De la force du droit au droit de la force
Le droit international, qui devait être le socle d’un ordre mondial pacifié, est foulé aux pieds par ceux qui s’en réclamaient jadis comme d’un rempart contre la barbarie. Il ne s’agit plus de le sauver mais de le refonder.
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Droit international : quand règne la loi du plus fort Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face La déroute du droit internationalLe droit international, censé incarner la boussole morale d’un monde civilisé, n’est plus qu’un lambeau accroché aux discours de tribunes diplomatiques où l’indignation sélective le dispute à l’hypocrisie. Ce qui devait être le socle d’un ordre mondial pacifié est foulé aux pieds par ceux qui s’en réclamaient jadis comme d’un rempart contre la barbarie. La bascule s’est faite à visage découvert : de Trump à Poutine, d’Orbán à Netanyahou, la realpolitik a définitivement abattu le masque du droit au profit d’un cynisme assumé où la puissance dicte la norme et l’impunité devient la règle.
Trump n’a fait qu’exacerber une tendance déjà à l’œuvre.
Donald Trump, en piétinant les accords internationaux, a ouvert une brèche béante dans l’édifice multilatéral. Mais il n’a fait qu’exacerber une tendance déjà à l’œuvre : celle d’un impérialisme à deux vitesses, où l’exception américaine l’emporte sur toute justice universelle. Vladimir Poutine, en annexant la Crimée puis en envahissant l’Ukraine, n’a fait que pousser cette logique à son paroxysme : la violence comme langage diplomatique.
Viktor Orbán, quant à lui, érige l’illibéralisme en doctrine, bafouant les droits fondamentaux sous les applaudissements feutrés d’une Europe qui marchande ses principes contre sa stabilité interne. Benyamin Netanyahou, enfin, défie systématiquement le droit international, instrumentalisant l’histoire et la sécurité d’Israël pour légitimer une politique de colonisation, d’apartheid et de guerre sans fin, au mépris des résolutions de l’ONU et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le droit international ne meurt pas d’un seul coup d’État, mais d’un lent renoncement.
Mais il serait trop facile d’imputer ce désastre aux seuls autocrates ou dirigeants réactionnaires.
La gauche, les démocraties libérales et leurs élites portent, elles aussi, une responsabilité dans cette déroute. Les démocrates américains, sous Clinton, Obama puis Biden, ont sanctuarisé l’usage extraterritorial du droit, maintenu des bases militaires partout sur la planète, cautionné des interventions illégales sous couvert d’humanisme armé.
En Europe, la social-démocratie s’est rendue complice d’une normalisation sécuritaire, s’alignant sur l’Otan, fermant les yeux sur les crimes de ses alliés, et abandonnant toute prétention à une diplomatie indépendante et fondée sur le droit. Le droit international ne meurt pas d’un seul coup d’État, mais d’un lent renoncement. Celui des peuples trahis, des institutions perverties et des gouvernements qui préfèrent l’ordre au droit. Le combat qui s’ouvre n’est pas seulement juridique, il est profondément politique. Il ne s’agit plus de sauver le droit international, mais de le refonder, contre tous ceux qui en ont fait une arme de classe, un alibi impérial ou une promesse creuse.
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