Prix des médicaments : refuser la prise d’otage de l’industrie pharmaceutique !

En défendant un amendement sur la transparence des prix des médicaments, le député écologiste Hendrik Davi dénonce le chantage de l’industrie pharmaceutique qui brandit la menace de quitter le marché français. Il appelle à restaurer un contrôle démocratique sur des coûts cachés colossaux.

Hendrik Davi  • 19 novembre 2025
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Prix des médicaments : refuser la prise d’otage de l’industrie pharmaceutique !
© Toon Lambrechts / Unsplash

Lors des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026, l’Assemblée nationale a voté, à mon initiative, un amendement sur la transparence sur le prix des médicaments. La réponse de l’industrie pharmaceutique ne s’est pas fait attendre. Elle menace de quitter le marché français, en prenant les patients en otage. C’est insupportable, et c’est une faute politique grave.
Mais quel est vraiment le débat sur la transparence ?

Il se joue à deux niveaux. Le premier se situe en France. Le prix est négocié entre l’industrie pharmaceutique et le comité économique des produits de santé pour l’État. Cette négociation fixe un prix public, publié au Journal officiel, qui est en fait un prix fictif et un prix réel, qui correspond au prix public moins des remises confidentielles, protégées par le secret des affaires. Seuls les industriels et un petit nombre de hauts fonctionnaires, qui ne peuvent rendre compte à personne, connaissent ces prix réels.

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Or ce secret constitue un problème démocratique quand le marché du médicament représente plus de 36 milliards de dépenses par an et les remises plus de 9 milliards. C’est aussi un problème quand, en raison de prix qui se comptent en dizaines, centaines voire millions d’euros par patients, l’État peine à organiser l’accès aux meilleurs traitements pour toutes et tous et met en œuvre des politiques de rationnement des médicaments et de tri des patients. Pour l’accès aux soins, un contrôle démocratique et citoyen est nécessaire.

L’industrie pharmaceutique fait des profits délirants, avec des marges à plus de 14 %.

Mais il y a le second niveau, qui produit des résistances : celui du dilemme du prisonnier. Lequel est européen et international. Le prix public français est un prix de référence dans la négociation des prix dans de nombreux pays. Autant que les prix publics dans d’autres pays européens comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne font partie de la négociation en France. Mais dans tous les autres pays, il y a aussi des remises.

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C’est donc un marché de dupes qui s’organise à partir de prix publics dont tout le monde sait qu’ils ne valent rien. Alors les industriels et le gouvernement nous disent que le prix réel en France serait un des moins chers en Europe. Qu’en savons-nous finalement ? Seuls les industriels le savent réellement, et en jouent pour mettre les États en concurrence. Ce que nous savons, par contre, c’est que la France est l’un des plus grands marchés sur les immunothérapies contre le cancer et le premier ramené à la population.

Par contre, on voit bien l’intérêt de la menace. Si le prix net est connu en France, les négociations ne sont plus les mêmes dans les autres pays. La base de référence change radicalement et ça, ils ne le veulent pas. Donc l’industrie pharmaceutique fait un chantage, celui de quitter le marché français, de ne plus donner accès à l’innovation et de faire payer plus cher. Chantage qui n’est pas sans rappeler celui sur la taxe Zucman, mais en mettant la vie de millions de patients dans la balance. Et les entreprises mettent en avant les politiques de Trump qui veut payer moins cher aux États-Unis par rapport à l’Europe, ce à quoi les industriels ne répondent pas en faisant baisser les prix là-bas, mais… en les augmentant ici.

Je refuse ce chantage.

D’abord parce que l’industrie pharmaceutique fait des profits délirants, avec des marges à plus de 14 %, et parce que ces marges ne vont pas dans la recherche et le développement, mais dans des dividendes. Sanofi, pour ne citer qu’une entreprise française, verse près de 5 milliards d’euros de dividendes par an, avec une tendance à l’augmentation.

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Ensuite parce qu’il existe des outils dans le droit français qui permettent d’assumer le rapport de force, dont la licence d’office. Celle-ci permet de lever l’effet d’un brevet contre rémunération équitable et donc d’avoir des versions génériques et biosimilaires à moindre coût. Ce dispositif, transcrit en droit international, a été mis en place en France sous… le Général de Gaulle, précisément pour que les brevets ne permettent pas aux industriels d’abuser des monopoles, y compris en matière de prix.

Enfin, en même temps que la transparence, nous demandons la mise en place d’un service public des médicaments, qui puisse permettre de produire et de fournir. Notre souveraineté sanitaire ne peut être déléguée à des acteurs privés à but lucratif qui nous menacent.

L’adoption de cet amendement sur la transparence est un pavé dans la mare et aussi une occasion pour la France de prendre la tête d’une diplomatie pour une vraie démocratie pharmaceutique. Il est urgent de libérer les pays européens de ce dilemme du prisonnier mortifère, qui se traduit par des pénuries de médicaments d’une part et une explosion des prix d’autre part qui augmentent de 4,2 % par an en moyenne depuis 2020.

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Hendrik Davi, membre de L’Après, député du Groupe Écologiste et Social et co-chef de file du groupe pour le PLFSS 2026.

Publié dans
Tribunes et Société

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