« L’escrime est un outil robuste pour faire face aux inégalités »

Élise Defrasne, maître d’armes et maître de conférences à l’UFR Staps d’Université Paris-Cité déplore le manque d’investissements pour populariser la discipline.

• 9 juillet 2025
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« L’escrime est un outil robuste pour faire face aux inégalités »
© Nathanaël Desmeules / Unsplash

Devenue présidente de la commission des projets scolaires et universitaires/grandes écoles de la Fédération française d’escrime (FFE), Élise Defrasne, maître d’armes et maître de conférences à l’UFR Staps d’Université Paris-Cité déplore le manque d’investissements pour populariser la discipline, particulièrement exposée lors des derniers Jeux olympiques. Dans l’histoire du sport français, l’escrime a rapporté le plus de médailles à la France.


« En attendant Godot » et « Y a pas de budget ? ! » sont les premières phrases qui me viennent à l’esprit, de manière obsessionnelle chaque matin, ces derniers mois. Un contexte national budgétaire, des choix politiques sous-jacents que l’on ne peut qu’inférer et soupçonner, une réalité de mon sport également, l’escrime, un ensemble d’éléments qui m’ont occasionné nombre d’insomnies.

Des insomnies jalonnées de questionnements sur le bien-fondé de mes interrogations, telle une boucle sans fin, considérant la gravité et la multitude des problèmes sociétaux soulignés par la presse, sans pour autant soulager mes insomnies récurrentes. Tenter de relativiser le problème en le mettant en perspective avec d’autres. Contextualiser.

Chance d’avoir été choisie et élue, fierté d’un tel positionnement au sein de la Fédération française la plus titrée aux Jeux olympiques.

Récemment élue au comité directeur de la Fédération française d’escrime (FFE), j’ai créé une commission que je préside, dénommée commission des projets scolaires et universitaires/grandes écoles. Une commission nationale FFE. Chance d’avoir été choisie et élue, fierté d’un tel positionnement au sein de la Fédération française la plus titrée aux Jeux olympiques. Se dire que l’on va être utile en étant à cette place rare, avec ce statut-là, au cœur de l’Institution fédérale.

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Mobiliser ses collègues acteurs de terrain et attendre de l’institution fédérale l’investissement minimum, financier et humain, qui devrait coïncider avec sa mission. Mission écrite dans ses textes. S’insurger que rien ne vienne. Patienter. Tenter de relativiser le problème en le mettant en perspective avec d’autres. Contextualiser.

L’idée d’une articulation étroite entre le champ scolaire et universitaire m’a toujours paru fondamentale.

Associée à cette commission fédérale, une Communauté d’initiatives et de recherches pour une nouvelle éducation (Cirene), constituée d’une centaine de membres, a vu le jour sous mon impulsion. Cirene, une sonorité plaisante et féminine, un lien historique et mythologique vers Cyrène, lieu où évoluèrent nombre d’intellectuels. Une symbolique importante. Cirene, un panorama de profils professionnels différents, aux lignes politiques fédérales parfois divergentes, mais tous œuvrant au développement de l’escrime dans les sphères scolaires et universitaires, avec conviction et expertise.

Mon engagement bénévole au sein de la FFE s’inscrit dans la lignée de ce que je développe à l’Université, en qualité de maître de conférences et maître d’armes (professeur d’escrime). Mon métier. L’Université et notre mission de service public. L’idée d’une articulation étroite entre le champ scolaire et universitaire m’a toujours paru fondamentale.

Cette combinaison est destinée à mettre en évidence les qualités intrinsèques de chacune de ces sphères, des bénéfices de leur interaction, autour du thème de l’escrime et de la santé psychosociale, plus particulièrement. La création d’un certificat « Escrime en EPS » à l’Université et la signature d’une convention entre la Conférence des doyens Staps C3D et la FFE furent les réalisations de ces derniers mois. Mais où sont les budgets fédéraux destinés à soutenir ces projets ?

L’escrime est une activité physique accessible et relativement facile à mettre en œuvre.

Prisée par l’Éducation nationale pour ses valeurs pédagogiques, discipline reconnue pour la santé et plus récemment déployée pour lutter contre les violences faites aux femmes, l’escrime est un outil robuste pour faire face aux inégalités. À l’encontre de certains préjugés, l’escrime est une activité physique accessible et relativement facile à mettre en œuvre, quelles que soient les caractéristiques du public considéré (pratique mixte filles/garçons, adultes débutant·es et plus âgé·es, ou porteur·ses de handicaps).

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Elle ne nécessite que quelques adaptations pédagogiques aisément mises en œuvre grâce au matériel dénommé Kits premières touches. L’ensemble de ces éléments devrait laisser présager un développement et une popularisation de cette activité, jusque-là réservée à une élite. Et pourtant… La tendance observée ces vingt dernières années semble poursuivre sa trajectoire inexorablement.

Après la suppression de l’escrime au certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive (Capeps) puis au baccalauréat, plus récemment, une forme de désengagement de la FFE envers l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) – qui œuvre quotidiennement pour l’accessibilité du sport pour tous les scolaires – est observée, avec probablement in fine la non-reconduction de la convention UNSS/FFE.

De manière concomitante, des éléments de discours remettant en question le bien-fondé d’une pratique scolaire émergent au sein de l’Institution fédérale, chez quelques individus au moins. Tenter de relativiser le problème en le mettant en perspective avec d’autres. Contextualiser. Et attendre la suite…


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