si douloureux que je ne pouvais même pas bouger pour prendre un Doliprane.
Comme personne n’en parlait et que tout le monde disait que c’était normal d’avoir mal, j’ai attendu trois à quatre ans avant de consulter. C’est ma sœur qui m’a dit un jour : « Tu as peut-être de l’endométriose. » J’ai consulté ma gynécologue, elle m’a dit que non, ce n’était pas ça. Elle m’a fait faire une échographie pelvienne. J’ai appris par la suite que les échographies pelviennes qui ne sont pas endovaginales et qui sont réalisées par des personnes ne connaissant pas l’endométriose ne servent à rien.
On m’a diagnostiqué un syndrome des ovaires polykystiques. Sauf que les symptômes ne concordaient pas. Malgré la prise de deux médicaments, mes règles restaient extrêmement douloureuses. J’avais aussi des symptômes au quotidien, comme des problèmes de digestion et des douleurs dans le bas du dos et dans les jambes. Les médecins me recommandaient de prendre la pilule sans même poser un diagnostic.
J’ai été diagnostiquée, à 23 ans, dix ans après mes premières règles.
Un jour, je faisais une crise d’endométriose au travail et, alors que je parlais de mes symptômes, une collègue m’a conseillé d’aller voir un médecin spécialisé. J’ai répondu à un questionnaire et passé une échographie pelvienne endovaginale. C’est là que j’ai été diagnostiquée, à 23 ans, dix ans après mes premières règles.
Chaque personne qui a de l’endométriose en a une différente. La mienne est située à l’ovaire gauche et sur les ligaments utéro-sacrés. Un gynécologue spécialisé m’a mise sous pilule en continu et ma douleur a diminué. Quand j’ai été diagnostiquée, je me suis renseignée sur mon corps et les effets de la maladie, notamment en consultant le site de l’association Endofrance. Rien que le périnée, c’est une dinguerie. C’est une partie musculaire énorme qui a un rôle très important et dont je ne connaissais rien. J’ai hésité à faire médecine pour mieux comprendre mon corps. Pourquoi on ne nous apprend pas ça à l’école ?
Je vais voir un ostéopathe spécialisé, mais ça coûte cher et ce n’est pas remboursé.
Je vais voir un ostéopathe spécialisé dans l’endométriose, mais ça coûte cher et ce n’est pas remboursé. Et même quand c’est remboursé, tu dois avancer les frais. Imagine : tu es une mère célibataire au Smic, comment tu fais pour payer tes rendez-vous médicaux ? Ce sont des soins très chers qui me paraissent essentiels. Cela pose une vraie question sur la prise en charge de l’endométriose par la Sécurité sociale. Cette maladie n’est toujours pas inscrite sur la liste des 30 affections longue durée (ALD). Certes, dans certains cas, des patientes peuvent bénéficier d’une « ALD hors liste », mais son attribution est soumise à l’appréciation de l’Assurance maladie.
Aujourd’hui, le plus handicapant pour moi, ce sont les adhérences abdominales et la santé mentale. Quand tes émotions varient, ça peut déclencher une crise d’endométriose et ensuite tu as mal partout et tu ne peux plus bouger. C’est comme si tu sentais que tes organes étaient coincés à l’intérieur de ton corps, et tu es paralysée de l’intérieur. On parle beaucoup de l’endométriose comme d’une maladie gynécologique, mais c’est avant tout une maladie chronique inflammatoire.
Ce n’est pas juste une douleur le premier jour des règles. C’est tous les jours.
Quand tu as une crise, tu ne peux plus vivre normalement. Les gens ne comprennent pas que ce n’est pas juste une douleur le premier jour des règles. C’est tous les jours. Il y a des jours où ça va, puis au bout de trente minutes, tu as une baisse d’énergie, tu as mal quelque part et les gens autour de toi ne s’en rendent pas compte. Personne ne sait ce que veut dire l’endométriose. Certes, le terme est plus connu qu’il y a dix ans. Mais qu’en 2024 même des médecins te disent encore que c’est normal d’avoir des règles douloureuses et que leur premier réflexe soit de te prescrire la pilule, je trouve ça affligeant.
Cette année, j’ai vu une affiche dans la salle d’attente de mon ostéopathe avec un questionnaire sur l’endométriose. J’ai été recontactée pour participer à un programme de recherche de six mois destiné à comprendre l’impact que peuvent avoir la kinésithérapie et le sport sur l’endométriose.
Je suis heureuse qu’il y ait des recherches pour essayer de comprendre la maladie et améliorer notre qualité de vie. Je le fais pour que, plus tard, les patientes aient accès à des données, des recherches et des pratiques médicales auxquelles je n’ai moi-même pas eu accès.
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