« On est là pour enseigner la vérité : un génocide se déroule sous nos yeux »
Ce mercredi 28 mai, 250 personnes sont venues apporter leur soutien à une professeure, suspendue après avoir organisé une minute de silence en hommage aux victimes de bombardements à Gaza. Près du ministère de l’Éducation nationale, tou·tes dénoncent la répression de ces sujets dans l’enseignement.

© Paul Hetté
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De l’Assemblée aux salles de classe : la délicate définition de l’antisémitisme « Pour une minute de silence, on m’annonce que je suis suspendue » « Bientôt, nous enseignerons qu’il y a eu un génocide à Gaza »Ce mercredi 28 mai, à l’appel de plusieurs syndicats (FNEC FP-FO, CGT Éduc’action, FSU et SUD Éducation), plus de 200 personnes étaient présentes rue de Grenelle, près du ministère de l’Éducation nationale, en soutien à une professeure de physique-chimie du lycée Janot-Curie de Sens.
Cette dernière a été suspendue par le rectorat de Dijon après avoir accepté d’observer une minute de silence en hommage aux victimes palestiniennes. Quelques jours avant, le 18 mars, plus de 400 Gazaoui·es avaient été tué·es par des frappes israéliennes dans la bande de Gaza, rompant alors le cessez-le-feu. « Ses élèves ont posé des questions sur la situation à Gaza », et elle a accepté « de faire une minute de silence après la sonnerie de son cours », raconte Michaël Marcilloux, co-secrétaire général de la CGT Éduc’action.
« Il ne s’agit absolument pas d’un parti pris politique »
Une procédure disciplinaire a aussi été engagée à l’encontre de l’enseignante, le rectorat lui reprochant un « manquement » à son devoir de neutralité. L’organisation de cette minute de silence « ne vaut pas une suspension et encore moins une procédure disciplinaire, fustige Michaël Marcilloux. On estime que la décision prise par le rectorat est aberrante, car il ne s’agit absolument pas d’un parti pris politique ».
Une décision « brutale, arbitraire et disproportionnée », selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU et professeure de SES. « On voit comme tout le monde les images qui nous arrivent de Gaza, et ça nous émeut et nous met en colère », déplore-t-elle. La colère est palpable tout au long du cortège qui s’élançait de la place Jacques-Bainville, dans le 7e arrondissement.
« On demande la levée pure et simple de la suspension de notre collègue », lance Clément Poullet, secrétaire général du FNEC FP-FO, avant d’applaudir la professeure suspendue. Rachid, retraité, est venu soutenir la mobilisation et félicite la professeure : « Ce qu’elle a fait, c’est répondre à une sensibilité des élèves aux faits. C’était courageux. »
L’humanité entière devrait faire cette minute de silence, en particulier dans les écoles.
Sarah
« L’humanité entière devrait faire cette minute de silence »
En octobre dernier au Sénat, l’ancienne ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet, rappelait « la liberté pédagogique [des professeurs] d’aborder le sort des victimes du conflit israélo-palestinien ».
Pour Sarah, militante pour la Palestine présente à la marche, « l’humanité entière devrait faire cette minute de silence, en particulier dans les écoles ». Plus loin, une pancarte indique que la professeure a été « suspendue pour une minute de silence alors qu’il en faudrait 54 000 », en référence au nombre de personnes tuées depuis le 7-Octobre dans la bande de Gaza.
« Zéro sanction, réintégration », « Ne touchez pas à notre collègue », « Non à la répression ». Autant de slogans scandés par les nombreux professeur·es venu·es de différents lycées de région parisienne. Ils s’insurgent contre la répression qui frappe l’Éducation nationale concernant le génocide à Gaza.
Un génocide se déroule sous nos yeux en direct, et rien n’interdit à une professeure d’exprimer un geste d’humanité.
C. Poullet
« On est tous tenus par la peur de la répression »
Esther, professeure de philosophie au lycée, a déjà songé à observer une minute de silence pour ces milliers de victimes palestiniennes. « La France en vient à punir ceux qui devraient plutôt être félicités, c’est une inversion de toutes ses valeurs », s’agace-t-elle.
Fière de sa pancarte, où l’on peut lire « On lira votre complicité dans les livres d’histoire », elle ne cache pas sa peur d’aborder ce sujet en classe : « On est tous tenus par la peur de la répression. En Seine-Saint-Denis, mes élèves sont tétanisés. »
Et ce n’est pas cette suspension qui va arranger les choses. Plus loin, Clément Poullet s’insurge contre « un cycle délétère de restrictions où l’on impose aux enseignants une idéologie d’État ». « Ce n’est pas une question d’opinion ou de laïcité, on est là pour enseigner la vérité : un génocide se déroule sous nos yeux en direct, et rien n’interdit à une professeure d’exprimer un geste d’humanité », ajoute-t-il.
« Dans la salle des profs, on réfléchit à en parler à nos élèves, mais il y a beaucoup d’autocensure parmi les enseignants », déplore Jonathan, professeur d’EPS. Exaspéré, il ajoute : « Il y a plein de problèmes dans l’Éducation nationale qui nécessitent des réponses bien plus rapides. »
Alors que le cortège est bloqué par la police à quelques dizaines de mètres du ministère, Sarah souffle. « Vive la liberté d’expression ! », ironise-t-elle. Pour l’instant, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, refuse de recevoir les syndicats.
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