Sahara occidental : la France, alliée constante du Maroc

Paris, tenu par ses intérêts économiques et géopolitiques avec Rabat, n’a jamais appuyé la résolution du conflit au Sahara occidental par un référendum d’autodétermination, pourtant acté sous l’égide des Nations unies.

Patrick Piro  • 27 février 2025 abonné·es
Sahara occidental : la France, alliée constante du Maroc
Le musée de la Résistance de Rabouni expose en évidence les bribes d’un avion abattu dans les années 1980, un « Mirage F1 français ».
© Patrick Piro

« Les grands coupables, ce sont les Français ! », lance Sidi Khatri en guise de salutation au sortir de la pièce. Paris n’a pas bonne presse dans les campements sahraouis. Le musée de la Résistance de Rabouni expose en évidence les bribes d’un avion abattu dans les années 1980, un « Mirage F1 français » indique un panonceau. L’aviation française a été accusée à plusieurs reprises, et dès 1958, d’avoir participé à des opérations de bombardement incendiaire au napalm et au phosphore contre les forces armées sahraouies, pour défendre ses intérêts dans la région.

En 1976, alors que le Front Polisario venait d’entrer en guerre pour défendre le droit du peuple sahraoui à la souveraineté sur le Sahara occidental, le président français Valéry Giscard d’Estaing se montrait clairement défavorable à cette revendication, estimant « regrettable la multiplication des micro-États », renvoyant au Maroc et à la Mauritanie la charge de décider de l’avenir de l’ancienne colonie espagnole. « Ce qui caractérise la position française, depuis, c’est la passivité », analyse Meriem Naili, enseignante-chercheuse en droit à l’université de Grenoble, et membre du comité de pilotage de l’Observatoire universitaire international du Sahara occidental (Ouiso).

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La France, notamment, n’a jamais utilisé sa position de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour défendre l’élargissement des prérogatives de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) : son mandat, cas unique pour une mission onusienne de maintien de la paix, ne comprend pas le suivi des droits humains. Le représentant français à l’ONU ne s’est jamais ému de ce que le terme « référendum » ait totalement disparu, depuis 2001, de toutes les résolutions du Conseil de sécurité concernant la Minurso.

Une adhésion sans réserve à la revendication de Rabat

Au contraire, Paris a appuyé le projet d’une « autonomie élargie » pour le territoire, lancée par Rabat en 2007. À partir de 2015, la France s’est portée partie prenante, aux côtés de la Commission européenne, pour défendre les accords commerciaux Maroc-UE, sans que n’en soit exclu le Sahara occidental occupé, pourtant toujours considéré par l’ONU comme « non-autonome » et en attente d’autodétermination.

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Le 30 juillet 2024, clarification totale : Emmanuel Macron transmettait à Mohamed VI, roi du Maroc, une lettre affirmant que « la France considère que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Une adhésion sans réserve à la revendication de Rabat. Le président français l’a confirmée le 30 octobre dernier, lors d’une visite au Maroc, préfigurant des investissements et même l’installation d’une Alliance française dans les territoires occupés, en dépit des écueils liés à l’impasse de leur statut juridique international.

Et d’enfoncer le clou, sur fond de brouille profonde entre Paris et Alger, premier soutien du peuple sahraoui : les territoires occupés du Sahara occidental viennent de recevoir coup sur coup la visite très ostensible de deux personnalités politiques françaises, celle de Rachida Dati, ministre de la Culture, et de Gérard Larcher, président du Sénat.

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