Courrier des lecteurs 962

Politis  • 26 juillet 2007 abonné·es

**L’espace politique de *Politis

À la fin de ce semestre électoralement mouvementé, nous publions une lettre de notre ami Georges Pons. Elle date du 22avril, mais n’avait pas été publiée à l’époque. Si nous y revenons aujourd’hui, c’est qu’en dépit d’une actualité politique qui (cela n’a échappé à personne) a évolué, elle pose le problème toujours actuel du positionnement de Politis et de notre méthode face à ce type d’échéances.

Le22 avril, à17 h 30 : je viens de déposer mon bulletin (Olivier Besancenot) dans l’urne de ce village gardois et viticole. D’ici une paire d’heures, le comptage aura classé les « trois B » en pourcentages, et ce que j’ai à dire à Denis Sieffert et à Bernard Langlois risquerait alors d’être entaché par l’effet de leurs résultats comparés. Alors vite : réaffirmer tout d’abord que j’ai pour ces deux journalistes et militants la plus grande considération et une totale estime pour l’équilibre et la subtilité de leurs jugements.

Ensuite : regretter qu’ils aient cru devoir prendre in fine aussi clairement position en faveur d’un des candidats antilibéraux.

Recommandation qui plus est tout à fait inutile car les lecteurs de Politis , pour réfléchis qu’ils soient, n’ont certainement pas attendu la dernière minute pour faire leur choix. D’abord, Bernard, avec son « osez Bové ! » du bloc-notes dans le n° 948, encore qu’il s’agisse là d’une page « perso » où l’auteur peut s’exprimer comme il l’entend, quitte à se faire ramasser de temps à autre. Pour Denis Sieffert, la signature d’un éditorial me semble avoir une tout autre signification. Une telle prise de position n’engage pas que son auteur mais l’hebdo, d’une manière qui me paraît contradictoire, alors même que Denis Sieffert nous rappelle fréquemment, cela faisant l’originalité de Politis en même temps qu’une marque appréciable de son indépendance (se souvenir d’Attac…), que, je cite, « il n’y a pas obligatoirement d’unanimité à Politis *. Faut-il s’en plaindre ? »* (sa réponse à un lecteur dans le n° 947).

Loin de m’en plaindre, je m’en réjouissais jusqu’alors et j’eusse aimé ne pas avoir à en douter, car si cela était, vraiment, je n’aimerais pas être à la place d’un rédacteur de Politis ayant fait un autre choix pour le premier tour. Au demeurant, cela n’affectera pas sensiblement mon attachement au journal, mais j’avais besoin de souligner ce petit faux pas, en toute amitié. Merci quand même à Denis Sieffert d’avoir glissé dans son papier une phrase qu’on aura l’occasion de méditer chez les électrons dits libres : « Et surtout pas en cédant à la démagogie antiparti. » Tentation très « tendance » chez les supporters de José, jusqu’au jour, proche sans doute, où certains d’entre eux découvriront les charmes renouvelés d’une nouvelle « boutique », comme vous dites.

Georges Pons, Saint-Jean-de-Serres

Dans cet édito, écrit le 16 avril, dans le numéro qui précédait le premier tour de l’élection présidentielle, je prenais « la précaution de dire que nous sommes loin d’être unanimes à Politis » , ajoutant même que, « au sein de notre équipe comme ailleurs, l’indécision taraude les plus aguerris » . C’était donc bien dire à nos lecteurs que l’opinion qui suivait était personnelle. On imagine mal, à la veille d’une telle échéance, l’éditorialiste de Politis se taisant. Quant à la suite, elle relevait plus de la logique que de l’enthousiasme. J’ai appelé à voter Bové parce qu’il me semblait que c’était la position la plus cohérente après avoir soutenu pendant de longs mois le principe d’un candidat des collectifs antilibéraux qui, selon moi, ne pouvait pas être issu d’un parti ou d’une organisation, même si ceux-ci appartiennent tout à fait à notre « espace politique » . Mais, sur l’essentiel, Georges Pons a raison de défendre le pluralisme au sein de notre rédaction, et même le droit à la contradiction. Cela peut parfois énerver, mais c’est notre bien le plus précieux.

D. S.

Alain Lipietz et le TCE

Par respect des très nombreux lecteurs de Politis nonistes de gauche lors du référendum de 2005 sur le TCE, la rédaction de Politis aurait dû demander à Alain Lipietz de retirer de sa tribune l’insanité suivante : « Voici donc la victoire offerte par Sarkozy aux nonistes de gauche : le droit à la concurrence faussée ! C’est exactement ce que demandent les libéraux au Parlement européen […] *. »*

Libre à lui d’avoir pris des vessies pour des lanternes (le TCE), de prendre peanuts pour des pépites d’or (la référence au réchauffement climatique, la nouvelle version de l’article 122 du plan B etc.), de préférer le choléra A à la peste B, et tant mieux pour lui si quelque journal charitable et démocrate lui donne la parole. Le débat sur ces points a largement eu lieu en son temps et tous les (contre-)arguments sont dans les très nombreuses productions écrites des nonistes de gauche (Attac, etc.).

