En Seine-Saint-Denis, le grand déménagement ?

Le maire de Bobigny, Abdel Sadi, les onze députés du département, son sénateur Fabien Gay, de nombreux maires et plus de 130 élus s’opposent dans cette tribune au transfert des services centraux du département décidé par le président PS du Conseil départemental, sans concertation.

Collectif  • 6 février 2025
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En Seine-Saint-Denis, le grand déménagement ?
Des très nombreux élus de Seine-Saint-Denis s'opposent à la décision de Stéphane Troussel, président PS du Conseil départemental, de déménager les services centraux du département près du périphérique parisien.
© Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Le 25 février 1965, le président de la République faisait de Bobigny la préfecture du tout nouveau département de la Seine-Saint-Denis. Soixante ans plus tard, le président du Conseil départemental, Stéphane Troussel, vient d’annoncer sa volonté unilatérale de délocaliser les services centraux du département à la limite d’Aubervilliers et de Saint-Denis, dans l’ancien bâtiment du comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, d’ici à fin mars 2026.

La création de la Seine-Saint-Denis portait la vision d’un territoire émancipé et d’une dynamique de déconcentration des pouvoirs. Elle a permis de dépasser les logiques de servitude urbaine tout en freinant, autant que possible, la spéculation. Son grand succès est d’avoir permis à la Seine-Saint-Denis d’exister dans le paysage, en tant que lieu de vie, de création et d’innovation, sur un modèle singulier. Il repose sur le dynamisme de sa population, sa jeunesse, sa capacité de connexion à la planète, ses services publics. Il reste fragile, ne profitant que faiblement de la richesse produite.

L’égalité territoriale menacée

Le conseil départemental n’a rien à gagner à se mettre en remorque du modèle libéral

Ce modèle a besoin d’être soutenu par de puissantes politiques publiques d’aménagement, d’éducation, de solidarité… Sa vocation est d’unir. Or, le repli du Conseil départemental, acteur majeur des politiques publiques en Seine-Saint-Denis, modifierait le centre de gravité de ce territoire et dégraderait l’accessibilité des services départementaux. Cette centralité voulue, n’est pas anodine. Elle est même un facteur d’égalité territoriale. Bobigny est le cœur géographique du département et bénéficie d’un réseau de transport en commun dense et diversifié, facilitant l’accès aux services du conseil départemental des habitantes et habitants de toutes les villes de la Seine-Saint-Denis.

Le conseil départemental n’a rien à gagner à se mettre en remorque du modèle libéral, il a au contraire intérêt à cultiver ses atouts propres. Il doit demeurer cette Seine-Saint-Denis populaire, qui permet à ses habitants de rester en maîtrise de leur héritage et de leurs savoir-faire.

Un contre-sens historique

Notre exigence reste celle de l’égalité républicaine, garantie d’une véritable mixité sociale qui bénéficie à toutes les populations du département. La modernité se mesure dans notre capacité à inventer notre futur, à refuser un développement « à deux vitesses » du territoire. La modernité se mesure dans notre capacité à soutenir les maires, qui s’engagent contre la spéculation foncière ; pour qu’il soit encore possible d’y développer demain l’emploi local, d’y garantir l’accessibilité, d’y réaliser du logement social, de l’accession sociale – sans oublier des espaces de renaturation… Le Département doit être présent pour soutenir cet effort.

Il serait regrettable que le président du conseil départemental, par ce choix, accélère et encourage au contraire les déséquilibres territoriaux, en délocalisant quelques 2 700 emplois à la porte d’Aubervilliers – soit l’équivalent d’un plan social de grande ampleur pour le cœur de la Seine-Saint-Denis, avec tous les effets induits pour les agents et les usagers et sans souci de concerter. Ce serait un contre-sens historique et le symbole d’un renoncement. Nous en appelons au sursaut, pour que la Seine-Saint-Denis continue à se développer avec pour moteur une collectivité-tête de réseau, rayonnante au cœur du département, plutôt qu’une administration centrifuge, adossée au périphérique parisien.

Signataires :

  • Abdel SADI, Maire de Bobigny et conseiller départemental délégué
  • François ASENSI, Maire de Tremblay-en-France
  • Patrice BESSAC, Maire de Montreuil et Président de l’EPT Est ensemble
  • Stéphane BLANCHET, Maire de Sevran et vice-président du Conseil Départemental
  • Olivier SARRABEYROUSE, Maire de Noisy-le-Sec
  • Azzedine TAÏBI, Maire de Stains et conseiller départemental délégué
  • Fabien GAY, Sénateur
  • Nadège ABOMANGOLI, Députée
  • Clémentine AUTAIN, Députée
  • Soumya BOUROUAHA, Députée
  • Éric COQUEREL, Député
  • Alexis CORBIERE, Député
  • Aly DIOUARA, Député
  • Bastien LACHAUD, Député
  • Jérôme LEGAVRE, Député
  • Stéphane PEU, Député
  • Thomas PORTES, Député
  • Aurélie TROUVE, Députée
  • Hervé BRAMY, Ancien président du Conseil Départemental
  • Robert CLEMENT, Ancien président du Conseil Départemental
  • Belaïde BEDDREDINE, Vice-président du Conseil Départemental, maire adjoint de Montreuil
  • Dominique DELLAC, Vice-présidente du Conseil Départemental
  • Pascale LABBE, Vice-président du Conseil Départemental, maire adjointe de Noisy-le-Sec
  • Mélissa YOUSSOUF, Vice-présidente du Conseil Départemental, conseillère municipale de Villepinte
  • Pierre LAPORTE, Conseiller départemental, conseiller municipal de Tremblay-en-France
  • Émilie LECROQ, Conseillère départementale, conseillère municipale de Saint-Ouen
  • Didier MIGNOT, Conseiller régional et conseiller municipal de Le Blanc-Mesnil

Consulter la liste complète des signataires

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