« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement
Licenciés pour faute il y a un an, ils ont décidé d’attaquer cette décision auprès des prud’hommes de Marseille, ce mercredi. En cause : le refus d’être mutés à plus de 130 kilomètres de leur lieu travail suite à la perte d’un contrat avec Amazon.

© Adrian Sulyok / Unsplash
C’est une histoire tristement banale qui allégorise le capitalisme d’aujourd’hui. Un entrepôt délabré dans le 15e arrondissement de Marseille, où une quarantaine de salariés, payés à peine plus que le Smic, emballent à la chaîne des colis. Leur entreprise, sous-traitante d’Amazon, est dépendante du géant américain. Or, quand celui-ci décide de ne pas renouveler le contrat de sous-traitance fin 2024, l’entrepôt ferme.
ID Logistics Selective 3 qui dispose de cet entrepôt et de plein d’autres en France, ne coule pas pour autant. Il appartient au groupe ID Logistics qui compte 365 sites dans 17 pays du monde et a réalisé 3,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024. Les salariés, en revanche, se retrouvent sur le carreau avec deux options : accepter une mutation qui chamboulerait leur vie ou la porte.
Il y a un an, les salariés s’étaient mis en grève plusieurs jours pour contester ce choix qu’ils jugeaient profondément inacceptable. Sans obtenir gain de cause. Politis vous racontait alors cette lutte. Mathilde Lanté, l’avocate des salariés, prévenait que si les négociations n’aboutissaient pas, une procédure serait lancée aux prud’hommes. Parole tenue. Près d’un an plus tard, l’avocate a déposé une requête pour 20 salariés ce mercredi au conseil de prud’hommes de Marseille.
Celle-ci, que Politis a pu consulter, fait plus de 30 pages et s’attaque à de nombreux sujets. Le principal : prouver la nullité des licenciements. Pour comprendre l’argumentaire des salariés, il faut remonter une année en arrière. Alors que l’entreprise annonce la fermeture du site marseillais de la Madrague, elle mute la plupart des salariés dans un autre site, à Bollène, à plus de 130 kilomètres.
Mutation inacceptable
Pour ce faire, elle s’appuie sur une clause de mobilité présente dans le contrat de travail des employés. En cas de refus, la direction notifie aux salariés qu’ils seront licenciés pour faute grave – et donc sans aucune indemnité. « On a été pris de court, on était choqués », témoigne Alexandre Regnault, ex-salarié du site qui attaque aujourd’hui son ancien employeur.
Cette mutation a tout d’inacceptable. En premier lieu, elle n’est accompagnée d’aucune aide pour les transports. « On a calculé qu’entre l’essence et les péages, cela revenait à plus de 1 000 euros par mois. Pour des salariés payés au Smic. C’est juste intenable », argue Mathilde Lanté.
La plupart se font donc licencier pour faute grave ou faute simple, et se retrouvent sans rien.
Outre l’aspect pécuniaire, c’est aussi toute la vie des salariés qui s’en trouverait bouleversée : « Ils ont des familles, des enfants scolarisés. Ils ne peuvent pas déménager comme ça, du jour au lendemain », poursuit l’avocate. De fait, aucun salarié n’accepte cette mutation. La plupart se font donc licencier pour faute grave ou faute simple, et se retrouvent sans rien. « J’ai dû retourner vivre chez ma mère, à 29 ans. C’était vraiment violent », souffle Alexandre Regnault.
Pour « obtenir justice », il a donc décidé, avec ses anciens collègues, de contre-attaquer. Avec un argumentaire principal : cette clause de mobilité a été mise en place de « mauvaise foi » par l’employeur. L’objectif véritable serait, selon eux, un licenciement collectif à bas coût, sans plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Un CSE nébuleux
« L’employeur n’a fait preuve d’aucune transparence dans le cadre de ce processus, il a voulu imposer aux salariés des sacrifices inacceptables », peut-on lire dans la requête. En cause, notamment, la persistance d’un flou autour de l’existence d’un comité social et économique (CSE).
L’entreprise assure qu’il existe bel et bien un CSE, mais personne au sein de l’entrepôt de Madrague ne connaît les représentants qui y siègent. « Il est manifeste que l’employeur a maintenu le flou sur la situation du CSE et de son renouvellement, à l’heure où les salariés avaient besoin d’y voir clair », affirme, dans la requête, l’avocate.
Pour les salariés, l’objectif de faire reconnaître leurs droits, mais aussi établir une nouvelle jurisprudence.
Aussi, l’avocate démontre que le site de Bollène, sur lequel devaient être mutés les salariés, n’a jamais eu d’activité réelle. Ouvert au moment de la fermeture de l’entrepôt de la Madrague, il a baissé le rideau 8 mois plus tard, sans qu’aucune activité ne s’y soit déroulée. « C’était simplement une coquille vide pour justifier les mutations et donc, in fine, les licenciements », conclut Mathilde Lanté qui demande donc que les prud’hommes reconnaissent les licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Pour les salariés, l’objectif de cette démarche est double. Faire reconnaître leurs droits, mais aussi établir une nouvelle jurisprudence. « On veut que notre cas puisse servir à l’avenir pour que ce type de malversation ne puisse plus être mis en place », espère Alexandre Regnault. Contactée, ID Logistics n’a pas répondu à nos questions.
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