À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 14 octobre contre le traité de libre-échange UE-Mercosur, à Paris, à l’appel du syndicat. Un texte qui exercerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français et menacerait la santé et le climat.

« Solidarité, avec les paysannes du monde entier ! », « Mercosur, mort à coup sûr ! », « Des prix justes, pas des traités injustes ! », « UE-Mercosur, c’est pas du fumier, mais ça pue pareil et ça fait rien pousser ». Les slogans résonnent dans les rues entre les Invalides et la Tour Eiffel, ce 14 octobre, portés par le collectif Planète Boum Boum, et surtout par les centaines de personnes venues manifester à l’appel de la Confédération paysanne contre le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le marché commun du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie).
178 substances actives des pesticides sont acceptées dans le Mercosur, dont 138 sont interdites en France !
T. Gibert
Cet accord permettrait d’importer en Europe des produits agricoles notamment issus de l’élevage (bœuf, volailles, miel…) sans frais de douanes, tandis que l’UE exporterait davantage de produits tels que des voitures, des vins spiritueux ou des machines. « Les paysans vont se retrouver avec des produits à des prix extrêmement bas, car ces pays ont un coût du travail plus bas que le nôtre, et pas les mêmes normes environnementales : 178 substances actives des pesticides sont acceptées dans le Mercosur, dont 138 sont interdites en France ! », s’exclame Thomas Gibert, co-porte-parole de la Confédération paysanne.
« Combien de fermes devront encore mettre la clé sous la porte pour qu’ils comprennent que ces politiques libérales détruisent notre agriculture ? Moins on est de paysans, plus on va chercher notre alimentation loin, plus il y aura d’industrialisation de l’agriculture, et de conséquences sur l’environnement et la santé », poursuit le maraîcher de Haute-Vienne.
Des tracteurs dans les beaux quartiers parisiens, il y a de quoi attirer les regards des touristes et des costards cravates, qui sortent une minute de leurs bureaux pour dégainer leurs téléphones portables. L’économiste Maxime Combes, explique les conséquences sur la réalité des activités économiques en Europe, mais aussi hors de l’UE.
« Les politiques de libre-échange, ne sont pas simplement l’importation de produits qui vont concurrencer les productions territoriales mais aussi l’exportation de produits européens, comme le lait, qui vont déstructurer des filières agricoles vivrières. Nous voulons une relocalisation écologique et solidaire. Ce n’est pas une bataille vaine, nous pouvons gagner et réouvrir le champ des possibles ! », promet-il, en tant que spécialiste du sujet pour le collectif Stop Ceta-Mercosur.
Dernière ligne droite
En discussion depuis plus de vingt-cinq ans, ce texte entre désormais dans sa dernière ligne droite. Le 3 septembre dernier, la Commission européenne a adopté le texte de l’accord de libre-échange UE-Mercosur, et l’a transmis au Conseil européen pour adoption et ratification d’ici « à la fin de l’année ». Une échéance qui oblige à réactiver les mobilisations, pour faire pression sur les pays qui s’y étaient opposés, et notamment la France.
Après l’avoir qualifié de « mauvais texte » en début d’année, Emmanuel Macron semble être sur le point de le signer, et d’accepter les compromis proposés par la Commission européenne. « Mais ils n’ont pas de majorité acquise au Parlement européen pour faire valider cet accord malgré tout ce qu’a mis en œuvre la Commission européenne pour éviter le débat ! Ça dépend de nous en France, de notre capacité à faire pression ! », insiste Maxime Combes.
Plus de 50 organisations citoyennes et environnementales ont signé leur appel à mobilisation et sont présentes, dont l’Alliance Écologique et Sociale, la CGT, Solidaires, Greenpeace, Attac, Agir pour l’environnement, Bioconsommacteur… Une poignée d’étudiant·es d’Agroparistech ont rejoint le cortège.
Le matin, ils ont réussi à organiser un blocage filtrant de leur école, et des discussions pour essayer de sensibiliser leurs camarades. « Sans cette action, le traité du Mercosur serait resté un non-sujet dans notre école, qui est sous-tutelle du ministère de l’Agriculture, et où Christiane Lambert [ancienne présidente de la FNSEA, N.D.L.R.] siège au conseil d’administration ! Nous devons aussi prendre nos responsabilités et soutenir le monde paysan ! », affirme une étudiante.
La concurrence déloyale qui risque de s’exacerber avec l’arrivée de ces nouveaux produits dérégulés met l’ensemble du monde agricole en colère. Le traité UE-Mercosur était déjà au cœur des mobilisations des syndicats FNSEA et JA l’année dernière. Une opposition générale malgré les tentatives de sauf-conduit proposé par l’UE sous forme de « clauses de sauvegarde » pour « les produits européens sensibles » notamment agricoles.
Internationalisme paysan
Droite dans ses bottes, la Confédération paysanne rappelle qu’elle est historiquement opposée à la logique commerciale du libre-échange, « contrairement au double discours de la FNSEA », et œuvre pour une agriculture paysanne vivrière dans les pays du Nord et ceux du Sud. Elle milite pour la mise en place d’un prix minimum d’entrée en France, qui ne pourrait pas être inférieur au coût de la production ici.
L’accord avec le Maroc est en train de broyer le peuple sahraoui, et celui avec Israël favorise la colonisation de la Palestine !
F. Métrat
Membre du mouvement paysan altermondialiste Via Campesina, l’organisation craint également que la ratification de ce traité soit le signal pour d’autres avec l’Indonésie, la Malaisie, l’Inde, l’Australie ou la Thaïlande, et donc la porte ouverte à « la compétition généralisée avec les agriculteurs à l’échelle internationale ». Elle souligne que c’est plutôt l’occasion de réaffirmer la puissance d’un « internationalisme paysan ».
« La souveraineté alimentaire, c’est pour tout le monde ! La solidarité entre les peuples et la défense des droits humains sont au cœur de cette lutte contre le traité UE-Mercosur, précise Fanny Métrat, co-porte-parole de la Confédération paysanne. L’accord avec le Maroc est en train de broyer le peuple sahraoui, et celui avec Israël favorise la colonisation de la Palestine ! »
La solidarité vaut aussi face à la répression syndicale qui touche la Confédération paysanne. La date de cette mobilisation n’a pas été choisie au hasard. Le même jour, se tenait le procès de Anne et Thierry, poursuivis pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion » lors d’une action contre le traité du Mercosur à Paris, en décembre 2024.
Celle-ci avait eu lieu devant le Grand Palais, qui accueillait une réunion européenne de grands acteurs du commerce de céréales. Ils ont tous les deux été condamnés à 90 jours-amendes à 5 euros par jour, et à payer 900 euros de réparation aux policiers constitués partie civile. Le ministère public a tout de même reconnu que le maintien de l’ordre avait été « musclé et violent » et que l’action policière « n’était sans doute pas adaptée ».
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