« Complicité de crime de guerre » : des associations veulent interdire un salon immobilier israélien
Dans un courrier adressé au ministre de l’Intérieur que Politis a pu consulter, quatre associations demandent l’interdiction de l’événement Icube, qui a proposé, lors de ses précédentes éditions, des biens dans des territoires illégalement occupés par Israël.

Un cottage, une villa, un manoir de huit à dix pièces, avec plusieurs salles de bain, des piscines et, comme vue imprenable, la Cisjordanie occupée illégalement par Israël. C’est ce genre de biens – synonymes de « qualité de vie, sérénité et confort absolu » – qui sont en vente sur le site de la société ImmoIsraël, partenaire des éditions précédentes du salon immobilier Icube, qui se tiendra le 30 novembre à Paris.
« De belles opportunités avec des conditions exceptionnelles ! », vante aujourd’hui le site du salon, domicilié en Israël. Icube, salon israélien de l’immobilier et de l’investissement, se présente comme « la référence incontournable de l’information immobilière et de l’investissement en Israël au sein de la communauté juive de France ». Le salon se targue de « la présence régulière de l’Agence juive depuis les débuts », permettant de se renseigner sur des projets d’Alya [immigration en Israël, N.D.L.R.], de location ou d’achat, le tout dans « une approche à la fois pratique et humaine ».
Un salon que les associations Nidal, l’Union juive française pour la paix, l’association France Palestine Solidarité et les Avocats pour la justice au Proche-Orient entendent bien faire annuler. Dans leur demande adressée au ministère de l’intérieur que Politis a pu consulter, les quatre structures réclament l’interdiction de ce salon, compte tenu de la « promotion de la vente de biens immobiliers situés en Palestine, illégalement occupée », et de « l’association directe avec la municipalité israélienne de Jérusalem, autorité exerçant illégalement des compétences sur un territoire occupé ».
Le salon Icube a lieu juste avant les Jerusalem days, organisés du 1er au 4 décembre à Paris, Montrouge et Créteil. La présence de Shemouel Marciano, adjoint au maire de Jérusalem et responsable du portefeuille de l’Alya et de l’intégration, a été annoncée sur le site alyah-jerusalem qui détaille ce dernier événement. « Préparez concrètement votre vie en Israël en rencontrant les représentants des services municipaux de la ville de Jérusalem, de Qualita [une organisation participant à l’intégration des francophones réalisant leur « alyah », immigration en Israël, N.D.L.R.], du ministère de l’intégration et de l’agence juive », lit-on en page d’accueil.
Ce salon, qui se tient depuis longtemps, fait partie d’un écosystème de soutien au génocide et à la colonisation.
Kinan
Les visiteurs peuvent réserver des créneaux pour rencontrer des représentants de ces institutions. De quoi avoir des conseils logistiques mais aussi accès à des biens immobiliers concrets, puisque ces Jérusalem Days ont lieu « en colloboration avec Icube spécial immobilier », comme l’indique le site.
« L’alyah, c’est le premier vecteur de la colonisation »
« L’alyah, c’est le premier vecteur de la colonisation. Ce salon, qui se tient depuis longtemps, fait partie d’un écosystème de soutien au génocide et à la colonisation. Il se déploie dans les États occidentaux », estime Kinan, administrateur à Nidal. « La riposte sur le plan du droit permet à notre peuple de gagner du terrain face à l’extension du colonialisme. » Entre 2009 et 2024, plus de 2 200 logements palestiniens ont été détruits à Jérusalem-Est, d’après les données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha, selon l’acronyme anglais) et de l’Union européenne.
Citées dans le document, ces données indiquent qu’en plus d’impliquer les organisateurs eux-mêmes du salon, ce sont aussi les autorités publiques françaises concourant à la tenue de l’événement qui s’exposent à la complicité de « violation [du droit international] » et « dans la commission de crimes de guerre », selon les quatre structures associatives.
Pour justifier cet argument, Nidal, l’UFJP, l’AFPS et l’AJPO se fondent sur la définition de la complicité d’un crime de guerre prévue par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ainsi, « la complicité inclut toute contribution économique, logistique ou institutionnelle facilitant la commission ou la perception d’un crime international, y compris la colonisation d’un territoire occupé ».
Dénonçant « de vastes opérations de propagande au service du projet colonial », François Rippe, vice-président de l’AFPS, nourrit « de fortes inquiétudes liées au nettoyage ethnique et à l’expulsion de familles entières, auxquelles les colons ont saisi des biens et qui pourraient transiter par ce salon, pour faire venir d’autres colons ».
Normalisation
Dans leur courrier, les associations soulignent, en plus de la présence passée de la société ImmoIsraël à ce salon, celles de la société International Rezael Estate Platform, proposant selon le document des appartements dans les zones annexées de Jérusalem-Est. D’après les associations, étaient associées aussi des entreprises qui ne respectent pas les frontières reconnues depuis l’accord sur le statut juridique de Jérusalem de 1967, à l’instar de Gabay Group, Ethic Real Estate (sic), Greenside et Alloj.fr.
Au sujet de Qualita, dont le logo apparaît sur le site de l’événement Jerusalem Days, les organisations écrivent que « cette association relaie sur son site internet des publications explicites appelant à la colonisation de Gaza et de Cisjordanie, se faisant le relais des messages de Madame Nili Naouri Kupfer, [avocate franco-israélienne, N.D.L.R.] actuellement accusée de complicité de génocide par une plainte déposée et instruite par un juge français ».
En collaborant avec des entreprises qui font la promotion de biens situés dans des territoires occupés, les autorités publiques françaises et les organisateurs de l’événement participent à « normaliser la colonisation auprès du public français », notent les associations. Un salon qui s’inscrit, selon elles, dans un « continuum d’initiatives commerciales israéliennes ».
Après la reconnaissance de la Palestine par Emmanuel Macron, François Rippe de l’AFPS dénonce le caractère « hypocrite de la position de la France ». Contacté, Icube n’a pas répondu à nos sollicitations. Le ministère de l’intérieur indique, lui, ne pas avoir encore reçu la demande des associations.
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