Courrier des lecteurs Politis 1029

Politis  • 4 décembre 2008 abonné·es

Témoignage

Zoé, 13 ans, élève de 4e au collège de Marciac (Gers)

Il nous l’avait dit, le CPE [conseiller principal d’éducation], que des gendarmes allaient venir faire une prévention pour les classes de 4e et de 3e. Mercredi, toutes les classes sont entrées en cours comme à leur habitude, en suivant les profs.
À peine dix minutes plus tard – nous étions assis –, deux gendarmes faisaient déjà le tour de la salle où nous étions. La prof les regardait en nous disant : « Ils font leur ronde. » Elle n’était a priori au courant de rien, bien sûr. Soudain, la porte s’est ouverte, laissant entrer deux gendarmes… Enfin non, pas exactement. Il y avait un monsieur chauve habillé en militaire (le maître-chien) et un gendarme très gros. Le chauve nous a dit : « Nous allons faire entrer un chien ! Mettez vos mains sur les tables, restez droits, ne le regardez pas ! Quand il mord, ça pique ! » Il est sorti deux minutes et est revenu avec deux autres gendarmes et le chien. Les gendarmes se sont placés aux deux extrémités de la classe tandis que le dresseur regardait son chien déjà à l’œuvre. Le chien s’appelait Bigo. Bigo s’est acharné sur plusieurs sacs, en mordant et arrachant tout ce qui dépassait. Quand à la prof, elle restait derrière son bureau, bouche bée.

Le chien s’est attaqué au sac de mon amie, à côté de moi. Le dresseur a claqué des doigts en disant : « Sortez mademoiselle, avec toutes vos affaires ! » Plusieurs personnes de la classe sont ainsi sorties. Le chien vient alors sentir mon sac. Voyant que le chien ne scotchait pas, que rien ne le retenait, le dresseur lui a fait sentir mon corps avant de s’empresser de me faire sortir. Dehors, m’attendait une petite troupe de gendarmes… Enfin, non, pas dehors : nous étions entre deux salles de classe. Me voyant arriver, ils se dépêchèrent de finir de fouiller une autre fille. Mon amie était déjà retournée dans la classe. Quand ils eurent fini, ils s’emparèrent de mon sac et le vidèrent sur le sol. Un gendarme me fit vider les poches du devant de mon sac. […] Le gendarme qui fouillait mon sac vida ma trousse, dévissa mes stylos, mes surligneurs et cherchait dans mes doublures. […]
La fouilleuse me fit enlever mon sweat sous le regard des deux autres gendarmes. Un gendarme à terre disséquait mes stylos, un autre le surveillait, un autre regardait la fouilleuse qui me fouillait et le reste de la troupe dehors. Ne trouvant rien dans ma veste, elle me fit enlever mes chaussures et déplier mes ourlets de pantalon. Elle chercha dans mes chaussettes et mes chaussures. Le gars qui nous regardait dit à l’intention de l’autre gendarme : « On dirait qu’elle n’a pas de hash, mais avec sa tête mieux vaut très bien vérifier ! On ne sait jamais… » Ils ont souri, et la fouilleuse chercha de plus belle ! Dans les replis de mon pantalon, dans les doublures de mon tee-shirt sans, bien sûr, rien trouver. Elle fouilla alors dans mon soutif et chercha en passant ses mains sur ma culotte ! Je dis : « C’est bon, arrêtez, je n’ai rien ! » La fouilleuse s’est arrêtée, j’ai remis mon sweat, et mon fouilleur de sac m’a dit : « Tu peux ranger ! » […]

Propos recueillis par Claude-Marie Vadrot

Lettre ouverte à Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers

Nous avons été particulièrement déçus par la réponse que nous avons reçue de votre part concernant l’avenir des Rased (Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) […].
Les arguments mentionnés dans votre courrier concernent quatre points que nous vous proposons de reprendre.

– Organisation et efficacité du dispositif Rased. « Les élèves sont extraits de la classe et n’assistent pas à la totalité des enseignements. » Oui, ces élèves sont extraits 45 minutes de la classe, et ces 45 minutes sont pour eux l’occasion de reconstruire leurs savoirs, de se reconstruire, de souffler un peu. La volonté de Xavier Darcos […] est d’envoyer ces élèves dans les CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques) ou auprès d’autres thérapeutes en dehors de l’école si leurs difficultés persistent. Ce sera alors une demi-journée que ces élèves perdront, pour ne parler que des chanceux qui trouveront une place en CMPP (tous saturés, notamment celui de Béziers) ou qui pourront se payer un thérapeute extérieur.
« L’action des maîtres E et G apparaît trop dispersée et n’a pas l’efficacité escomptée. » Nous réclamons des moyens supplémentaires depuis longtemps sans les obtenir.
Il est facile, dans ce cas, de nous accuser de ne pas être efficaces ! À titre de comparaison, prenons l’exemple des pédopsychiatres : ils sont souvent trop peu nombreux pour traiter l’ensemble des demandes. Le ministre de la Santé a-t-il eu l’idée de les forcer à s’installer comme généralistes en raison de leur impossibilité à répondre à toutes les demandes ? Non ! Bien sûr !

