Propos génocidaires du chanteur israélien Eyal Golan : l’info qui venait trop tard

Depuis le 7-Octobre, les choix éditoriaux et partis pris sémantiques jusqu’aux choix de titraille, n’ont rien d’anodin. Cas pratique avec le cas du chanteur israélien Eyal Golan.

Élodie Safaris  • 28 avril 2025
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Propos génocidaires du chanteur israélien Eyal Golan : l’info qui venait trop tard
© Instagram / DR

« Le groupe LFI à l’Assemblée demande ‘l’interdiction immédiate’ d’un concert du chanteur israélien Eyal Golan à Paris en mai. » Tel est le titre d’un court article (non signé) publié sur le site de France Info ce mercredi 23 avril. Pourquoi LFI réclame donc l’interdiction de ce concert organisé par le Magen David Adom, équivalent de la Croix Rouge israélienne ? Il faut attendre le deuxième paragraphe de l’article pour comprendre que la méga star israélienne de 54 ans « avait ‘appelé à l’extermination du peuple palestinien’ au lendemain du 7-Octobre, déclarant sur une chaîne publique qu’il fallait ‘éliminer Gaza’ et ‘ne pas y laisser âme qui vive' ».

Le chanteur, véritable icône de la chanson israélienne, a tenu des propos génocidaires.

Le chanteur, véritable icône de la chanson israélienne depuis des dizaines d’années, a donc tenu des propos génocidaires appelant ni plus ni moins à l’extermination de toute une population, notamment le 15 octobre 2023 sur la chaîne d’extrême droite israélienne C14 (épinglée pour avoir diffusé plus de 50 appels au génocide des Palestiniens). En 2024, l’Afrique du Sud avait d’ailleurs utilisé ces citations d’Eyal Golan comme élément de preuve dans sa plainte pour « génocide » contre Israël devant la Cour de La Haye.

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Pourtant, la rédaction en chef de France TV Info estime que cette information ne mérite de figurer ni dans le titre de l’article, ni dans son chapo, ni dans le tweet partageant le papier. 

Sur la chaîne israélienne i24 News, l’affaire est aussi évoquée, mais les journalistes ne s’embarrassent même pas à citer les propos d’Eyal Golan, qualifiés seulement de « déclarations très entendues en Israël après le 7-Octobre » (ce qui n’est pas faux mais n’en atténue pas moins la gravité). La star israélienne aux propos génocidaires – également mise en cause dans des affaires de violences sexuelles sur mineure – y est célébrée et LFI dépeint comme une bande d’ « irresponsables » qui ne font qu’ « attiser la haine ». Les propos haineux et génocidaires sont tus et leur dénonciation est condamnée. Une inversion classique de la propagande de l’État hébreu.

Inversion

Si Le Figaro a, lui, le mérite d’évoquer l’expression insoumise « un porte-voix pour les soutiens du génocide » dès le titre de son article sur le sujet, le reste du papier interroge tout autant. Les citations du chanteur sont sourcées « d’après ces élus », comme si leur existence était incertaine. Le conditionnel est même utilisé pour évoquer des paroles « qui lui auraient valu le soutien israélien d’Itamar Ben Gvir, actuel ministre de la Sécurité nationale ». Difficile de comprendre ces précautions alors que le tweet du ministre (« Israël ❤️[emoji cœur] Eyal Golan ») est toujours en ligne

Euphémiser, invisibiliser ou reléguer en milieu de papier les propos génocidaires devient insupportable.

Le Figaro écrit enfin que les députés LFI « vont jusqu’à qualifier Eyal Golan de ‘véritable porte-voix pour les soutiens du génocide’« , comme si ces termes étaient excessifs et inappropriés. Nouvelle forme d’inversion dans laquelle la démarche insoumise est pointée du doigt quand les propos du chanteur israélien ne sont, eux, à aucun moment, qualifiés ni pointés pour ce qu’ils sont.

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Le traitement médiatique de Gaza depuis 18 mois l’illustre chaque jour : les choix éditoriaux et partis-pris sémantiques, qui passent notamment par les choix de titrailles, sont essentiels. Reléguer au second plan le fait qu’une personnalité israélienne dit et redit qu’elle souhaite l’annihilation de tous les Palestiniens de Gaza, participe à banaliser de tels propos et à élargir la fenêtre d’Overton. À l’heure où la survie des Gazaoui.e.s est plus que jamais menacée, euphémiser, invisibiliser ou reléguer en milieu de papier les propos génocidaires devient insupportable.

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