Charlie Kirk, martyr de toutes les extrêmes droites

Depuis son assassinat, l’influenceur trumpiste mobilise toutes les extrêmes droites européennes. Outre-Atlantique, l’extrême violence à laquelle Trump a habitué son pays depuis l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, atteint aujourd’hui toutes les sphères de la société américaine.

Denis Sieffert  • 15 septembre 2025
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Charlie Kirk, martyr de toutes les extrêmes droites
Un mémorial improvisé dédié à Charlie Kirk, militant d'extrême droite à Phoenix, en Arizona, le 14 septembre 2025.
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Osons le dire : Charlie Kirk est encore plus influent mort que vivant. Le jeune influenceur trumpiste était populaire dans une partie de la jeunesse états-unienne, mais il était inconnu en Europe. Depuis son assassinat – qu’il faut évidemment condamner – le 10 septembre, alors qu’il hystérisait une foule d’étudiants d’une université de l’Utah, il mobilise toutes les extrêmes droites européennes. Chez nous, Jordan Bardella et Éric Zemmour n’ont pas manqué d’exploiter le « martyre » du jeune tribun pour accuser la gauche radicale. L’AfD en Allemagne, Vox en Espagne, les émules de Tommy Robinson au Royaume-Uni, qui est un peu le Kirk britannique, le poutiniste Viktor Orbán et bien sûr Benyamin Netanyahou se sont empressés d’emboîter le pas à Donald Trump, qui a crié vengeance. Sans parler de la veuve de Kirk, qui, dans un message halluciné, a appelé à mettre le monde à feu et à sang.

Le paradoxe de cet événement, c’est qu’il met Trump en face de ses contradictions. Ce dont il n’a cure.

Tous ont crié leur haine de la gauche. Il a fallu pour ça deux mensonges. Le premier, pour prêter à l’assassin un profil de militant de gauche qu’il n’a pas. Le jeune Tyler Robinson est au contraire issu d’une famille républicaine, et il n’est pas connu pour le moindre engagement côté démocrate. Le second, pour avoir passé sous silence les violences dont ont été victimes des responsables de l’autre bord, dont une élue démocrate – Melissa Hortman – du Minnesota, abattue en juin 2025. Le paradoxe de cet événement, c’est qu’il met Trump en face de ses contradictions. Ce dont il n’a cure. Notons par exemple que Kirk était un fervent défenseur des armes à feu…

Notons aussi que le directeur du FBI, Kash Patel, qui est aujourd’hui vivement critiqué par la galaxie Maga (Make America Great Again) à la suite de l’assassinat de Kirk, a été nommé par Trump lui-même pour des raisons purement idéologiques, et que son budget a été amputé par le « tronçonneur » Elon Musk. Comme un effet boomerang ! L’extrême violence à laquelle Trump a habitué son pays depuis l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, atteint aujourd’hui toutes les sphères de la société américaine. On la voit à l’œuvre quand le président américain envoie la police fédérale dans les grandes villes démocrates, Los Angeles, Chicago ou New York, pour se livrer à des rafles contre des immigrés, répandant un climat de terreur.

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C’est cette même violence que nous promettent les extrêmes droites européennes si, par malheur, elles parvenaient au pouvoir. Mais il faut ici s’interroger sur les racines du mal. La crise sociale, le sentiment de déclassement de la classe moyenne en constituent évidemment la toile de fond. La solution devrait être sociale. Elle est aujourd’hui ressentie comme identitaire. Zemmour n’a pas le monopole de la théorie du grand remplacement. Les extrêmes droites usent de la violence pour imposer un projet de société global qui n’est pas à proprement parler conservateur, mais réactionnaire et régressif. C’est un gigantesque et brutal retour en arrière dont il s’agit. Il faut gommer toutes les avancées dans le domaine de la culture et des mœurs. Il faut revenir à un monde où les nationalismes s’identifiaient à un ethos racialiste et religieux. C’était le discours de ­Charlie Kirk. Observons au passage que le soutien inconditionnel au gouvernement israélien était pour Kirk un marqueur identitaire.

Les États-Unis de Trump sont le laboratoire effrayant de ce retour en arrière.

Ce discours, personne ne l’a mieux résumé que le vice-président J. D. Vance, le 14 février dernier, à Munich, dans sa diatribe antieuropéenne qui pervertissait la notion de liberté. Les États-Unis de Trump sont le laboratoire effrayant de ce retour en arrière. Les apprentis sorciers tentent de passer en force, et ce passage en force peut conduire au fascisme. C’est aussi vers quoi Poutine veut entraîner la société ukrainienne, après la société russe. Il y a dans tout ça une grande cohérence. Nous en sommes là aujourd’hui.

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À l’origine, il y a une défaite historique, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, de la gauche libérale, qui n’a pas assumé sa mission sociale. Mais puisqu’il ne faut pas complètement désespérer, entendons le message de l’écrivain américain Douglas Kennedy : « Si l’histoire nous enseigne quelque chose, c’est que la roue politique finit toujours par tourner (1). » Les réactionnaires, fascistes ou fascisants de tous les pays, peuvent faire beaucoup de mal à notre monde, mais leur folle entreprise est condamnée à terme. Elle n’arrêtera pas les évolutions démographiques. Elle n’inversera pas la tendance lourde des mixités ethniques et culturelles. Elle n’abolira pas non plus les révolutions des mœurs du XXe siècle.

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Voir son texte dans La Tribune dimanche, 14 septembre.

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