Danse : Mathilde Monnier, l’art du partage

La grande figure de la danse contemporaine présente Territoires à Montpellier Danse puis s’engage ensuite dans Transmission impossible au Festival d’Avignon. Deux projets collectifs ­vecteurs d’une forme très vivante de pédagogie.

Jérôme Provençal  • 25 juin 2025 abonné·es
Danse : Mathilde Monnier, l’art du partage
Constituant une sorte d’anthologie incarnée, le spectacle inclut des temps d’échanges avec le public.
© Karim Zeriahen

Territoires, le 29 juin, Montpellier Danse / Transmission Impossible, du 5 au 15 juillet, Festival d’Avignon.

Grande figure de la danse contemporaine, entrée en scène au début des années 1980, Mathilde Monnier est identifiée avant tout comme chorégraphe par le public. Pourtant, en lien étroit avec sa pratique artistique, elle développe une démarche pédagogique, moins visible mais tout aussi importante à ses yeux. « J’ai commencé à enseigner la danse quand j’avais 19 ans, en même temps que j’ai commencé à danser, précise Mathilde Monnier. Ensuite, j’ai toujours mené les deux activités en parallèle. La pédagogie représente 50 % de ma vie. Cela me permet d’apprendre moi-même toujours quelque chose. »

Durant la période où elle a dirigé le Centre chorégraphique national (CCN) de Montpellier (1994-2013), elle y a mis en place la formation Exerce Master, aujourd’hui l’une des plus reconnues dans le champ de la danse. Plus tard, à la tête du Centre national de la danse (2014-2019), elle a créé Camping, événement annuel dédié à l’apprentissage et au partage, qui accueille en particulier des étudiant·es de multiples nationalités.

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Impulsé en 2021 au sein de la Halle Tropisme, tiers-lieu montpelliérain où Mathilde Monnier a installé sa compagnie en résidence à partir de 2020, le projet Territoires s’inscrit au croisement de la création et de la transmission. Le principe est le suivant : sélectionner des fragments de ses pièces (des années 1990 aux années 2020), les réactiver avec les interprètes d’origine et quelques interprètes plus jeunes pour les donner à (re)découvrir, sous la forme d’une constellation éclatée, dans des lieux et des contextes divers.

Anthologie incarnée

Constituant une sorte d’anthologie incarnée, résolument ancrée dans le présent, le spectacle – qui comprend une vingtaine de fragments – dure environ 1 h 30 et inclut des temps d’échanges avec le public. Présenté le 29 juin dans le cadre de Montpellier Danse, avec une quinzaine d’interprètes (dont Mathilde Monnier elle-même), il va se déployer dans les espaces intérieurs du CCN et dans la grande cour extérieure (rebaptisée cour Montanari, en hommage au fondateur du festival, Jean-Paul Montanari, mort le 25 avril). Un événement à forte valeur symbolique pour la chorégraphe, très attachée à la fois à Montpellier, au CCN et au festival.

Ensuite, celle-ci va se diriger vers Avignon pour prendre part à Transmission impossible. Imaginé par le Festival d’Avignon, la Fondation d’entreprise Hermès et Mathilde Monnier, ce projet – qui a été testé pour la première fois en 2024 – mobilise pendant deux semaines de jeunes artistes évoluant dans des disciplines diverses (théâtre, danse, cirque, arts visuels) et provenant des quatre coins du monde.

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Au-delà du clin d’œil amusant, l’intitulé décalé suggère l’idée du défi que représente le fait de transmettre ce qu’il y a de plus vivant dans le spectacle vivant, ce qui s’insinue entre les mots et les gestes, traverse les corps, stimule les esprits. Les jeunes artistes – 32 pour cette seconde session – voient un ou deux spectacles par jour, se documentent en amont, les analysent en aval, discutent, rencontrent des membres des équipes artistiques : une véritable immersion réflexive dans le Festival d’Avignon.

Le projet tend à éveiller l’esprit critique, à éprouver le rapport à la création artistique et à ancrer dans l’histoire du spectacle vivant.

M. Monnier

L’expérience prend aussi une dimension créative, en fin de parcours, via des restitutions publiques (en accès libre et au format tout aussi libre) amenant les participant·es à traduire leurs ressentis sur les spectacles vus par des biais très variés. Tout du long, quatre artistes mentors encadrent les opérations. Outre Mathilde Monnier, l’équipe 2025 réunit le metteur en scène égyptien Ahmed El Attar, l’auteur et traducteur iranien Mehdi Moradpour et la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen.

«De manière générale, le projet tend à éveiller l’esprit critique, à éprouver le rapport à la création artistique et à ancrer dans l’histoire du spectacle vivant, observe Mathilde Monnier. L’arabe étant la langue mise à l’honneur cette année par le festival, le contexte géopolitique va forcément nous rattraper et susciter des débats en prise directe avec la réalité du monde d’aujourd’hui. »

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Spectacle vivant
Temps de lecture : 4 minutes