« Les Temps modernes », derniers feux du muet

Diffusé sur Arte, un documentaire sur Les Temps modernes montre combien ce film est un acte de résistance.

Christophe Kantcheff  • 16 avril 2025 abonné·es
« Les Temps modernes », derniers feux du muet
© Charles Chaplin Productions / Collection Christophel via AFP

Chaplin et « Les Temps modernes ».  La voie du silence / Arte / 30 avril / 22 h 25, à la suite de la diffusion des Temps modernes, 21 heures. En outre, arte.fr propose un cycle Chaplin avec sept autres films.

Quand les spectateurs découvrent Les Temps modernes, à partir de février 1936, ils ne savent pas encore que c’est la première et la dernière fois qu’ils entendent Charlot parler. Tout le monde connaît cette scène quasi finale où Charlot doit chanter dans le cabaret qui l’emploie comme serveur. Ayant perdu ses manchettes où la gamine (Paulette ­Goddard) avait inscrit les paroles, il improvise des couplets dans une langue fantaisiste sur l’air de « Je cherche après Titine ».

Trouvaille hilarante et géniale de la part de celui qui n’a cessé de se demander, pendant les vingt-huit mois de production, dont cent quarante-sept jours de tournage, nécessaires à la réalisation du film, s’il devait passer au cinéma parlant, survenu dès 1927 avec Le Chanteur de jazz et désormais généralisé, ou continuer à faire acte de résistance en optant à nouveau pour le muet – ce qu’il décida de faire.

Tourment

L’histoire de ce dilemme, un vrai tourment pour Chaplin, qui redoutait de ne plus être de son temps, est au cœur de l’excellent documentaire de Gregory Monro, Chaplin et « Les Temps modernes ». La voie du silence. Il montre comment l’arrivée du parlant a détruit une esthétique cinématographique – plus proche de la féerie et de la poésie, dit Chaplin, alors qu’avec le parlant « tout est si réaliste » – mais a aussi sonné le glas de la carrière de nombre d’actrices et d’acteurs dont la voix était considérée comme ne correspondant pas à leur physique. Ce fut le cas de stars telles que Mary Pickford et Douglas Fairbanks, proches amis de Chaplin.

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Comme le dit le documentaire, Les Temps modernes a été conçu par Chaplin comme une parabole où « la modernité qui force le cinéma à parler est la même que celle qui asservit les ouvriers ». Car on ne saurait oublier que Charlot troque ici sa tenue d’éternel vagabond pour incarner la figure du prolétaire en butte à l’aliénation du travail et aux avancées mortifères du capitalisme. C’est d’ailleurs cette dimension politique qui sera attaquée par la presse, et non le choix du muet. Cependant, le succès public sera au rendez-vous pour cet ultime tour de piste de Charlot, auquel son créateur ne pouvait se résoudre à donner une voix.

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Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes