Municipales : une opération à hauts risques pour les écolos
Les verts se lancent dans la campagne de 2026 alors que leurs actions sont la cible de la droite et de l’extrême droite. Au milieu de la guerre des gauches, ils tentent de porter un discours unitaire.
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© Bastien André / Hans Lucas via AFP
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À Toulouse, pour François Piquemal, « la victoire passe par l’union » Municipales : entre LFI et le PS, la guerre totale est lancée À Marseille, la guerre des gauches aura bien lieu aux municipalesUn grand doute. Il y a quelques mois, Olivier Bertrand hésitait : « Les élections de 2020 se sont jouées sur nos thématiques, il y avait des marches pour le climat… Est-ce qu’en 2026 il y aura des sujets porteurs ? Ce n’est pas sûr. » L’adjoint au maire d’Éric Piolle, à Grenoble, et chargé des élections pour les Écologistes imaginait déjà la difficulté de la mission. Le résultat des européennes trottait dans la tête des stratèges verts.
Car dans les villes écolos, la liste conduite par Marie Toussaint aux européennes a fait de meilleurs résultats qu’au niveau national, mais elle a systématiquement été doublée par la liste insoumise de Manon Aubry et celle portée par le héraut de la social-démocratie Raphaël Glucksmann. Aujourd’hui, la vague verte qu’a connue le parti en 2020 a disparu. Et les écologistes subissent de plein fouet le backlash écologique.
François Thiollet, secrétaire national adjoint du parti, relativise : « Ce contexte politique montre que ce qui inquiète le plus le système médiatique et politique, c’est l’écologie, c’est ce que nous représentons. Les libéraux et l’extrême droite ne veulent pas de notre politique. Mais cela veut dire que nous sommes du côté de ceux qui changent la vie des gens. Nous devons défendre cela. »
La lecture des sondages peut néanmoins faire peur. « Les communes que nous dirigeons, nous les avons toutes prises à la droite. Donc, par définition, c’est plus fragile », admet un cadre écolo. À Lyon, la situation est critique. Deux sondages, l’un réalisé par l’Ifop et commandé par Lyon capitale et l’autre réalisé par OpinionWay à la demande de Lyon Mag, placent Grégory Doucet à une vingtaine de points de Jean-Michel Aulas, l’ancien président de l’Olympique lyonnais. « Ça ne donne pas envie », regrette une socialiste locale embarquée dans la campagne.
Les sondages, ce n’est pas la Bible. Oui, il y a un backlash écologique mais il y a aussi un soutien populaire en faveur de l’écologie politique.
A. Niakaté
À Strasbourg, un sondage Ifop commandé en septembre par Jean-Philippe Vetter, le candidat des Républicains (LR), crédite la maire actuelle Jeanne Barseghian de 17 % d’intentions de vote, derrière l’ancienne ministre socialiste Catherine Trautmann. À Lille, un sondage Ifop réalisé en septembre place le député Stéphane Baly à huit points derrière le socialiste Arnaud Deslandes, maire depuis mars 2025. Une enquête d’opinion alarmante alors qu’en 2020 l’écolo était battu de seulement 200 voix par Martine Aubry.
Des dynamiques stratégiques divergentes
Chez les Écologistes, la direction ne veut pas encore tirer le signal d’alarme. Aminata Niakaté, porte-parole du parti, l’affirme : « En 2020, les sondages à Lyon nous ont placés 10 points en dessous de notre score final. Pareil à Grenoble. Les sondages, ce n’est pas la Bible. Oui, il y a un backlash écologique mais il y a aussi un soutien populaire en faveur de l’écologie politique partout en France. Il y a les sondages, mais il y a aussi la vraie vie. » Florentin Letissier, adjoint à la maire de Paris et opposant interne à Marine Tondelier, regrette la stratégie de la patronne des verts.
