Reconnaissance de l’État palestinien : d’un combat de la France à une lutte des Français
Ce lundi 22 septembre, la France, par la voix d’Emmanuel Macron, va reconnaître l’État palestinien. Une lutte entamée par Charles de Gaulle, suivi puis trahi par ses successeurs.

© Maxime Sirvins
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Palestine : un monde arabe et musulman fracturé Reconnaissance de la Palestine : le très politique revirement d’Emmanuel Macron Depuis Gaza et Ramallah : « Macron parle de deux États tout en continuant d’armer Israël » « La Palestine révèle les graves maladies de la démocratie et de la gouvernance du monde »La dernière fois qu’un premier ministre français a eu un mot pour la Palestine, il était de droite. Bien de droite. C’était François Fillon, en 2007. À la tribune de l’Assemblée nationale, lors de sa déclaration de politique générale, le chef du gouvernement déclamait : « La France ne se résigne pas à voir la bande de Gaza en état de siège permanent et la Palestine condamnée à une partition de fait avant même d’avoir pu exercer réellement sa souveraineté sur son territoire. La France va prendre des initiatives […] pour ranimer la petite flamme de l’espoir d’une Palestine libre et démocratique coexistant pacifiquement avec un État d’Israël reconnu et respecté par tous ses voisins. »
Que la France reconnaisse l’État palestinien, c’est bel et bien l’aboutissement d’une lutte.
C’était le dernier souffle politique français en faveur d’une Palestine libre. 18 ans plus tard, Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître, officiellement, l’État palestinien. Un symbole. Car, de fait, la France reconnaît déjà la Palestine : elle lui reconnaît une capitale ; l’Autorité palestinienne dispose d’une ambassade en France. Mais ne boudons pas notre plaisir : que la France reconnaisse l’État palestinien, c’est bel et bien l’aboutissement d’une lutte.
Une lutte initiée de longue date par d’anciens présidents de la République française. En 1967, le Général de Gaulle se fâche avec Israël, suite à la guerre des Six Jours, quitte à se fâcher aussi avec une bonne partie de son camp politique. Débute alors la fameuse « politique arabe de la France ». Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, emboîte le pas. Il affirme que le peuple palestinien « doit pouvoir disposer d’une patrie » puis, en juin 1980, il fait signer aux Européens la déclaration de Venise qui inscrit la reconnaissance du droit des Palestiniens à l’autodétermination et la volonté de négocier avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). La « normalisation » de la figure de Yasser Arafat et sa relation avec la France contribuent pour beaucoup dans l’avancée du processus.
Sarkozy puis Hollande seront les meilleurs amis de Netanyahou, quoi qu’il en coûte. C’en est fini de la politique arabe.
En 1982, François Mitterrand permet l’évacuation de la direction de l’OLP prise au piège dans Beyrouth assiégé par Israël. À la tribune de la Knesset, il appelle à ce que « les habitants arabes de Cisjordanie et de Gaza disposent d’une patrie ». En 1989, année du bicentenaire de la Révolution, le président socialiste invite Yasser Arafat à Paris. Celui-ci déclare alors qu’une partie de la charte de l’OLP est « caduque ». Le mot est des plus importants : l’organisation palestinienne abandonne l’idée de « détruire Israël ». La paix avance. Parallèlement à ces décennies de relations franco palestiniennes, les guerres et les massacres qui brisent la région sensibilisent les Français au sort des Palestiniens.
La rue ne lâche pas
En 1996, Jacques Chirac marque les esprits avec son « You want me to go back to my plane ? », lancé à Jérusalem lors d’une altercation avec des officiers de sécurité israéliens. Mais le 11 septembre 2001, le monde change. Cette lutte quitte le premier plan des journaux. Partout en Occident, la priorité devient la lutte contre le terrorisme islamiste.
La France, reconnaissant la Palestine, continuera-t-elle d’aider militairement Israël à tuer les Palestiniens ?
La mort d’Arafat, en 2004, ouvre une période de forte division parmi les militants palestiniens et contribue – un peu – à l’éclipse de cette lutte auprès des opinions occidentales. La France, jusqu’alors tant investie dans la reconnaissance de l’État palestinien, prend fait et cause pour Israël. Sarkozy puis Hollande seront les meilleurs amis de Netanyahou, quoi qu’il en coûte. C’en est fini de la politique arabe.
Mais la rue, elle, ne lâche pas la Palestine. Les mobilisations s’intensifient à chaque guerre. Se radicalisent aussi. La réponse de l’État est répressive, les accusations en antisémitisme fusent, confondant volontairement ce racisme spécifique à l’antisionisme, voire à la simple critique de la politique israélienne. Les amalgames ont la belle vie.
Il aura fallu attendre. Attendre que le Hamas, le 7 octobre 2023, provoque une nouvelle guerre et plonge la Palestine dans la lumière médiatique et politique. Emmanuel Macron se montre en retard d’un train sur nombre de ses homologues. Sa reconnaissance de l’État palestinien serait « à conditions » : libération de tous les otages ; éviction totale du Hamas ; renouvellement de l’Autorité palestinienne et reconnaissance d’Israël par l’ensemble des États arabes voisins – un non-sens vis-à-vis du droit international, un État souverain n’existe sous aucune condition.
Et après ? Reste une épineuse question : la France, reconnaissant la Palestine, continuera-t-elle d’aider militairement Israël à tuer les Palestiniens ?
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