Mais il est intellectuellement malhonnête, de mauvaise foi, stupide et méprisant de laisser entendre par ces propos que les nonistes de gauche font in fine le jeu des libéraux, qu’ils se seraient fait quelques illusions quant au caractère moins libéral d’un plan B, que l’intervention de Sarkozy ait été déterminante lors du Conseil européen de Bruxelles, que Sarkozy ait pris en considération les « non » de gauche au TCE et, cerise sur le gâteau, que « le droit à la concurrence libre et non faussée » du TCE présentait moins de risques que le « marché intérieur » (formulation de substitution proposée par Angela Merkel) et qu’Alain Lipietz interprète comme « droit à la concurrence faussée » , ce qui ne veut absolument rien dire ou qui revient au même.

Les déceptions d’Alain Lipietz n’ont d’égales que ses illusions. Sarkozy saurait-il peut-être le consoler en lui proposant quelque verte mission ?

D. Grumalde, Dijon

Non, M. Lipietz…

Dans Politis n° 960, Alain Lipietz se livre à la défense du traité constitutionnel ; il aurait pu la faire en homme politique, il a choisi de la faire en technicien ; il aurait pu tirer le débat vers le haut, il a choisi la mauvaise foi, le pinaillage et l’arrogance. Dans la terminologie qu’il utilise, je fais partie des « nonistes » qui ont refusé toutes les avancées du traité constitutionnel, comme la charte des droits fondamentaux, l’extension de la compétence du Parlement ou le financement des services économiques d’intérêt général. D’après lui, me voila promoteur du « droit à la concurrence faussée » !

Eh bien, non, non et non, M. Lipietz, je ne suis pas cet individu obscur ou politiquement inculte que vous décrivez à longueur d’articles ; ce vote est l’expression d’un citoyen ayant lu et relu le projet de traité constitutionnel et participé de près ou de loin aux différents débats d’idées qui ont eu lieu en France en 2005. Si j’ai voté non, c’est tout d’abord parce que, pour une fois, on m’a demandé mon avis. Il n’en sera vraisemblablement pas de même pour le futur traité, qui ne me sera pas « octroyé », mais bien imposé, si les mots ont un sens.

Si j’ai voté « non », ce n’est pas en raison de telle ou telle disposition, parfois technique ; c’est un choix politique global, dans une démarche d’écologie politique qui promeut des alternatives au développement sans limites ou de nouvelles solidarités, et qui refuse l’orientation capitaliste libérale de l’Europe et de la France, ainsi que sa sanctuarisation dans un texte d’ordre supérieur.

M. Lipietz se livre ensuite à une série de pinaillages sur tel ou tel aspect de l’ex ou du futur traité, c’est compter un peu juste. Sur l’essentiel, le Parlement européen ne sera toujours pas un parlement de plein exercice, les politiques tant communautaires que nationales seront toujours plus favorables aux « marchés » qu’aux services publics (qu’ils soient marchands ou non), la maigre référence au changement climatique restera sans effet, etc.

Au chapitre final « Pour quoi peut-on encore se battre ? », on pouvait penser que M. Lipietz allait se reprendre, respirer un peu. Mais le temps de l’autocritique n’est pas encore venu. Il se contente de se réjouir en pointant « l’inexistence » de messieurs Fabius ou Bové, deux hommes politiques de conviction qui, de mon point de vue, ne sont pas inexistants et méritent mieux que cela. Bien entendu, cela n’a rien à voir avec l’inexistence politique des Verts, notamment ceux qui sont accueillis par « l’Hymne à la joie » dans les écoles andines ; à la différence de M. Lipietz, je me contrefous de « l’Hymne à la joie », mais cette inexistence politique-là ne me réjouit pas.

Dominique Bergot, Colombes (Hauts-de-Seine)

Peines planchers

La principale faiblesse du projet de loi sur la délinquance présenté actuellement par Rachida Dati est que ce projet repose essentiellement sur un postulat erroné, et en tout cas absolument pas confirmé par les faits : celui selon lequel l’effet dissuasif de la peine serait directement proportionnel à sa sévérité.

Je pense qu’un projet de loi sur la délinquance purement répressif comme celui-ci nous mène droit dans le mur et aura à terme des effets pervers.

La véritable rupture, le vrai défi à relever dans ce domaine serait que ce projet soit très rapidement complété par un plan ambitieux et de grande envergure dans le domaine de la prévention ; un projet pour une meilleure éducation dans les milieux défavorisés, pour qu’une certaine jeunesse retrouve le goût du travail, le sens des valeurs, des repères moraux, de l’espoir pour l’avenir, le sens du respect de soi et des autres.

Pourquoi un gouvernement de droite, d’une droite pragmatique et non dogmatique, ne pourrait-il mettre en oeuvre un tel projet ?

Edmond Rosa, Paris

À des ami(e)s qui travaillent, tout simplement

Personne, quelqu’un, tout le monde, chacun… La France est depuis trop longtemps aux mains des minorités, et après un coup dans le zag, un coup dans le zig, elle finit par avancer en zigzag pendant que les autres vont droit au but.