Selon lui, l’ancienne collaboratrice de Cécile Duflot reléguerait l’échéance municipale pour défendre ses ambitions présidentielles : « Notre énergie, on doit la mettre sur les municipales. On ne devrait parler que de ça. La primaire, l’union de la gauche, la présidentielle : tout ça devrait venir après. 2026 doit être notre priorité. » Dans le camp de Tondelier, on insiste sur ses très nombreux déplacements pour soutenir les candidats écolos et l’union de la gauche. Partout. Tout le temps. Malgré la guerre ouverte entre socialistes et insoumis. « Il faut tout faire pour qu’un maximum de villes reviennent à l’écologie et à la gauche », assure Aminata Niakaté.
David Cormand ne croit pas à cette fable selon laquelle les verts pourraient s’effondrer. L’eurodéputé et ancien patron du parti préfère compter les bons points à Bordeaux, Lorient, Tours ou Poitiers. « Il n’y a pas de dynamique qui nous condamnerait », dit-il. À Bordeaux, un sondage Opinionway commandé par Renaissance en novembre placerait Pierre Hurmic en tête des intentions de vote dans toutes les configurations. À Lorient, un sondage Cluster 17 commandé par les Écologistes place le député écolo Damien Girard à 4 points seulement derrière le maire de droite sortant, Fabrice Loher.
Une écologie du quotidien, des solutions concrètes, des choix collectifs.
M. Tondelier
À Poitiers, selon un sondage Ifop commandé en octobre par l’association de l’ex-macroniste Sacha Houlié, une liste d’alliance entre insoumis, écolos et communistes conduite par Léonore Moncond’huy recueillerait 35 %. À Tours, un sondage Cluster 17 place Emmanuel Denis au même niveau que l’ex-maire de droite Christophe Bouchet et le candidat LR Olivier Lebreton. Et à hauteur systématique de tous les candidats potentiels d’union de la droite et du centre.
Le risque de la tempête interne
Les écologistes ont-ils réussi à imprimer dans l’opinion publique ? Les Français savent-ils désormais ce que veut dire l’écologie au pouvoir ? Dans son livre Demain, si tout va bien (Albin Michel, 2025), Marine Tondelier liste quelques exemples : la gratuité des premiers mètres cubes d’eau sur chaque facture, la rénovation des logements sociaux à L’Île-Saint-Denis, les ordonnances vertes pour les femmes enceintes à Strasbourg, le 100 % bio et local dans les cantines mis en place à Auray, le droit aux vacances instauré à Poitiers, la multiplication des zones piétonnes et des arbres plantés à Grenoble…
« Une écologie qui protège, une écologie qui sauve la vie. Une écologie qui ne soit pas dans le surplomb mais dans l’écoute. Pas dans le jugement, mais dans l’accompagnement. Pas dans la pureté militante, mais dans la complexité des parcours réels, écrit Tondelier. Une écologie du quotidien, des solutions concrètes, des choix collectifs. » Mais la droite et l’extrême droite rappellent systématiquement certaines polémiques qui ont marqué les mandats écologistes, comme la suppression du sapin de Noël à Bordeaux ou la critique de ce Tour de France jugé « machiste » par Grégory Doucet.
Certaines oppositions internes imaginent déjà les conséquences d’un crash électoral en 2026. Parmi elles, quelques connaisseurs des statuts du parti estiment qu’une bérézina pourrait bien déclencher un congrès fédéral extraordinaire. Selon ces statuts, un congrès pourrait être organisé à la demande de 20 % des membres du parti ou de huit conseils politiques régionaux.
« Déclencher un congrès, si jamais il devait y avoir un troisième échec électoral d’affilée, après la présidentielle et les européennes, me paraîtrait normal, estime un cadre écologiste parisien qui a soutenu le courant de Karima Delli au congrès du parti il y a quelques mois. Partir en se déclarant pour la présidentielle, faire la tournée des territoires avec un livre… ce n’est pas suffisant pour soutenir nos candidats. » Mais, à un an de la présidentielle, les Écologistes prendront-ils le risque de provoquer une tempête interne ?
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