Comment les discours sur l’immigration alimentent l’islamophobie
Si les discours islamophobes dépassent aujourd’hui largement l’extrême droite, ils ont en commun de promouvoir une France blanche et catholique.
dans l’hebdo N° 1870 Acheter ce numéro

© Serge d'Ignazio
Depuis quelques années, les spécialistes français des migrations tentent de tordre le cou aux stéréotypes sur l’immigration en apportant de la nuance et des informations scientifiques sur ce phénomène mondial. Le professeur François Héran rappelait, en 2023 sur France Inter, qu’il n’y a pas de lien entre les politiques migratoires et la probabilité d’attentats.
En cause, l’association devenue banale entre immigration et danger sécuritaire. S’il n’y a pas de corrélation entre terrorisme et immigration, il est incontestable que les discours politiques sur l’immigration alimentent l’islamophobie. Que les personnes victimes d’islamophobie soient françaises ou non importe peu, car l’équation qui associe le ou la musulman·e à un·e immigré·e dépend de la manière dont elles sont perçues, ce qui leur échappe en partie, en l’absence de signes distinctifs de religiosité.
Depuis une dizaine d’années, le discours stigmatisant et répressif sur l’immigration n’est plus réservé à l’extrême droite : droite et centre usent du leit motiv sur les risques migratoires. Dans les colonnes du Journal du dimanche, immigration et islam sont associés pour mettre en garde sur « une transformation culturelle accélérée » due à une prétendue « submersion » migratoire. En d’autres termes, la France court le danger du « grand remplacement ».
À chaque défi ou drame national, étrangers et musulman·es sont accusé·es de menacer la cohésion nationale
Face à cette menace supposée, la banalisation du discours anti-migrant·e s’est doublée d’un discours islamophobe où les musulman·es sont invité·es à « rentrer chez eux/elles ». Ce motif a été repris par Christophe B., l’assassin de Hichem Miraoui, qui déclarait sur les réseaux sociaux que l’État n’était « pas capable de nous protéger, de les renvoyez (sic) chez eux ». Le parquet révélait qu’il avait écrit « de très nombreuses publications portant notamment sur le terrorisme, les étrangers, l’islam, l’ultra-droite (sic) ou ciblant les instances gouvernementales françaises ».
L’immigration et l’islamophobie ont en commun l’assignation à l’altérité et le renvoi systématique au danger qui menace d’abord le travail. Jean-Marie Le Pen associait systématiquement les immigrés au chômage. Aujourd’hui, l’idéologie de l’extrême droite s’est étendue : à chaque défi ou drame national, étrangers et musulman·es sont accusé·es de menacer la cohésion nationale et la sécurité. Les lois immigration se succèdent et servent d’argument électoral. L’approche idéologique ne semble pas freiner les relents racistes qu’elle véhicule.
Cette association vise à préserver une pureté nationale, une France blanche héritière d’un catholicisme paroissial et d’une culture supposément menacée. La perte de ces caractéristiques fantasmées alimente les idéologies racistes, islamophobes et antisémites sur le danger que représenteraient étranger·es, migrant·es, musulman·es, juif·ves, dont la présence serait coupable de nuire à la culture française.
Il s’agit là d’un discours identitaire très commun, de Orbán en Hongrie à Trump aux États-Unis en passant par Meloni en Italie, qui rejette sur des minorités tous les enjeux auxquels les gouvernements peinent à répondre aux effets du capitalisme, des guerres et des crises géopolitiques et économiques.
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