Ligue fasciste européenne : la mascarade de la dédiabolisation
Alors que le RN poursuit son entreprise de respectabilité, il accueille en France les leaders européens d’extrême droite dont les politiques piétinent chaque jour les droits humains et les libertés fondamentales.
dans l’hebdo N° 1866 Acheter ce numéro

© JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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« Les idées d’extrême droite arrivent à prendre sur des territoires de la Résistance » Contre-manifestation antifasciste à Montargis : « Si jamais on se tait, tout est perdu » Empoisonner les musulmans, tuer des imams… 16 militants du groupe d’extrême droite AFO devant la justiceLa France est devenue le théâtre d’une parade inquiétante. À l’invitation de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, plusieurs figures de l’extrême droite européenne, dont le Hongrois Viktor Orbán (Fidesz), l’Italien Matteo Salvini (Ligue du Nord), l’Espagnol Santiago Abascal (Vox) ou encore le Néerlandais Geert Wilders (Parti pour la liberté), se sont réunies dans le petit village aux 130 âmes de Mormant-sur-Vernisson (Loiret) pour afficher leur unité et leur volonté d’en finir avec Bruxelles.
Sous couvert de défense des souverainetés nationales, c’est en réalité une offensive coordonnée de l’extrême droite européenne qui s’est organisée et se poursuit sous nos yeux. Une ligue brune résolue à déconstruire l’État de droit et à piétiner les libertés publiques. Marine Le Pen, toujours en quête de respectabilité, espérait ainsi capitaliser sur cette vitrine européenne pour se poser en cheffe de file d’un camp « patriote ». Pourtant, ses invités, qui piétinent chaque jour les droits humains et les libertés fondamentales, montrent par leurs actes la réalité que le Rassemblement national s’efforce de masquer : celle d’un projet profondément autoritaire, raciste, antiféministe et foncièrement antisocial.
Chasse aux migrants, atteinte aux droits des LGBT…
Sous le règne du premier ministre hongrois, la presse a été étouffée, la justice mise au pas, et les droits des LGBT gravement restreints. Une loi votée en 2021 assimile dangereusement homosexualité et pédocriminalité dans les programmes scolaires, criminalisant tout discours inclusif. Les universités ont été purgées, les ONG harcelées. En Italie, Matteo Salvini, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, a fait de la chasse aux migrants un spectacle quotidien. Il a bloqué les navires humanitaires, criminalisé les ONG de sauvetage en mer et vanté une Italie « blanche et chrétienne ».
L’acharnement contre les femmes, les juges, les minorités sexuelles et les journalistes a illustré jusqu’où cette ligue européenne fasciste est prête à aller.
Aujourd’hui encore, sous le gouvernement Meloni, dont il est allié, les coupes budgétaires visent les plus pauvres, les femmes sont poussées vers un rôle maternel archaïque, et le droit à l’avortement, pourtant garanti, est mis en péril par la pression idéologique et l’obstruction administrative. En Espagne, Vox, le parti de Santiago Abascal, prône l’abrogation des lois contre les violences faites aux femmes et s’oppose farouchement à l’avortement. En Pologne, le gouvernement du parti Droit et Justice (PiS), avant sa chute, a restreint l’accès à l’avortement jusqu’à l’interdiction quasi totale. L’acharnement contre les femmes, les juges, les minorités sexuelles et les journalistes a illustré jusqu’où cette ligue européenne fasciste est prête à aller une fois au pouvoir.
Le fascisme ne surgit pas seulement en uniforme noir
En France, nous le démontrons suffisamment dans ces pages, le RN est aussi une menace pour la démocratie, les femmes, les étrangers, les pauvres et précaires. Sa « préférence nationale » est la traduction d’un apartheid social assumé. Le Pen et Bardella veulent pour la France ce qu’Orbán a fait pour la Hongrie : un laboratoire de l’autocratie. Derrière les discours policés et le rebranding habile opéré, le cœur idéologique du RN reste inchangé. La dédiabolisation est un leurre.
Derrière les discours policés et le rebranding habile opéré, le cœur idéologique du RN reste inchangé.
L’histoire nous enseigne que le fascisme ne surgit pas seulement en uniforme noir, mais en costume-cravate, le sourire aux lèvres et avec des petits chatons dans les salons. Ce rassemblement, pour fêter l’anniversaire de leur percée aux élections européennes, qu’ils ont baptisé « La fête de la victoire » – comme une usurpation du nom de la première fête commémorant l’appel du général de Gaulle, quarante jours après la capitulation allemande –, résonne comme une nouvelle démonstration de force. Une force européenne. Elle est aussi le signe d’une autre victoire : culturelle. Avant celle de l’Élysée ?
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