Laurent Duplomb, l’agriculteur devenu sénateur porte-voix de la FNSEA

Fils d’ouvrier devenu éleveur laitier puis sénateur, Laurent Duplomb est à l’origine d’une proposition de loi visant à réintroduire des pesticides en France. Celui qui se présente comme le défenseur des agriculteurs ne fait pas l’unanimité dans son département de cœur, la Haute-Loire.

Oriane Mollaret  • 26 mai 2025 abonné·es
Laurent Duplomb, l’agriculteur devenu sénateur porte-voix de la FNSEA
Laurent Duplomb au Sénat à Paris, le 11 février 2025.
© ALAIN JOCARD / AFP

En Haute-Loire, il est seigneur en son royaume. Depuis le village verdoyant de Saint-Paulien, où il réside quand il n’est pas au palais du Luxembourg, le sénateur a su se rendre incontournable. « Tous les maires l’appellent, c’est un peu l’assistante sociale de la Haute-Loire », sourit Marie-Pierre Vincent, maire centre-droit de la petite commue de 2 400 âmes.

Elle a récupéré le siège que Laurent Duplomb occupait depuis 2010, lorsque ce dernier est devenu sénateur – la faute à la loi sur le non-cumul des mandats. Cette ancienne pharmacienne ne tarit pas d’éloge pour celui qui est « avant tout agriculteur », insiste-t-elle. « S’il n’a pas vu ses vaches pendant une semaine, ça ne va pas ! »

J’ai penché à droite.

L. Duplomb

Pourtant, Laurent Duplomb est un gars de la ville. Né en 1971 dans la Loire, le jeune Laurent grandit en HLM à Saint-Paul-en-Jarez, au sein d’une famille ouvrière. « Ma jeunesse a été bercée entre des grands-parents paternels ouvriers, qui vivent en HLM, avec des idées de gauche, et des grands-parents maternels commerçants et plutôt à droite. J’ai penché à droite. » Il suit un BTS en production animale au lycée de Bonnefont, en Haute-Loire, synonyme des vacances de son enfance. C’est là qu’il rencontre sa femme Béatrice, fille d’agriculteurs de Saint-Paulien dont il intègre l’exploitation comme associé.

« Droit dans ses bottes »

Trente ans plus tard, son fils et son neveu ont rejoint à leur tour la ferme familiale, qui illustre la vision qu’a Laurent Duplomb de l’agriculture de demain : plus de 200 hectares, une bonne centaine de vaches, des robots de traite dernier cri… « Une installation modèle FNSEA », résume Marie-Lise Brice, porte-parole de la Confédération paysanne de Haute-Loire et élue à la chambre d’agriculture altilgérienne.

Laurent Duplomb ne représente que la tête de proue du métier.

M-L. Brice

D’après l’éleveuse laitière, la ferme des Duplomb est peu représentative des exploitations laitières du coin, qui tournent plutôt autour de 80 hectares pour une cinquantaine de têtes. Et finissent par être « avalées » par ces grosses structures « mangeuses de foncier », alerte-t-elle. « Laurent Duplomb ne représente que la tête de proue du métier. Il y a une dichotomie entre le paysan lambda et lui. »

Une accusation récurrente, qui irrite profondément le sénateur. « J’ai installé deux jeunes, rétorque-t-il. Qu’ils en fassent autant avant de critiquer ! » Marie-Lise Brice décrit un homme « un peu condescendant », avec qui il est difficile de discuter. « Certains peuvent le trouver un peu orgueilleux, reconnaît Marie-Pierre Vincent. Mais quel politique ne l’est pas ? »

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À la Coordination rurale de Haute-Loire, on apprécie un homme, « sincère », « juste » et « droit dans ses bottes ». « Que vous soyez de droite, de gauche ou du centre, si vous lui demandez un coup de main, il fera tout ce qu’il peut », affirme le président du syndicat, Jérôme Batret, éleveur bovin et maraîcher à Retournac, à une demi-heure de Saint-Paulien.

Dans l’armoire de Laurent Duplomb, les costumes cravates n’ont jamais été très loin des bottes de paysan. Fils d’un communiste, l’homme a toujours été engagé à droite. « Mon père ne l’a pas très bien vécu », confie-t-il. Lors des élections législatives de 2007, l’agriculteur se présente dans la 2e circonscription de la Haute-Loire. Il est éliminé au premier tour. L’année suivante, il est nommé premier adjoint du maire divers droite de Saint-Paulien, Denis Eymard. Il raflera le trône à la démission de ce dernier, deux ans plus tard, et est réélu en 2014.

