« Affaire libyenne » : tout comprendre des condamnations

À l’image de huit autres accusés, Nicolas Sarkozy a été déclaré coupable de délits lui étant reprochés concernant le financement de sa campagne de 2007. Il est le premier président de la République être condamné à une peine de prison ferme. Explications.

Salomé Dionisi  • 26 septembre 2025
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« Affaire libyenne » : tout comprendre des condamnations

L’enquête a duré dix ans, le procès trois mois… et le délibéré plus de trois heures. Nicolas Sarkozy et douze autres prévenus ont été fixés sur leur sort, après que la justice s’est penchée sur « l’affaire libyenne ». Tout avait démarré en avril 2012, avec une enquête de Mediapart portant sur le possible financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy par le dictateur libyen Mouammar Kadhafi. 

Accusé de corruption passive, de détournement de fonds publics, de financement illicite de campagne électorale et d’association de malfaiteurs, l’ancien chef de l’État – déjà condamné en appel dans l’affaire Bygmalion et en cassation dans l’affaire Bismuth – a écopé, ce 25 septembre, d’une peine de prison ferme. Une première pour un président de la République. Pour vous aider à comprendre ce dossier tentaculaire, Politis et Regards décortiquent le délibéré du tribunal correctionnel.


Nicolas Sarkozy 

Personnage principal de « l’affaire libyenne », l’ancien président de la République a été relaxé des délits de corruption passive, de détournement de fonds publics (libyens) et financement illicite de campagne électorale. Une relaxe ne signifie pas forcément que le délit n’a pas eu lieu : elle peut aussi être prononcée lorsque la justice n’a pas suffisamment de preuves pour entrer en voie de condamnation.

En revanche, Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs, et condamné à : 

  • Cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt différé. Le mandat de dépôt différé implique une incarcération dans les mois à venir. Même s’il fait appel de cette décision (ce qu’il a déjà annoncé), Nicolas Sarkozy sera donc emprisonné avant le deuxième jugement. Il est convoqué le 13 octobre par le parquet national financier (PNF) pour fixer la date de son incarcération, qui aura lieu au plus tard le 13 février. Le PNF va faire appel aussi, ce qui ouvre la possibilité d’une condamnation plus lourde de Nicolas Sarkozy en deuxième instance. L’ancien président ne pourra pas effectuer cette peine avec un bracelet électronique. En revanche, comme tous les détenus de plus de 70 ans, il pourra demander une libération conditionnelle une fois incarcéré.
  • Cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, c’est-à-dire applicable dès la sortie du tribunal, même si Nicolas Sarkozy fait appel de la décision.
  • 100 000€ d’amende.

La peine prononcée est inférieure à celle requise par les procureurs lors du procès : sept ans de prison ferme, 300 000€ d’amende, inéligibilité et interdiction d’exercer une fonction juridictionnelle – Nicolas Sarkozy étant avocat d’affaires – pendant cinq ans.

Dans les médias, de nombreuses personnalités politiques et éditorialistes se sont élevés contre le mandat de dépôt, accusant la justice de faire du zèle. Le cas de Nicolas Sarkozy ne fait pas exception : selon les chiffres du gouvernement, environ un tiers des condamnations prononcées en correctionnelle sont assorties d’un mandat de dépôt. Le tribunal aurait même pu exiger un mandat de dépôt « à effet immédiat », impliquant l’incarcération de Nicolas Sarkozy dès la sortie du palais de justice.

Avant lui, Jacques Chirac avait déjà été condamné à deux ans de prison avec sursis en 2011 pour « détournement de fonds publics » et « abus de confiance », dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.


Claude Guéant 

Ancien ministre, Claude Guéant est le bras droit de Nicolas Sarkozy : son directeur de cabinet puis son directeur de campagne au moment des faits. Il est soupçonné d’avoir été au cœur du système de financement occulte en allant chercher des fonds à l’étranger, et d’avoir accepté des contreparties financières pour s’enrichir personnellement.

