Professionnel·les de santé : notre devoir est de nous tenir au côté du peuple palestinien

L’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires appelle à une mobilisation des professionnel·les de santé, le 26 juillet à 14 h 30, de l’Hôpital Tenon, à Paris jusqu’à l’hôpital Robert-Debré.

Collectif  • 10 juillet 2025
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Professionnel·les de santé : notre devoir est de nous tenir au côté du peuple palestinien
Manifestation pour la Palestine, le 27 mai 2024 à Paris.
© Maxime Sirvins

En ce moment décisif de l’histoire, s’écrivent dans le sang et la barbarie, les heures les plus sombres d’un conflit colonial qui n’a eu de cesse, depuis la Naqba de 1948, de dénier aux palestinien•nes leur droit fondamental à vivre dignement et en bonne santé. En tant que soignant·es, l’essence de notre profession devrait être d’offrir à toustes une santé compatible avec le bien-être. Face au péril de mort qui pèse sur le peuple palestinien, notre éthique individuelle et collective nous engage : nous ne pouvons plus détourner le regard.

Pour reprendre les mots de la rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese (1) : « Israël commet un génocide à Gaza : ce n’est pas une opinion, c’est un fait documenté ». Reconnaissant déjà le risque plausible de génocide, la Cour pénale internationale ordonnait dès janvier 2024 l’application de six mesures conservatoires pour prévenir la survenue d’un préjudice irréparable menaçant la survie des palestinien·nes à Gaza. À date, aucune de ces mesures n’a été appliquée.

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Francesca Albanese est actuellement la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Allocution diffusée par le média italien MediaSet Infinity et mise en ligne le 28 mai 2025.

Israël poursuit donc son entreprise génocidaire dans le mépris du droit international. Le dernier décompte publié le 24 juin par le ministère de la Santé gazaoui – et considéré comme fiable par l’OMS – recense dans un document vertigineux de 1 227 pages, les identités des 55 202 mort·es identifié·es depuis octobre 20234. Ce bilan, déjà tragique, n’est pas exhaustif puisqu’il omet les centaines de milliers de disparu·es, encore enseveli·es sous les décombres.

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Alors que Gaza est asphyxiée par un blocus total depuis mars 2025, la situation continue de s’aggraver. La famine est désormais utilisée comme arme de guerre par l’occupant israélien : près de 500 000 personnes – soit un Gazaoui sur cinq – risquent de mourir de faim dans les prochains mois, incluant des dizaines de milliers d’enfants. Face à la catastrophe humanitaire et sanitaire, notre conscience individuelle et collective nous engage : nous ne pouvons plus détourner le regard.

Dans ce contexte de chaos généralisé, l’impossibilité de prendre soin est méthodiquement orchestrée. Être soignant•e à Gaza relève d’un cauchemar, qu’aucun·e de nous ne veut, ni ne peut imaginer vivre un jour. Dans une situation d’extrême saturation des hôpitaux, d’insécurité permanente, et de manque drastique de moyens, les soignant·es se retrouvent acculé·es face à l’afflux continu des victimes.

Notre devoir de solidarité individuelle et collective nous engage : nous ne pouvons plus détourner le regard.

La bande de Gaza déplore ainsi le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde, nombre d’entre eux ayant été opérés sans anesthésie. Alors que les « ordres d’évacuation » arbitraires se succèdent, les patient·es les plus vulnérables sont déplacé·es, inlassablement, au péril de leur vie. Les autorités israéliennes refusent l’entrée des médicaments de première nécessité et des fournitures médicales. Face aux conditions de travail inqualifiables auxquelles nos collègues sont contraint·es, notre devoir de solidarité individuelle et collective nous engage : nous ne pouvons plus détourner le regard.

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En réalité, c’est l’effondrement du système de santé tout entier que mettent délibérément en œuvre les forces d’occupation israélienne. Il y a d’abord la destruction des infrastructures médicales qui sont directement prises pour cibles. Le 31 décembre 2024, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme publiait un rapport thématique, documentant les attaques répétées sur les hôpitaux, les opérations militaires menées à l’intérieur et aux abords de ces établissements, ainsi que l’ampleur des tueries perpétrées contre les patient·es, le personnel soignant et les populations civiles.

En janvier 2025, on dénombrait déjà plus de 1 000 profesionnel·les de santé palestinien·nes assassiné·es.

Le rapport dénonce un « schéma ayant conduit à la destruction de la plupart des hôpitaux à Gaza, poussant le système de soins un point d’effondrement quasi-total ». Le personnel soignant est spécifiquement visé par des actes d’enlèvement et de tortures comme le documente un rapport publié par Human Rights Watch en août 2024. Depuis la publication de ces rapports, Israël poursuit son entreprise de destruction systématique du système de soins en violation totale du droit international qui stipule clairement, notamment dans les Conventions de Genève, la protection constante dont doivent bénéficier le personnel médical et les infrastructures sanitaires en temps de guerre.

