Pourquoi les jeunesses du monde se lèvent

D’un continent à l’autre, des jeunes voix se lèvent contre l’injustice, l’accaparement du pouvoir et le manque de transparence. Ces générations qui refusent la résignation tissent entre elles des solidarités invisibles et mènent des révoltes contagieuses.

Nacira Guénif  • 29 octobre 2025
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Pourquoi les jeunesses du monde se lèvent
© Leo Visions / Unsplash

Le retournement du monde n’a pas fini de nous désorienter. Il est sens dessus dessous. Méconnaissable. Mais pour qui ? Celleux qui, de génération en génération, subissent de plein fouet la destruction de leur réalité sous les coups de boutoir du discours halluciné de chefs de meute élus aux fonctions suprêmes ne le reconnaissent que trop bien, ce monde.

Iels le pratiquent depuis trop longtemps. Il leur colle à la peau, les marque à la culotte, les entrave et les étouffe. Jusqu’au jour où iels se jettent par-dessus bord, ce monde corrosif par ses mensonges et ses captations, en laissant plus d’un surpris devant tant de hardiesse et de liesse dans cette colère hurlée à la face des puissants.

Madagascar, Indonésie, Népal, Pérou, Maroc : en chaque lieu, l’embrasement prend et se propage.

La cartographie inédite des derniers soulèvements de jeunesses spoliées de leur jeunesse révèle les circulations rhizomatiques ou réticulaires entre des points de bascule éloignés les uns des autres qui tous parlent de la même quête de justice et de liberté. Éloignement géographique de peu de sens au regard des proximités de ton, de langage, d’attente qui animent chacun de ces foyers de révolte et de lutte.

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Madagascar, Indonésie, Népal, Pérou, Maroc : en chaque lieu, l’embrasement prend et se propage. Même si la répression s’abat presque instantanément, ou est passablement différée par des cajoleries visant à anesthésier l’ardeur des manifestants, ces Gen Z ne sont pas dupes. Elles savent quoi faire : maintenir une vigilance intransigeante et apprendre des luttes passées.

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Car il y a des Suds dans le Nord et du Nord dans les Suds. Dans les deux sens, vient toujours le moment de la révolte contre l’oppression. Voici peu le Soudan, le Kenya, ravivant la mémoire des Mau Mau. Il y a plus longtemps les deux Intifadas palestiniennes, les soulèvements iraniens, les Printemps arabes, les occupations de places, Tahrir, Puerta Del Sol, Wall Street, Maïdan, le Hirak, etc., ont résonné du même cri exigeant justice et liberté.

À New York, Zohran Mamdani est le jeune visage d’un monde qui se lève en quête de dignité dans une ville à la richesse insolente.

D’autres clameurs des Suds au Nord les avaient précédés : les soulèvements états-uniens, de l’assassinat de Martin Luther King à celui de George Floyd, les révoltes de Brixton, celles des quartiers relégués en France : 1980, 1990, 2005 après la fuite mortelle de Zyed Benna et Bouna Traoré ; 2023 en réponse à l’exécution filmée de Nahel Merzouk. Dans chaque scansion de la révolte, les protagonistes savent qu’iels luttent pour la vérité, pas sa contrefaçon. Car le déni de vérité agit sur leur corps et met en péril leur vie. Pour ceux qui propagent ces contrevérités, les conséquences sont infimes, jusqu’à ce que leur public captif n’en puisse plus.

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À New York, Zohran Mamdani est le jeune visage d’un monde qui se lève en quête de dignité dans une ville à la richesse insolente. Il se pourrait bien que, le 4 novembre, il soit élu le premier maire démocrate socialiste musulman de la ville. Il n’a pas chevauché les barricades mais, en portant haut la lutte du peuple palestinien et le droit à la ville dans la plus impitoyable d’entre elles, il figure, avec d’autres à ses côtés, la fi n inéluctable de ce retournement de la réalité.

Il annonce l’échec de ceux qui s’en servent pour museler le sens du monde et abattre les mouvements qui se rebellent et réclament leur juste part de la vie. Déjà, ces jeunesses méprisées sont debout face au tyran peroxydé et à ses laquais qui imposent, jusque dans les mots, la loi du plus fort à la Terre entière.

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