La démocratie, tout simplement

Michel Soudais  • 22 février 2007 abonné·es

Un premier tour sans Dominique Voynet, ni Olivier Besancenot, ni José Bové ! C’est possible. Et probable, si les élus qui ont le pouvoir d’autoriser des représentants des courants d’idées, électoralement ou politiquement significatifs, à être candidats renâclent à leur devoir. Or, en l’état actuel des promesses de parrainage recueillies par ces candidats et quelques autres, dont Jean-Marie Le Pen (voir ci-contre), l’élection présidentielle risque de se jouer à huis clos. Si tel était le cas, le débat serait biaisé, les citoyens privés du choix auquel ils peuvent prétendre, et la démocratie amputée. Quelle serait la légitimité d’un scrutin restreint à des candidats issus de formations politiques qui, ensemble, en 2002, représentaient moins de 50 % des électeurs ?

Certes, la loi organique de 1962 fait obligation à tout candidat à l’élection présidentielle d’être présenté par 500 élus au minimum, issus « d’au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans que plus de 50 d’entre eux puissent être les élus d’un même département » . Sont habilités àparrainer un candidat les titulaires de mandats européens, nationaux (députés, sénateurs), régionaux ou départementaux, ainsi que les maires et les présidents de l’organe délibérant d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine. Soit théoriquement 47 289 élus. Bien moins, du fait du cumul des mandats. C’est ainsi qu’un collège de notables plus réduit que celui qui, aux origines de la Ve République, élisait le président de la République a été érigé en juge de l’élégance et du bon goût.

Sans doute l’esprit de cette loi était-il d’écarter du scrutin les candidatures fantaisistes dans un souci doublement louable. Ne pas altérer le sérieux de l’élection. Économiser les deniers de l’État, puisque chaque candidat bénéficie, au minimum, d’un remboursement forfaitaire. Celui-ci se monte à 808 300 euros, sans compter les frais d’impression et de transport de ses bulletins de vote et affiches officielles. Ce barrage n’a toutefois pas empêché Marcel Barbu, candidat des « chiens battus » qui se disait « sphérique d’opinion » , de postuler au logement de l’Élysée pour y loger sa trop grande famille, en 1965. Ni Louis Ducatel, candidat « apolitique » , de faire irruption dans la campagne de 1969 pour assurer la promotion de l’entreprise Louis-Ducatel, inaugurant un des abus dont l’élection présidentielle peut être l’objet. À l’époque, 100 parrainages suffisaient. Après l’élection de 1974, qui comptait déjà douze candidats, la règle a été modifiée. Le nombre de parrains requis s’est accru ; les candidats se sont faits plus rares. Jusqu’en 2002, où ils étaient seize.

Depuis, l’application de la loi a été durcie. Le temps accordé pour la collecte des signatures a été réduit de moitié par le Conseil constitutionnel etle gouvernement. Et les principaux partis s’emploient à tarir le vivier dans lequel les « petits » candidats allaient chercher leur onction. Non contents d’interdire à leurs élus de présenter un candidat qu’ils n’ont pas investi ­ ce qui est leur droit ­, ils menacent les maires de petites communes, non-encartés, de couper le robinet à subventions s’ils s’aventurent à parrainer un indésirable. Ces pratiques mafieuses ­ c’est le mot ­ poursuivent deux objectifs. Éliminer des rivaux potentiels ou les soumettre ­, ce qui semble bien être le sort promis aux Verts, tant que ce parti n’acceptera pas l’accord qui lui propose le PS. Accélérer la marche vers le bipartisme, inscrit dans les gènes de la Ve République et toujours refusé.</>

Le PS n’aurait pas autant épousé ces objectifs s’il n’avait obstinément tiré du 21 avril une seule leçon, qui l’exonère de tout regard critique sur lui-même : l’échec de Lionel Jospin est dû à la multiplication des candidatures de gauche. Gageons qu’une victoire de Ségolène Royal ne sera pas possible sans la concurrence dynamique de plusieurs projets de gauche au premier tour, ni sans que l’on permette aux « millions de personnes qui désespèrent de la politique de faire irruption dans la campagne électorale » . C’est le sens d’un appel en faveur de José Bové. Signé notamment par l’actrice Juliette Binoche, l’évêque Jacques Gaillot, le magistrat Louis Joinet, ou le syndicaliste Charles Piaget, il demande aux maires de « faire vivre la démocratie » . Tout simplement.

Politique
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

« Censurer cette semaine est sans doute la dernière occasion d’obtenir une dissolution avant 2027 »
Politique 15 octobre 2025

« Censurer cette semaine est sans doute la dernière occasion d’obtenir une dissolution avant 2027 »

Après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu et l’annonce de la non-censure par le PS, Rémi Lefebvre, politologue, professeur à l’université de Lille et à Sciences Po Lille, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Taxe sur les holdings : Lecornu épargne les milliardaires
Économie 15 octobre 2025 abonné·es

Taxe sur les holdings : Lecornu épargne les milliardaires

Lors de son discours de politique générale, Sébastien Lecornu a affirmé avoir entendu le désir, au sein de la population, d’une meilleure justice fiscale reconnaissant même une « anomalie » au sein de la fiscalité des plus fortunés. Sa réponse : une taxe sur les holdings qui ne répondra absolument pas au problème.
Par William Jean et Pierre Jequier-Zalc
À l’Assemblée, Sébastien Lecornu gagne du temps grâce aux socialistes
Reportage 14 octobre 2025 abonné·es

À l’Assemblée, Sébastien Lecornu gagne du temps grâce aux socialistes

Dans un discours de politique générale express, le premier ministre renonce au 49.3 et suspend la réforme des retraites. Rien de plus. Mais suffisant pour que les socialistes ne le censurent pas immédiatement.
Par Lucas Sarafian
Lecornu renommé : Macron, un forcené à l’Élysée
Analyse 10 octobre 2025 abonné·es

Lecornu renommé : Macron, un forcené à l’Élysée

Sébastien Lecornu est, de nouveau, premier ministre. Après sa démission lundi, ce fidèle parmi les fidèles d’Emmanuel Macron rempile à Matignon. Nouvel épisode d’une crise politique majeure après une journée inédite.
Par Lucas Sarafian et Pierre Jequier-Zalc