« Ça se relit », épisode 10 : Marilyse Léon et Edmond Maire
Cet été, Politis demande à de nombreuses femmes de gauche un discours à découvrir… ou redécouvrir. Pour ce neuvième épisode, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon lit l’un de ses prédécesseurs, Edmond Maire.

© Politis / Domaine public
Dans le même dossier…
« Ça se relit », épisode 9 : Sophie Binet et Ambroise Croizat « Ça se relit », épisode 8 : Sandrine Rousseau et Hubertine Auclert « Ça se relit », épisode 7 : Hella Kribi-Romdhane et Nicolas Sarkozy « Ça se relit », épisode 6 : Danièle Obono et Aimé Césaire« Le chômage peut être vaincu ». Toute la détermination et tout le volontarisme du secrétaire général de la CFDT, Edmond Maire, sont résumés dans cette phrase. Le 20 août 1986, il signe une tribune dans le journal Le Monde pour s’attaquer au fatalisme qui gagne la société : puisque les forces politiques, quel que soit leur positionnement sur l’échiquier idéologique, sont incapables de juguler la montée en puissance du nombre de chômeurs, acceptons cette perspective. « Non ! Franchement non ! », leur rétorque Edmond. Près de 40 ans plus tard, ses mots et les enseignements qu’il tire de cette période sont toujours aussi pertinents.
Quand certains baissent les bras sans le dire, brandissant des chiffres macroéconomiques pour se rassurer de leur impuissance — le fameux chômage incompressible (2,5 millions de chômeurs pour Philippe Séguin en 1986, 5 millions pour Emmanuel Macron en 2025) — le syndicalisme, « porteur de sens pour les salariés et donc pour la société tout entière », ne peut se résoudre à laisser toute une population sur le bord de la route.
Et il ajoute : « si la leçon pouvait servir d’antidote aux illusions préélectorales ». Ce vœu est plus que jamais d’actualité alors que les petits chevaux s’élancent déjà dans la course à la présidentielle 2027. Partons de ce que vivent les travailleurs et les travailleuses pour lutter efficacement contre le chômage. L’ancien technicien chimiste ne dit pas autre chose. La CFDT d’aujourd’hui, fidèle à celle des années 1980, met le travail au cœur des transformations sociales nécessaires pour changer de modèle.
Avec le document « le Travail que nous voulons », elle affirme que le travail ce n’est pas un simple emploi occupé. Les conditions de travail, l’organisation du travail, les moyens d’expression des salariés, le sens des missions exercées…
Toutes ces notions ont un impact sur l’emploi. Peut-être encore plus aujourd’hui qu’hier. Le travail s’est beaucoup transformé. Pas le patronat. Avec son style direct, le secrétaire général de la CFDT fustige la « restauration gatazzienne du patron autosuffisant ». Une posture toujours adoptée par l’organisation patronale majoritaire qui a changé de nom depuis 1986 mais pas de dogme. Pour elle, seul le patron est légitime pour parler organisation du travail et stratégie d’entreprise.
La CFDT s’est toujours érigée contre cette idée. En 2025 comme en 1986. Depuis 40 ans, le patronat ne jure que par la baisse des coûts de production, le « développement sans frein du travail précaire » et le « rétablissement de la confiance des détenteurs de capitaux et des chefs d’entreprise ». Cette politique n’a pas donné les résultats promis. Pire, elle a créé un maelström d’aides publiques que le législateur lui-même peine à justifier.
Le soutien aux entreprises n’est pas illégitime s’il est évalué et contrôlé. Mais il doit reposer sur une réalité de situation et pas sur un mantra répété par les zélateurs de la dérégulation. Pour éliminer le chômage à court et moyen terme, parlons travail. Edmond Maire l’affirmait déjà : « le handicap premier de nos entreprises et de nos administrations réside dans une gestion archaïque, centralisée, qui gâche les potentialités des salariés et sclérose leurs qualifications ».
La deuxième approche d’Edmond repose sur un constat. Oui il existe un chômage « frictionnel ». Depuis la rédaction de cette tribune qui m’a marquée par sa modernité, des militants du « réel » soutenus par la CFDT (ATD Quart-monde, Emmaüs France, le Secours catholique, le Pacte civique, la Fédération des acteurs de la solidarité) ont mis en place et développé les « territoires zéro chômeurs de longue durée ». Le travail, c’est la dignité et le respect. Tout citoyen y a droit. C’est cette conviction et cette détermination qui guident l’action de la CFDT depuis des décennies.
La tribune d’Edmond Maire, publiée dans Le Monde le 20 août 1986.
Cliquez ici pour télécharger le document au format PDF.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un DonPour aller plus loin…

« Ça se relit », épisode 9 : Sophie Binet et Ambroise Croizat

« Ça se relit », épisode 8 : Sandrine Rousseau et Hubertine Auclert

« Ça se relit », épisode 7 : Hella Kribi-Romdhane et Nicolas Sarkozy
