Les luttes féministes contre l’extrême droite
Margaux Aldebert, Ingrid Darroman et Christiane Marty, représentantes du groupe féminisme de la Fondation Copernic, recensent les attaques identitaires contre les droits des femmes dans le monde ainsi que les résistances qui s’exercent.
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Aya Cissoko : « Le capitalisme est cannibale, il se repaît de vies humaines, du vivant »Le 21 janvier 2017, lendemain de l’investiture de Donald Trump aux États-Unis, une Women’s March était organisée dans tout le pays pour les droits des femmes et contre les discriminations. Deux jours après, était adoptée la règle du « bâillon mondial » (interdiction du soutien financier américain aux organisations offrant des soins d’avortement dans d’autres pays), qui a eu des conséquences catastrophiques pour de très nombreuses femmes dans le monde. Les mesures régressives se sont ensuite succédé, de l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade (sur le droit à l’IVG) à la multiplication de mesures contre les personnes transgenres.
Depuis la seconde investiture de Trump, on assiste à une libération de la parole masculiniste qui s’étend au-delà des États-Unis. En Hongrie, une loi vient d’être votée pour interdire la Budapest Pride au nom de la protection de l’enfance. En Italie, les exemples se succèdent : opposition à une loi sur l’éducation sexuelle à l’école ; demande du retrait, sur l’acte de naissance des enfants de couple lesbien, du nom de leur seconde mère ; autorisation pour les anti-IVG d’entrer dans les cliniques d’avortement.
Comprendre ces mesures, comme les luttes qui s’y opposent, aide à appréhender le modèle de société construit par l’extrême droite partout dans le monde.
Un discours décomplexé se répand sur les réseaux sociaux, pour un ‘sain retour’ à une masculinité virile.
Assignant des rôles différents et hiérarchisés aux femmes et aux hommes en cantonnant les premières à un rôle de gardiennes et de reproductrices des « valeurs identitaires », l’extrême droite garde au centre de son modèle la famille dite « traditionnelle » comme pilier d’une société blanche, hétérosexuelle et croyante. Sous couvert de valoriser les femmes, il s’agit de les enfermer dans un rôle de mère qui empêche leur émancipation. L’opposition à toute éducation à la sexualité à l’école devient un outil dans la construction de ce modèle, en renvoyant l’exclusivité de cette éducation aux familles.
Des résistances féministes mondiales
Aux États-Unis, les mouvements d’extrême droite suprémacistes affichent des liens avec les « tradwives » et portent un discours nataliste et raciste sur le « danger de la baisse de natalité des personnes blanches » pour inciter à procréer. En France, l’extrême droite met l’accent sur la natalité française pour assurer « la continuité de la nation au nom d’une urgence identitaire », tout comme Giorgia Meloni en Italie.
Pour Sara R. Farris, professeure de sociologie à la Goldsmiths, université de Londres, le fémonationalisme est l’instrumentalisation du discours féministe pour servir un discours raciste construisant une figure violente de l’homme immigré, arabe et/ou musulman. Parallèlement, un discours décomplexé se répand sur les réseaux sociaux, pour un « sain retour » à une masculinité virile qui alimente une haine des femmes et des féministes, et nourrit la violence machiste.
La transformation structurelle de la société est nécessaire.
Face à ces attaques – plurielles, mais composant une colonne vertébrale du projet raciste, sexiste et LGBTphobe de l’extrême droite –, les résistances sont multiples et unitaires. En Pologne, l’association Abortion Dream Team accompagne 47 000 avortements par an, malgré la criminalisation de toute aide à l’IVG. Aux États-Unis, la Women’s March a appelé, parmi une coalition de forces progressistes, à manifester contre le gouvernement Trump le 5 avril. Emblème du féminisme italien, la Casa Internazionale delle Donne rassemble une trentaine d’associations pour promouvoir les valeurs d’égalité et de diversité.
En France, le 8 mars, le collectif Grève féministe appelait aussi à la lutte contre l’extrême droite, et la manifestation parisienne a su s’opposer à la manipulation du groupe identitaire Némésis. Le 23 juin 2024, une mobilisation de la coalition Alertes féministes, créée au lendemain des élections européennes, avait appelé à faire barrage à l’extrême droite.
Ces résistances féministes sont primordiales, tant pour la compréhension du danger des extrêmes droites que pour la construction de freins et d’alternatives. Elles soutiennent les mesures de justice sociale et fiscale, la défense des services publics et une planification écologique, tout ce à quoi l’extrême droite est hostile. La transformation structurelle de la société est nécessaire pour faire cesser toute forme de domination et d’oppression que l’extrême droite perpétue lorsqu’elle accède au pouvoir.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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