Du reste, quel est le but concret poursuivi par la maison France en ce si beau jour de juillet 2007, peut-on me le dire ?

Se faufiler sur les autoroutes encombrées, se la couler douce les pieds dans l’eau, trouver un médecin disponible, manger cinq légumes par jour au prix du litre de gasoil, attendre que Wall Street franchisse de nouveaux sommets, suivre le Tour de France « du renouveau », faire de la bicyclette dans Paris, fuir les orages, maudire les cieux ?

Le choix n’est pas facile, et avec 40 % d’abstentionnistes au second tour des législatives, les 467 députés ainsi élus ­ avec moins de 35 % du nombre des inscrits ­ ne donnent franchement pas le sentiment que, nonobstant les 500 000 ou 600 000 personnes réunies au « chant de Mars » (tout un symbole), l’Élysée annonce la réunion de tous les enfants dispersés.

En d’autres temps, le poète aurait écrit : « Il est mort le prophète ! »

Cher(e)s ami(e)s, il en va aussi ainsi de ce réchauffement climatique dû aux éoliennes politiciennes qui oublient que si le vent devient trop violent la production d’énergie doit s’arrêter, question de sécurité. Ils oublient aussi que, faute de vent, les machines se mettent également en rideau et ne produisent à nouveau plus rien.

Ce 14 juillet aux couleurs de l’Europe a permis de constater que sans l’Europe notre armée aurait du mal à boucler son budget de Défense. Et il n’y a pas que l’Europe qui vient à notre secours : ONU, Otan, accords de défense avec pays africains etc.

En marge de bouquins dont je suis coauteur : la Dissuasion nucléaire française en questions , Quel avenir pour l’Otan (éditions L’Harmattan), il m’arrive de penser qu’avec la suspension du service national (doux euphémisme), ce n’est assurément pas le « show-biz » qui va nous aider à former, éduquer, rendre plus forte notre jeunesse et lui donner les capacités d’affronter les « conflictualités » du futur. Le futile a doublé l’utile !

Un certain Bernard Tapie avait tenté le coup du ballon et des poteaux de foot, ou de basket, comme armes suprêmes de lutte contre la délinquance et comme outil de remotivation des jeunes en déshérence… On sait ce que cela a donné. Aujourd’hui, ma tentation est forte de dire que c’est en chansons que notre jeunesse va se sentir en sécurité, intelligente, compétente, ambitieuse pour son avenir, alors que partout ailleurs dans le monde on se retrousse les manches et on n’hésite pas à aller chercher ailleurs la formation, les informations, les bonnes idées, pour les mettre en pratique.

La France de la frime, du fric et de la triche est désormais bien en marche, et cela n’augure rien de bon pour celles et ceux qui continuent de croire en son destin de grande puissance.

Mais soyons optimistes : ce que les hommes au pouvoir ne font pas, d’autres, moins ambitieux, le feront. Il en va ainsi de toutes les grandes découvertes, de tous les projets révolutionnaires. Cela prend naturellement plus de temps, mais cela se fera quand même, car la nature, elle-même, a horreur de l’esbroufe et sait favoriser, encourager, accompagner, se développer, les vrais changements climatiques pour que les espèces qui « ne servent plus » disparaissent, que celles qui contribuent aux autres s’adaptent, et que de nouvelles, au futur extatique, viennent à s’épanouir.

J.-C. Baert (courrier électronique)

HB éditions lutte pour sa survie

Dans son numéro du 3 mai dernier, Politis s’était fait l’écho des graves difficultés auxquelles doit faire face la maison d’édition que je dirige. Je tiens à faire part de mes remerciements aux nombreuses personnes qui nous ont témoigné leur solidarité sous forme de dons, de prêts sans intérêt, de commandes de livres (y compris le prochain agenda 2008 consacré à… Mai 68 !).

La partie n’est pas gagnée pour autant : en effet, HB ne vend pas suffisamment de livres. Aux grands maux les grands moyens : l’équipe d’HB élabore actuellement un plan de développement à moyen terme (trois ans) qui comprend, entre autres, une transformation en coopérative début 2008. Il s’agit de recréer un véritable réseau de diffusion à partir des librairies indépendantes et des réseaux de lecture publique (bibliothèques, associations littéraires, écoles). Les financements devraient être assurés par des partenaires publics (Région, CNL, collectivités locales), associatifs et/ou coopératifs, et privés (lecteurs, amis de HB), mais aussi par une stratégie « décroissante » : limitation du nombre de parutions afin de mieux assurer la promotion de chaque titre, et de se donner le temps de travailler au réseau de diffusion tout en relançant la promotion du fonds éditorial (150 titres depuis 1995). En attendant, HB a plus que jamais besoin de ses lecteurs, lectrices et ami(e)s : achats de livres, prêts, dons, coups de main sont toujours les bienvenus !

François Bouchardeau

HB éditions, BP 49, 04301 Forcalquier Cedex, 04 92 75 21 00, fbouchardeau@hb-editions.com, www.hb-editions.com

Courrier des lecteurs
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