À New York : « J’ai voté pour la première fois aux élections municipales et c’était pour Mamdani »
Le candidat démocrate Zohran Mamdani, inconnu il y a un an, a été élu maire de la plus grande ville des États-Unis, grâce à une forte participation et à une campagne fondée sur les problématiques sociales.

© Angelina Katsanis / AFP
Ce n’est pas le résultat le plus surprenant, mais pourtant l’élection du démocrate-socialiste de Zohran Mamdani à la mairie de New York, mardi 4 novembre, a permis à de nombreux New-Yorkais et même à de nombreux États-uniens à travers le pays, de s’engager dans une pratique qui semblait avoir disparu il y a un an avec le retour de Donald Trump à Washington : espérer.
C’est ce qu’ont fait la plupart des habitants d’Astoria, un des quartiers de l’arrondissement du Queens toute la journée. Astoria est peut-être l’un des seuls endroits du monde où trouver un restaurant bangladeshi, une taqueria mexicaine (cafétéria), une panaderia dominicaine (boulangerie) et un kebab libanais sur le même pâté de maisons est la norme et non pas une petite curiosité locale.
Ce quartier est l’un des plus divers de New York, et par conséquent du pays. Mais dans la « République populaire d’Astoria », comme ses habitants aiment l’appeler, on soutenait tous le même candidat : Zohran Mamdani. « C’est son fief ici. On le connaissait et l’appréciait avant que le reste du monde ne le rencontre », souligne Lexi Beach, rappelant qu’avant d’avoir été le candidat du parti démocrate, le jeune homme de 34 ans était le représentant d’Astoria à l’Assemblée de l’État de New York depuis 2021.
Lexi est la propriétaire de la librairie Astoria Bookshop, qui affiche fièrement un poster de campagne du candidat démocrate sur sa devanture. « C’est la première fois que je fais quelque chose comme ça pour soutenir un candidat en particulier, confie-t-elle. En début d’année, notre librairie a été escroquée et le bureau de Zohran nous a contactés. Il voulait comprendre et proposer de l’aide. Ça nous a beaucoup touchés. »
Devant le lycée d’arts Frank Sinatra, quelques rues plus loin, où Mamdani venait de voter, l’engouement pour « Zohran » est aussi présent. August, une doctorante en sociologie de 28 ans, colle fièrement son sticker « A voté » sur le devant de sa veste. « J’ai voté pour Zohran. Et c’est la première fois depuis 2016 que j’ai voté avec enthousiasme. » Son conjoint, Albert, 34 ans et informaticien, va même plus loin : « C’est la première fois que j’ai voté pour une élection municipale ! C’est aussi la première fois que je sentais qu’un candidat voulait me représenter et pas seulement représenter les habitants de Manhattan ou leurs lobbyistes. »
Pour Tristan Cabello, historien et politologue des États-Unis à l’université Johns-Hopkins, la popularité de Mamdani à New York et dans le reste du pays « montre qu’il y a une vraie impulsion dans la branche progressiste des Démocrates ».
À la soirée organisée par l’association progressiste Soft Power Vote dans un bar de Ridgewood, un peu plus au sud dans le Queens, beaucoup veulent y croire. Les résultats définitifs ont été annoncés par Associated Press à 21 h 37 et les applaudissements n’ont faibli que plusieurs minutes plus tard.
Répartition des richesses
L’élection avait des allures de référendum quant à la direction générale du parti démocrate. Le principal adversaire face à Zohran Mamdani était Andrew Cuomo, ancien gouverneur démocrate de l’État de New York de 2011 à 2021. Cuomo a essayé de briguer la candidature pour le parti démocrate en juin dernier. Après la victoire de Mamdani, Cuomo, qui avait démissionné en 2021 à la suite d’accusations d’agressions sexuelles, n’a visiblement pas saisi le message des électeurs et a décidé de se présenter en tant qu’indépendant, forçant une triangulaire entre lui, Mamdani et le candidat républicain Curtis Sliwa.
Il y a une vraie impulsion dans la branche progressiste des Démocrates
Tristan Cabello
« J’espère que la victoire de Mamdani va encourager les Démocrates à se battre pour quelque chose », déclare Becca, une infirmière de 30 ans qui était venue à la soirée pour « voir que tout n’était pas perdu ». Elle continue : « J’ai hâte de voir de nouveaux visages et une nouvelle énergie dans un parti qui est surtout peuplé de vieux décrépits ne proposant rien à part une opposition polie à Trump. »
Mamdani a fait campagne en mettant en avant des mesures économiques fortes et visant à une meilleure répartition des richesses. Il promet ainsi la gratuité des bus et des garderies publiques, un gel des loyers pour les logements soumis à l’encadrement des loyers et augmenter les impôts pour les habitants touchant plus d’un million de dollars par an.
Son succès aux urnes, pour Tristan Cabello, « montre que les mesures populistes de gauche sont populaires aux États-Unis et surtout arrivent à apporter les résultats voulus ». Mais la popularité de Mamdani auprès du peuple ne s’est pas forcément traduite par un soutien solide des autres membres du parti démocrate, même au sein de son propre État.
« Aliénés par les lobbys »
Si certains élus, tels que la représentante du Bronx et du Queens, Alexandria Ocasio-Cortez, ont soutenu la campagne de Mamdani, d’autres ont préféré garder leur distance avec le premier maire de New York ouvertement socialiste. Le sénateur de New York et le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, n’a ainsi jamais appelé à voter pour Mamdani, et n’a même pas confirmé qu’il avait voté pour lui.
Rien d’étonnant selon Tristan Cabello, qui remarque que « les Démocrates de l’establishment sont tellement aliénés par leur lobbies qu’ils ne voient pas l’opportunité de reconstruire le parti ». Les dernières semaines de la campagne ont aussi été marquées par des attaques violemment racistes et islamophobes contre Zohran Mamdani, né en Ouganda de parents indiens et musulmans.
Invité à l’émission de radio « Sid & Friends in the Morning », Cuomo a rigolé quand l’animateur trumpiste Sid Rosenberg a déclaré que si le 11 septembre arrivait aujourd’hui, il imaginerait Mamdani « applaudir ». Le maire de New York depuis 2022, Eric Adams, a apporté son soutien à Cuomo en expliquant que New York ne devait pas « devenir comme l’Europe ». « Ces islamistes extrémistes brûlent des églises au Nigeria, détruisent des communautés en Allemagne », avait-il ajouté.
Si ce niveau très bas du débat et ces appels de pied à l’extrême droite xénophobe n’ont pas séduit une majorité de New Yorkais, au moins une personne a succombé à cette propagande : Donald Trump. Lequel a ainsi appelé à voter pour Andrew Cuomo dimanche dernier au lieu du candidat républicain, Curtis Sliwa, ce qui – de manière prévisible dans une ville aussi progressiste que New York – ne l’a pas forcément aidé. Le président, dans un mépris total du respect de la démocratie devenu trop familier, a aussi menacé plusieurs fois d’envoyer la Garde nationale si Zohran Mamdani était élu.
À la soirée électorale, entre deux bières, Becca savoure cette victoire et fait fi de ces menaces. « Si on a prouvé quelque chose ce soir, c’est que New York n’est pas la ville de Donald Trump, des milliardaires ou des grandes entreprises. New York est à nous. »
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