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À ce jour, l’ampleur de la destruction est telle, qu’il reste moins de 2 000 lits d’hôpitaux fonctionnels dans la bande de Gaza, alors que tous les hôpitaux publics du Nord sont désormais hors service. En janvier 2025, on dénombrait déjà plus de 1 000 profesionnel·les de santé palestinien·nes assassiné·es. Notre collègue, le docteur Hussam Abu Safiya, kidnappé par l’armée israélienne lors de l’attaque meurtrière de l’hôpital Kamal Adwan le 27 décembre 2024, est toujours incarcéré dans une prison israélienne dans des conditions inacceptables. Face au mépris du droit international sans cesse bafoué, notre attachement indéfectible aux droits humains nous engage : nous ne pouvons plus détourner le regard.

Mais quand les faits sont sans appel, comment expliquer le silence assourdissant de nos institutions face au génocide le mieux documenté de l’histoire ? Comment comprendre l’absence de réaction du milieu soignant devant tant de violences à l’encontre des plus vulnérables ? Comment analyser la répression inédite contre les manifestant·es et citoyen·nes mobilisé·es pour la libération de la Palestine de l’oppression israélienne ? Ces interrogations légitimes appellent une même réponse : celle d’un racisme structurel, produit et entretenu par l’État, enraciné dans un héritage colonial dont les logiques perdurent encore aujourd’hui.

Ne servons pas cette complicité et sortons rapidement de l’inaction.

En résulte alors, au sein de toutes les instances du corps politique et social, une dynamique de hiérarchisation des vies, où les corps racisés, exclus d’une humanité prétendument universelle, ne sont pas jugés dignes de protection et de compassion. Nous dénonçons avec force ce système qui ne traite pas avec équité et dignité toutes les vies humaines. Nous le dénonçons d’autant plus fortement que nous savons les conséquences qu’il a également en France dans nos propres lieux de travail et nos propres pratiques, sur nos patient·e·s ou collègues racisé·e·s. Le racisme tue, en Palestine comme en France.

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En tant que communauté soignante, nous devons donc nous mobiliser pour exiger :

  • L’application sans délai d’un cessez-le-feu permanent ;
  • La levée sans conditions du blocus sur Gaza afin que l’aide humanitaire puisse être rapidement et massivement acheminée ;
  • La mise en place de mesures garantissant aux palestinien·nes le droit fondamental d’accès aux soins psychiques et physiques, dans le respect de la dignité humaine ;
  • L’arrêt immédiat et définitif des livraisons d’armes par la France à Israël ;
  • La fin du génocide et la conformation d’Israël au droit international par l’exécution des principales mesures édictées par la Cour Internationale de Justice, la Cour pénale internationale et l’Assemblée générale de l’ONU.

Les sociétés savantes, les institutions médicales et paramédicales ont le devoir d’agir et de prendre position sans ambiguïté contre le génocide, et contre la complicité active de l’État français. L’heure est à la clarification : continuer à se taire serait une faillite morale et éthique irréparable.

En tant que soignant·es, mais aussi simplement en tant que citoyen·nes, ne servons pas cette complicité et sortons rapidement de l’inaction. Nous sommes nombreu·x·ses à vouloir nous mobiliser. Alors rassemblons nous et donnons nous de la confiance !

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Nous pouvons agir, comme beaucoup d’autres l’ont déjà fait : les dockers de Fos-sur-Mer et de Gênes en Italie ont bloqué des livraisons d’armes, destinées à Israël. Les syndicats de professeurs se sont mis en grève le 17 juin en solidarité avec la Palestine et contre la répression d’une professeure qui, à la demande de ses élèves, a réalisé une minute de silence en classe. Des collègues dans la santé ont organisé des rassemblements devant des hôpitaux, encore récemment à Tenon et à la Pitié-Salpêtrière. Les exemples ne manquent pas de mobilisations. C’est leur accumulation dans l’ensemble des secteurs de la société qui mèneront à la fin du génocide à Gaza.

C’est collectivement que nous trouverons les moyens d’agir et de défendre la vie.

Rejoignez-nous le 26 juillet à 14 h 30 pour une première mobilisation des travailleu·ses·rs du soin contre le génocide et pour la Palestine. Nous partirons de l’Hôpital Tenon, à Paris, pour une marche symbolique jusqu’à l’Hôpital Robert-Debré. Nous tiendrons ensuite notre assemblée générale inaugurale – à partir de 16 h 30 au Baranoux (à confirmer) – pour construire ensemble la lutte à venir. C’est collectivement que nous trouverons les moyens d’agir et de défendre la vie.


Ce texte émane de l’Assemblée pour des soins antiracistes et populaires (Asap). L’Asap est un collectif de travailleur·ses et usager·es du soin, souhaitant lutter et s’organiser contre le racisme en santé.

Plus d’infos sur la mobilisation ici sur Instagram ou par mail.



Publié dans
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Temps de lecture : 8 minutes
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