À Paris, l’hommage aux républicains espagnols de la « Nueve », premiers libérateurs de la capitale

Comme chaque année depuis 2004, une cérémonie organisée par la Mairie de Paris a célébré les républicains espagnols de la 9e Compagnie de la 2e DB de Leclerc, qui furent les premiers soldats alliés à entrer pour libérer Paris le 24 août 1944.

Olivier Doubre  • 28 août 2025 abonné·es
À Paris, l’hommage aux républicains espagnols de la « Nueve », premiers libérateurs de la capitale
Cette année, le gouvernement espagnol a offert une plaque commémorative à la Ville de Paris, en souvenir de ces combattants héroïques contre le fascisme. Elle a été apposée à côté de celle de la mairie de Paris (2004), sur la grille du jardin qui porte le nom de la 9e compagnie.
© Olivier Doubre

Il faut souligner l’engagement d’Anne Hidalgo en faveur de la reconnaissance officielle par la Mairie de Paris du rôle de la « Nueve », la « Neuvième » (en espagnol) compagnie de la 2e division blindée (DB) du général Leclerc, dans la libération de Paris. Commandée par le capitaine Dronne, elle fut la première à entrer au soir du 24 août 1944 dans une ville qui s’est déjà soulevée contre l’occupant nazi, avec la particularité d’être composée de 146 Espagnols sur ses 160 membres.

Des républicains (pour beaucoup anarchistes, mais aussi socialistes ou communistes) réfugiés depuis la fin la Guerre civile espagnole (1936-1939) qui s’étaient engagés dans les troupes de la France libre pour poursuivre, après leur défaite en Espagne, la lutte contre le fascisme. Avec la 2e DB, ceux d’entre eux qui survécurent aux terribles combats pour libérer l’Alsace, entrer dans Strasbourg ou franchir le Rhin, prendront même, victorieux, en avril 1945, le « Nid d’Aigle » d’Hitler à Berchtesgaden, son luxueux chalet des Alpes bavaroises. Mais le 8 mai 1945, moins d’une vingtaine sont encore en état de combattre.

Anne Hidalgo, lors de son allocution. (Photo : Olivier Doubre.)

Sur les photos d’archives, on peut voir que les tanks juste derrière le général de Gaulle descendant les Champs-Élysées le 26 août 1944 portent les noms « Ebro », « Guadalajara », « Guernica » ou « Teruel », ceux des grandes batailles contre les franquistes. Autre fait peu connu, avant que le cortège emmené par De Gaulle ne s’élance vers l’Hôtel de Ville, les combattants de la Nueve déploient devant l’Arc de Triomphe un immense drapeau rouge-jaune-violet, les couleurs du drapeau officiel de la République espagnole.

Franco protestera, sans que le Gouvernement provisoire de la République française n’en ait cure. Pourtant, après-guerre, on les oublie, interdits de retour en Espagne jusqu’à la mort de Franco (en 1975), et contraints à l’exil dans une France si peu généreuse qu’ils y restent « apatrides ».

Faire vivre la mémoire

En 2004, les choses évoluent enfin. À l’occasion des 60 ans de la Libération de Paris, grâce aux travaux d’historiens et aux vifs soutiens des associations d’exilés républicains en France, le maire de l’époque Bertrand Delanoë leur rend hommage, apposant une plaque en leur honneur sur le quai Henri-IV. Même si le nombre de survivants ne se compte plus que sur les doigts d’une seule main… Surtout, en 2015, le jardin de l’Hôtel de Ville, qui borde le bâtiment face à la Seine, est renommé « jardin des combattants de la Nueve ». Et chaque 24 août, une cérémonie a lieu en présence d’un représentant officiel de l’État espagnol.

L’an dernier, en 2024, 80e anniversaire de la Libération, la foule était plus dense devant la Seine pour un hommage conduit par Anne Hidalgo – et du secrétaire d’État espagnol de la Mémoire démocratique, Felix Bolaños. En cette année 2025, la maire de Paris et le successeur de ce dernier, Fernando Martínez López, ont de nouveau prononcé des allocutions très applaudies, entourés de drapeaux français, de ceux des associations de résistants, de déportés, des exilés espagnols victimes du franquisme, ou des anciens des Brigades internationales…

Sur le même sujet : 80 ans de la libération de Paris : les républicains espagnols à l’honneur 

Surtout, le président de l’association « 24 août 1944 – La Nueve », qui fait vivre la mémoire de ces combattants, et Anne Hidalgo ont annoncé l’ouverture, l’an prochain à l’automne 2026, d’un centre d’archives et de recherches dédié à l’histoire de la Nueve, avec le soutien de la Mairie de Paris (et de celle du XXe), au 33 rue des Rigoles (XXe arrondissement), siège historique de la CNT-FAI, l’organisation anarcho-syndicaliste qui eut un grand rôle durant la guerre civile espagnole et… toujours local de la CNT française aujourd’hui !

Plaque commémorative et absence française

Aussi, rappelant ces enjeux mémoriels, le ministre du gouvernement Sánchez a tenu à mettre en garde le public présent contre les dangers que fait aujourd’hui la montée des extrêmes droites aux quatre coins de l’Europe, dans le contexte inquiétant de la guerre en Ukraine et du « génocide en cours à Gaza ». Car l’Espagne est l’un des membres de l’Union européenne les plus mobilisés et l’un des tout premiers à avoir reconnu officiellement l’État de Palestine.

Sur le même sujet : Espagne : une voie diplomatique à part ?
Le dévoilement de la plaque offerte par le gouvernement espagnol, par Anne Hidalgo et le secrétaire d’État Fernando Martínez López. (Photos : Olivier Doubre.)

La cérémonie s’est alors conclue par le dévoilement d’une plaque offerte très officiellement à la Ville de Paris par le gouvernement espagnol en mémoire des combattants de la Nueve. Elle est désormais apposée à côté de celle de la Ville de Paris à l’entrée du jardin. Alors que quelques slogans « No Pasaran ! » jaillirent (discrètement) de l’assistance, on pouvait soudain s’étonner de l’absence de toute représentation de l’exécutif français (ou bien fut-elle très très discrète, et non annoncée), tout comme de l’armée française, pourtant présente les années passées avec un gradé en uniforme, rendant hommage à ce groupe de ses soldats héroïques aujourd’hui disparus.

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Société
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