La Confédération paysanne, nouvelle cible de la répression des écologistes

Après les Soulèvements de la Terre, c’est le syndicat paysan qui est la cible des attaques du gouvernement. Le 28 juin, deux porte-paroles ont été placés en garde à vue, soupçonnés d’avoir participé à l’organisation de la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline en mars.

Rose-Amélie Bécel  • 28 juin 2023
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La Confédération paysanne, nouvelle cible de la répression des écologistes
La Confédération paysanne se voit reprocher son opposition aux mégabassines, comme ici à Sainte-Soline, le 25 mars 2023.
© Pascal Lachenaud / AFP

Pour avoir appelé au rassemblement à Sainte-Soline le 25 mars, ils sont huit militants et syndicalistes à avoir été convoqués dans plusieurs gendarmeries de France ce mercredi 28 juin. Six ont été placés en garde à vue. L’identité de quatre d’entre eux n’a pas été formellement révélée. Selon les informations de Ouest-France, il s’agirait de figures des Soulèvements de la Terre, dont la dissolution a été prononcée le 21 juin. Les deux autres sont membres de la Confédération paysanne, nouvelle cible de la répression contre les mouvements écologistes.

Convoqué à la gendarmerie de Dole (Jura) tôt mercredi matin, Nicolas Girod – ancien porte-parole national de la Confédération paysanne – a immédiatement été placé en garde à vue. Même sort pour Benoît Jaunet, porte-parole du syndicat dans les Deux-Sèvres, convoqué de son côté à la gendarmerie de Niort. Tous deux sont « soupçonnés d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de l’organisation d’une manifestation illégale », informent les représentants syndicaux présents sur place.

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Prévue pour durer 24 heures, cette garde à vue pourrait être prolongée d’une journée. « Nous vivons un moment de répression syndicale inacceptable », s’indigne Laurence Marandola, nouvelle porte-parole de la Confédération paysanne, présente devant la gendarmerie de Dole. À Niort, un rassemblement de soutien est également organisé. « Nous resterons là en soutien jusqu’à ce que les gardes à vue se terminent, pour faire pression contre d’éventuelles comparutions immédiates devant la justice », promet sur place Thomas Gibert, secrétaire national du syndicat.

Dans le viseur de la FNSEA

Depuis les manifestations de Sainte-Soline et l’action contre le maraîchage intensif à Nantes les 10 et 11 juin, la Fédération national des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) est en campagne contre les mouvements écologistes. Selon les révélations de Reporterre, la voix du syndicat majoritaire des agriculteurs – résolument productiviste – a pesé dans la dissolution des Soulèvements de la Terre. Aujourd’hui, la Confédération paysanne est sa nouvelle cible.

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« Nous craignons qu’une stratégie se mette en place pour nous empêcher de nous présenter aux élections professionnelles, dans les Chambres d’agriculture, qui auront lieu début 2025. Ce serait un geste grave, très inquiétant, car beaucoup de décisions politiques agricoles se prennent dans ces instances », alerte Thomas Gibert. En novembre, la branche régionale de la FNSEA des Pays de la Loire avait déposé une motion exigeant l’exclusion du syndicat paysan des instances décisionnelles.

Il y a une connivence entre le gouvernement et la FNSEA pour l’élaboration des politiques agricoles.

Pour Laurence Marandola, ces menaces ne sont pourtant pas nouvelles : « Le pluralisme syndical a été très difficile à obtenir dans le monde agricole et aujourd’hui l’État n’a pas la volonté de le faire vivre. Il y a une connivence entre le gouvernement et la FNSEA pour l’élaboration des politiques agricoles, nous parlons même de cogestion. » La porte-parole signale tout de même que les menaces s’expriment aujourd’hui de manière plus décomplexée, notamment dans les instances où se discutent le partage du foncier agricole et de l’eau. (Sociétés d’aménagements fonciers et des agences rurales (Safer) et les agences de l’eau). Malgré les alertes sur les catastrophes climatiques en cours et à venir, toute critique du modèle agricole intensif est encore ignorée.

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