Casquettes

Sénateur Les Républicains depuis 2017, Laurent Duplomb continue à siéger au conseil municipal de Saint-Paulien. L’homme aime les casquettes. Il a été président des Jeunes agriculteurs (son fils a repris le flambeau), président FDSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, président régional du géant du lait Sodiaal et également membre du conseil de surveillance de la marque de produits laitiers Candia.

« Je veux être utile, explique l’intéressé. Les agriculteurs, les ouvriers et toutes ces activités professionnelles les plus répandues en France sont peu ou pas représentées dans les instances nationales. » L’homme aime les casquettes. Il a été président des Jeunes agriculteurs (son fils a repris le flambeau), président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire sur une liste FDSEA-JA et président régional du géant du lait Sodiaal.

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Avec un tel pedigree, beaucoup le voyaient déjà ministre de l’Agriculture de Laurent Wauquiez, dont il est très proche. « Cest un fidèle », confirme Marie-Pierre Vincent. « Cest sa marionnette », corrige Renaud Daumas, maraîcher bio à Retournac et conseiller régional écologiste pour la Haute-Loire. « Dès que Laurent Wauquiez a besoin dun bras armé pour mobiliser les élus sur le territoire, cest Laurent Duplomb qui y va. »

Dès que Laurent Wauquiez a besoin d’un bras armé pour mobiliser les élus sur le territoire, c’est Laurent Duplomb qui y va.

R. Daumas

Y compris aux dépens des agriculteurs locaux, précise-t-il en évoquant les terres agricoles menacées par la RN 88, un projet de déviation de route en Haute-Loire cher à Laurent Wauquiez et ardemment défendu par Laurent Duplomb. En vain. Avec sa victoire écrasante à la présidence des Républicains, Bruno Retailleau leur a coupé l’herbe sous le pied.

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La loi proposée par le sénateur Duplomb, qui doit être débattue jusqu’au 31 mai, est en cohérence avec ses prises de position locales. « Caricaturales », selon Renaud Daumas. « Il dit que le bio, cest pour les bobos », soupire l’élu écologiste. Le texte veut réintroduire à titre dérogatoire un insecticide de la famille des néonicotinoïdes et assouplir certaines normes environnementales. Une dizaine d’ONG de défense de l’environnement, de la santé et des associations paysannes dénoncent un véritable « scandale » environnemental et sanitaire.

« Ce qu’il défend, c’est l’agro-industrie »

À Saint-Paulien, où la loi Duplomb bénéficie d’un large soutien, Marie-Pierre Vincent est perplexe. Certes, certains pesticides sont « potentiellement » cancérigènes, reconnaît cette ancienne pharmacienne en insistant sur le terme. Mais bon. « Il sait de quoi il parle », tranche-t-elle.

En France, un tiers des exploitations agricoles a un chiffre d’affaires inférieur à 25 000 euros par an. Ceux-là, ce ne sont pas des agriculteurs, ils vivent des aides.

L. Duplomb

« Laurent Duplomb se dit paysan, défenseur des agriculteurs, mais c’est faux. Ce qu’il défend, c’est l’agro-industrie », objecte Renaud Daumas. « On n’a pas les mêmes idées agricoles », reconnaît Jérôme Batret, installé lui aussi en bio. Ce qui ne l’empêche pas de soutenir la loi Duplomb. Par « chauvinisme », dit-il. Et avec un raisonnement imparable : « Soit on interdit les mêmes pesticides partout, soit on les autorise partout. »

Auprès de ses détracteurs, Laurent Duplomb assume : « Cette loi ne s’adresse pas à tous les agriculteurs. En France, un tiers des exploitations agricoles a un chiffre d’affaires inférieur à 25 000 euros par an. Ceux-là, ce ne sont pas des agriculteurs, ils vivent des aides. Ma proposition de loi, c’est pour les deux-tiers qui produisent quelque chose. » Les quelques 130 000 exploitants agricoles concernés apprécieront.

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Politique
Publié dans le dossier
Loi Duplomb : la grande régression
Temps de lecture : 6 minutes