– « 3 000 maîtres spécialisés seront sédentarisés… Ils exerceront dans une classe les fonctions de maîtres titulaires… » Sédentariser 3 000 enseignants spécialisés équivaut à supprimer les Rased, qui travaillent par définition en réseau. Monsieur le ministre avait affirmé en 2007 qu’il ne « toucherait pas au Rased » . Nous savons aujourd’hui que c’est faux ! « Il ne s’agira pas pour eux d’enseigner à une classe dans laquelle seraient concentrés les élèves en difficulté de toute une école mais de devenir maîtres d’une classe ordinaire nécessitant un enseignement soutenu. » Pourriez-vous nous expliquer ce que le ministre entend par là et que vous avez bien voulu reprendre ? […]

– « Les deux heures libérées du samedi matin sont investies sous forme d’aide personnalisée… Des stages de remise à niveau en français et mathématiques sont proposés pendant les vacances scolaires… » Faire croire que la mise en place de ces modules d’aide va remplacer l’aide spécialisée n’est pas sérieux. Il ne viendrait à l’idée de personne de faire croire que, pour faire des économies, les médecins généralistes vont avantageusement remplacer les spécialistes. Nous répétons que ce n’est pas en reproposant de la soupe à un anorexique qu’on réussira à le faire manger. Un enfant qui bloque à l’école relève des aides spécialisées prodiguées par les spécialistes formés que sont les enseignants de Rased. Certainement pas des collègues généralistes qui reconnaissent être démunis vis-à-vis de ces enfants-là !

– En cas de « difficultés qui relèvent du champ social, l’assistante sociale scolaire peut déclencher les procédures d’aide sociale à l’enfance » . Nous sommes surpris de voir mentionnée l’existence d’assistantes sociales scolaires qui n’existent pas dans le primaire. Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur, que l’origine de la difficulté d’un enfant n’est jamais monocausale. Nous savons, nous, que les difficultés des élèves peuvent, la plupart du temps, être traitées rapidement par l’école, dans l’école, grâce à cette collaboration enseignants-Rased-parents, en évitant ainsi une médicalisation et donc un alourdissement de la procédure d’aide. « Si les difficultés sont d’ordre psychologique… le psychologue scolaire peut être conduit à pratiquer des entretiens d’accompagnement… ». Vous savez sans doute qu’il est très difficile pour les psychologues scolaires de « suivre » des élèves en difficulté compte tenu du nombre d’élèves concernés. D’autre part, les envoyer, comme le texte auquel vous faites référence le préconise, vers les CMPP ou les thérapeutes extérieurs ne résoudra en rien le problème du plus grand nombre, parce que, la plupart du temps, ces élèves ne relèvent pas d’une aide « médicale », mais bien d’une aide « spécialisée » à l’intérieur de l’école. Beaucoup de pays européens nous envient ce dispositif et l’ont même repris depuis quelques années, en Finlande, par exemple, pays si souvent cité pour ses bons résultats. […] Envoyer nos élèves en difficulté vers des structures extérieures à l’école va de toute évidence renforcer leur sentiment d’exclusion alors qu’une prise en charge dans l’école leur permet de vivre et, la plupart du temps, de régler leur souffrance scolaire sans être stigmatisés. Nous espérons vous avoir fait toucher du doigt les véritables problèmes des élèves en difficulté. Nous souhaitons cette fois que nos éclaircissements vous permettront de vous faire une idée plus personnelle des problèmes rencontrés par ces élèves et renouvelons notre demande d’entretien avec vous pour en débattre de vive voix. […]

Des enseignants spécialisés des Rased de Béziers ville

Plus de clarté à gauche

Comme beaucoup, j’ai été surpris de voir Jean-Luc Mélenchon quitter le Parti socialiste juste après le vote, le 7 novembre, des militants socialistes sur les six motions en présence. Sur le moment, je trouvais que c’était ou trop tôt ou trop tard ! J’avais tort : le vote des militants jeudi 20 novembre et, pis encore, celui du vendredi 21 novembre accordant la moitié des suffrages à Ségolène Royal montrent qu’un véritable socialiste n’a plus vraiment sa place au sein d’un agglomérat qui, malheureusement, continue de s’appeler Parti socialiste. […] Il est temps que la mascarade se termine ; il est temps que le Parti socialiste donne naissance par scissiparité à deux organisations, avec d’un côté un parti redevenu véritablement socialiste et, de l’autre, un parti de centre gauche, dont on comprendrait parfaitement qu’il fusionne avec le MoDem de François Bayrou. Une fois la situation ainsi clarifiée à gauche, il sera temps de s’attaquer à ce qui reste le plus important : combattre au jour le jour la politique réactionnaire de Nicolas Sarkozy et, surtout, surtout, trouver le moyen de la remplacer, en 2012, par une politique de progrès, à la fois sociale et écologique.

Jean-Jacques Corrio,
Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)

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