« Les députés qui voteront pour la loi Duplomb voteront pour le cancer »
Porte-parole de l’association Avenir Santé Environnement, Franck Rinchet-Girollet est le père d’un enfant de 8 ans en rémission d’un cancer. Il exhorte les députés à voter contre la très contestée loi Duplomb, votée mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale.

© Maxime Sirvins
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Loi Duplomb : la FNSEA contre la société Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannesFranck Rinchet-Girollet est le père d’un enfant de 8 ans en rémission d’un cancer et porte-parole de l’association Avenir Santé Environnement. Ce mardi, il sera dans la tribune de l’Assemblée nationale pour assister au vote de la loi Duplomb. Il appelle les députés à s’opposer à une loi qu’il décrit comme « une aberration pour la santé publique ».
Pourquoi serez-vous dans la tribune de l’Assemblée nationale, ce mardi 8 juillet ?
Franck Rinchet-Girollet : C’est très important pour nous d’être présents. On veut que les députés qui s’apprêtent à voter cette loi ne le fassent pas dans l’anonymat – comme cela a été le cas au sein de la commission mixte paritaire – mais l’assument devant les familles de victimes de cancer, des patients eux-mêmes, des médecins. Le message sera alors limpide : les députés qui voteront pour la loi Duplomb voteront pour le cancer.
Cette loi contient des régressions sanitaires et environnementales majeures.
Même à mon pire ennemi, je ne peux souhaiter d’emmener son gamin en chimiothérapie. Mais j’ose espérer qu’il ne faut pas attendre que les gens soient impactés par un cancer pour se rendre compte que les enjeux de santé publique sont primordiaux. Aujourd’hui, quand je vois l’état de la contestation contre la loi Duplomb, je m’interroge sur ce qui qualifie les gens qui vont la voter pour décider de notre santé. Même la Ligue contre le cancer a pris position contre cette loi ! C’est inédit. Mais les députés vont quand même la voter en se disant « pas de problème, tout va bien ».
En quoi la proposition de loi, portée par le sénateur de droite Laurent Duplomb, vous inquiète particulièrement ?
C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Je suis papa d’un petit garçon de 8 ans, en rémission d’un cancer. Chez nous, dans la plaine d’Aunis, près de La Rochelle, une enquête de l’Inserm a montré que les moins de 24 ans avaient 4,5 fois plus de chance de développer un cancer qu’ailleurs.
Avec l’association Avenir Santé Environnement, dont je suis le porte-parole, on a commencé à regarder ce qu’il se passe chez nous et ce qui explique ce chiffre. Vite, la pollution agricole nous est apparue comme très importante. En 2021, une étude a montré qu’il y avait, chez nous, 41 molécules dans l’air issues de pesticides. Nous détenons le record de France de présence d’herbicides dans l’air.
Laurent Duplomb priorise les intérêts économiques à la santé publique.
Pourtant, en faisant ce travail, on s’est aperçu que les agences de l’État ne prenaient en compte les molécules qu’une par une. C’est-à-dire que « l’effet cocktail » sur la santé humaine n’est pas pris en compte. C’est une faille énorme de méthodologie.
Récemment, comme notre association a grossi, on a pu financer une étude sur l’impact de cette pollution sur les enfants. On a fait tester les cheveux et urines de 72 enfants – en bonne santé – sur le territoire. Et les résultats sont inquiétants. Tous les enfants ont 45 molécules dans les cheveux et 12 dans les urines. Notamment des molécules interdites depuis des décennies. Mais même une fois interdite, leur présence ne disparaît pas et la contamination perdure. Et dans ce contexte-là, on veut réintroduire un néonicotinoïde interdit depuis 2018 et s’attaquer aux scientifiques via l’Anses… C’est totalement aberrant !
Que ressentez-vous à l’approche du vote ?
Du dégoût. De l’indignation. Comment, en 2025, on peut concevoir une telle loi ? Laurent Duplomb est un ancien cadre de la FNSEA et il priorise les intérêts économiques à la santé publique. Cette loi contient des régressions sanitaires et environnementales majeures, pour favoriser la production et l’exportation de produits agricoles. Or, de multitudes de recherches le montrent, l’environnement est un déterminant de la santé publique. C’est cela qui devrait primer.
Comment comptez-vous continuer à vous battre ?
La mobilisation contre la loi Duplomb est très large. Elle regroupe des gens très différents – et pas que des militants. Des chercheurs, des médecins, des victimes de pesticides, des ONG, etc. Donc dès demain (mardi 8 juillet, N.D.L.R.), il y a une grosse manifestation. De notre côté, on tiendra une conférence de presse avec Médecins du monde, Alerte des Médecins sur les pesticides, Cancer Colère pour alerter sur les enjeux de santé publique autour de cette loi. Ce week-end, on a envoyé des mails à beaucoup de députés du bloc central, ceux qu’on a ciblés comme étant « indécis » pour essayer de les convaincre de rejeter ce texte.
Vous croyez au rejet du texte ?
Je l’espère, mais je ne suis pas confiant. Mais comptez sur nous, on continuera de se battre. Jusqu’au bout. On ne lâchera pas.
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