Des douze prévenus, Claude Guéant est le seul à avoir été reconnu coupable de tous les délits dont il était accusé : association de malfaiteurs, corruption passive, trafic d’influence passif, faux et usage de faux, blanchiment aggravé de corruption et trafic d’influence. Il a été condamné à six ans de prison ferme, et à 250 000 € d’amende. Claude Guéant peut faire appel, ce qui suspendra sa condamnation jusqu’à son second jugement. Sa peine n’a pas été assortie d’un mandat de dépôt en raison de son état de santé. Il est âgé de 80 ans, et pourra donc demander une libération conditionnelle s’il est un jour incarcéré.


Brice Hortefeux 

Ami d’enfance de Nicolas Sarkozy et ancien ministre, Brice Hortefeux n’a jamais été soupçonné d’avoir eu un rôle central dans l’affaire libyenne. Il était en revanche soupçonné d’avoir participé aux discussions avec la Libye menant à des transactions financières.

Il a été reconnu coupable du délit d’association de malfaiteurs, et condamné à :

  • Deux ans de prison ferme avec exécution provisoire, donc applicable dans l’immédiat, même en cas de procès en appel. Cette peine peut être aménagée avec un port de bracelet électronique.
  • 50 000 € d’amende.
  • Cinq ans d’inéligibilité.

Alexandre Djouhri

L’homme d’affaires proche de la droite française dans les années 1990 et 2000 était soupçonné d’avoir élaboré le montage financier qui aurait permis de détourner de l’argent libyen, versé 500 000 euros à Claude Guéant, et tenté de corrompre le directeur de cabinet de Kadhafi.

Il a été reconnu coupable de blanchiment aggravé de fraude fiscale – c’est-à-dire d’avoir caché l’origine de l’argent –, de corruption active, d’association de malfaiteurs, de trafic d’influence actif et de corruption. Il a été condamné à six ans de prison ferme avec mandat de dépôt à effet immédiat et à 3 millions d’euros d’amende. Des treize prévenus, il est donc celui qui écope de la plus lourde peine.


Bachir Saleh

Ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh était le responsable du fonds souverain libyen au moment des faits. 

Il a été reconnu coupable de corruption passive, condamné à cinq ans de prison ferme, à 4 millions d’euros d’amende, et est sous le coup d’un mandat d’arrêt puisqu’il ne s’est pas présenté lors du procès.


Wahib Nacer

Banquier en Suisse au moment des faits, Wahib Nacer était soupçonné d’avoir collaboré au montage financier d’Alexandre Djouhri en lui faisant des virements.

Il a été déclaré coupable de trois délits : complicité de trafic d’influence, blanchiment aggravé de fraude fiscale et blanchiment de corruption, et condamné à quatre ans de prison avec mandat de dépôt à effet immédiat, et à 2 millions d’euros d’amende.


Khalid Bugshan

Milliardaire saoudien, Khalid Bugshan était soupçonné d’avoir laissé le banquier Wahib Nacer utiliser ses comptes pour servir le montage financier.

Il a été reconnu coupable des faits de blanchiment aggravé et d’association de malfaiteurs, et condamné à trois ans de prison dont un avec sursis et 4 millions d’euros d’amende.


Ziad Takieddine

L’homme d’affaires franco-libanais était connu pour ses frasques médiatiques et pour ses changements de version au cours des années d’enquête. Personnage clé dans l’affaire libyenne, soupçonné d’avoir été le principal intermédiaire entre le clan Sarkozy et la Libye. Pourtant jugé lors du procès, Ziad Takieddine est mort deux jours avant le délibéré, et ne sera donc jamais condamné. Une « amère coïncidence », selon les mots de la présidente.

À l’exception de Claude Guéant, tous les condamnés à l’issue de ce procès historique ont été relaxés pour d’autres délits financiers pour lesquels ils étaient initialement poursuivis. Parmi les douze hommes qui étaient jugés, quatre d’entre eux –Thierry Gaubert, Édouard Ullmo, Éric Woerth et Ahmed Salem –, ont été relaxés de tous les chefs d’accusations qui pesaient sur eux. 

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Politique Police / Justice
Publié dans le dossier
Sarkozy : quelle indignité !
Temps de lecture : 8 minutes
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