Gaza : au-delà des chiffres, visualiser la tragédie
À Gaza, les morts se comptent par dizaines de milliers, mais les chiffres seuls n’ont plus de sens. Iels s’appelaient Amina, Youssef, Amna… Des vies brisées qu’il faut regarder en face, une à une.

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Informer, résister : Gaza en accès libre « Pour une minute de silence, on m’annonce que je suis suspendue » Portfolio : À Jinba, en Cisjordanie occupée, une vie rythmée par les attaques de colonsDepuis le 7 octobre 2023, la bande de Gaza vit sous un feu continu. Ce massacre, déclenché à la suite de l’attaque du Hamas contre Israël, s’est rapidement transformé en un assaut militaire d’une intensité sans précédent.
En un an et demi de bombardements, de sièges et d’attaques terrestres, le territoire palestinien a été méthodiquement ravagé, ses infrastructures détruites, sa population piégée, et ses hôpitaux transformés en morgues. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à plusieurs reprises, fuyant d’une zone à l’autre dans un territoire où plus aucun endroit n’est sûr. Les conditions humanitaires se sont effondrées.
Cinquante mille vingt
Selon les données les plus récentes fournies par le ministère de la Santé de Gaza, 50 020 personnes ont été tuées par les forces israéliennes entre le 7 octobre 2023 et le 23 mars 2025. Dans le document de 1516 pages, les 27 premières listent uniquement des enfants de moins d’un an. Ils sont 867. En tout, 15 613 mineurs sont présents dans le document déjà obsolète.
Cette estimation ne prend en compte que les victimes dont le nom et l’âge ont pu être identifiés. Derrière ce chiffre vertigineux, il y a des êtres humains : femmes, hommes, enfants, nourrissons, personnes âgées. La majorité d’entre eux sont des civils. Pour rompre avec l’abstraction des bilans chiffrés, Politis propose une visualisation en trois volets, qui permet de redonner un nom, un âge et une individualité à chaque victime.
Ce chiffre, comme souvent lorsqu’il concerne les victimes palestiniennes, est contesté. Des voix politiques ou médiatiques pro-israéliennes cherchent à en réduire la portée, à semer le doute, à disqualifier la source. Mais ces mêmes sources avaient été jugées fiables par les Nations unies et l’OMS.
Une étude publiée dans la revue The Lancet en juillet 2024 est venue confirmer la gravité de la situation. Elle estime que le nombre réel de morts pourrait dépasser les 186 000, en tenant compte des personnes disparues, des corps non retrouvés, des morts indirectes liées à la destruction du système de santé, à la famine et aux maladies.
15 613 mineurs
Depuis la fin mars, les morts continuent de s’accumuler. Rafah, la dernière grande ville encore partiellement debout au sud de Gaza, a été le théâtre d’une offensive terrestre majeure début mai 2025, malgré les avertissements répétés de l’ONU. Cette attaque a visé une population massée après avoir été déplacée plusieurs fois.
Des familles entières, déjà réfugiées à Khan Younès ou à Deir al-Balah, sont poussées à fuir, encore. Les données précises manquent, Gaza étant interdite d’accès, mais selon les ONG, le bilan réel pourrait désormais dépasser les 54 000 morts. L’ONU alerte sur le fait qu’environ 470 000 personnes sont au bord de la famine.
Aujourd’hui dire « cinquante mille morts » ne dit rien. Ces quelques lettres écrasent l’émotion. En redonnant à chaque victime un nom, au milieu d’une masse, nous cherchons à rendre à ces vies leur dignité. Dans un conflit où le doute est devenu une arme politique, où la stratégie du soupçon est employée pour délégitimer la parole palestinienne, nommer les morts est essentiel. Ces personnes ont existé. Elles ne sont pas effaçables. Elles ne peuvent être réduites à des pourcentages ou à des statistiques. Nommer les morts, c’est refuser leur disparition du récit collectif.
* Les données seront mises à jour en fonction des publications officielles.
Sélection manuelle de la tranche d’âge.
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