Courrier des lecteurs Politis 1030

Politis  • 11 décembre 2008 abonné·es

Des enfants raflés à l’école

Hier, s’est produit un fait très grave à l’école du Jardin de ville, à Grenoble. À 15 h 45, un père de quatre enfants (un de moins de 3 ans, deux scolarisés en maternelle et un en CE1 à l’école du Jardin de ville) est venu, accompagné de deux policiers en civil, chercher ses enfants, pour « un rendez-vous en préfecture » , ont compris les enseignants. À 19 h, on apprenait que tous les membres de la famille étaient au centre de rétention de Lyon. Ils y ont dormi. Ils étaient injoignables hier soir. On a réussi à les joindre tôt ce matin aux cabines téléphoniques du centre de rétention (qui, rappelons-le, est une prison). Ils étaient paniqués. On a prévenu le centre que la Cimade, seule association ayant le droit d’entrer dans les centres de rétention, irait voir la famille ce matin. Arrivés au centre, les militants de la Cimade l’ont cherchée, sans succès : elle était en route pour l’aéroport, son avion décollant une demi-heure plus tard.
Nous n’avons rien pu faire, nous attendions que les militants de la Cimade comprennent la situation de ces gens afin de pouvoir les aider en connaissance de cause. Ils ont été expulsés ce matin. Leurs chaises d’école resteront vides.
C’est une première en Isère : la traque des étrangers pénètre dans les écoles. Les seuls enfants en situation irrégulière sont ceux qui ne sont pas à l’école. […]

Emmanuelle, pour le Réseau éducation sans frontières 38

N’oubliez pas les Roms !

Ils sont quinze qui couchent dans les bois près du Petit-Clamart, où ils ont construit une cabane très sommaire. Les nuits sont froides actuellement. Ils étaient en permanence trente à se relayer depuis plus d’un an, sous un hangar à Meudon, sans eau, ni électricité, ni toilettes, sans aucune aide municipale, sans AME (aide médicale d’État), sans protection sociale. Ceux-là viennent d’être expulsés et de recevoir des OQTF (obligation de quitter le territoire français). Tous, souvent ouvriers agricoles, sont venus de la même région du centre de la Roumanie, qu’ils ont dû quitter quand de grosses inondations ont détruit le peu qu’ils possédaient. À Meudon, ils formaient un groupe solidaire, faisaient la manche, parfois de petits travaux au noir, récupéraient des vivres à la fin des marchés. Ils réussissaient à envoyer quelques dizaines d’euros par mois à leurs familles.
En Roumanie, les Roms, sédentaires depuis des siècles, sont victimes de racisme et de discriminations qui les maintiennent dans une précarité encore plus grande que celle qu’ils connaissent en France. Dans certaines régions, le taux de chômage des Roms dépasse 70 %.
En France, ils sont 10 000 venus essentiellement de Roumanie et de Bulgarie. Ces citoyens européens sont soumis à des conditions très particulières. Malgré le principe de libre circulation, leur droit de séjour est lié à la possession d’un emploi parmi les 150 métiers « ouverts » aux Européens. Les éventuels employeurs doivent, pour les embaucher, verser une taxe de près de 900 euros à l’Anaem (Agence nationale pour l’accueil des étrangers et migrants), monter un dossier très complexe, attendre trois à six mois la fin d’une procédure qui aboutit souvent à un refus.
Le ministre de l’Immigration, obsédé par les chiffres, propose ou impose des retours au pays gratuits et assortis d’une aide variant entre 150 et 300 euros, système éminemment pervers qui peut inciter des Roms roumains, par exemple, à déscolariser leurs enfants et quitter leur logement pour venir en France, attendre le délai obligatoire de trois mois et repartir avec cette aide qui les aura définitivement déstabilisés.
Aujourd’hui, en France, les squats ou bidonvilles se multiplient ainsi que les expulsions, refus de scolarisation, rejets par les voisins, conditions indignes de vie. Seules quelques rares communes mettent en œuvre des programmes d’insertion avec scolarisation des enfants, recherche d’emplois, de logements…
Les Roms d’Île-de-France, soutenus par le Collectif Romeurope, appellent à un rassemblement le 10 décembre à 11 h, place Édouard-Herriot, Paris VIIe, à la veille du Conseil européen que présidera la France. Ils demandent « la fin des mesures transitoires qui limitent l’accès des Roumains et Bulgares au marché du travail » et « des décisions concrètes pour améliorer la situation des Roms en France et dans toute l’Europe ».
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*Catherine Dessus, Meudon (Hauts-de-Seine)

Nucléaire

Merci à Benjamin Dessus de nous avoir éclairés (!) sur la promotion du nucléaire par Anne Lauvergeon dans le n° 1029 de Politis. À mon tour d’apporter ma modeste contribution.
Concernant le nucléaire et l’effet de serre, il faut en effet préciser qu’il est aussi producteur de CO2, à cause du panache de vapeur d’eau (appelé « brouillard » par EDF !) qui s’élève au-dessus des centrales – eh oui, la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre –, mais aussi à tous les niveaux d’utilisation de l’uranium […] : extraction du minerai (au Niger, dans des conditions humaines et environnementales scandaleuses), transport par bateau, enrichissement, retraitement… Par ailleurs, quand le froid devient vif, et que le chauffage électrique induit une forte demande, qui appelle-t-on à la rescousse du nucléaire pour survenir aux besoins ? Les centrales au fioul, qu’on redémarre en hâte, et idem l’été, quand on a besoin de la clim. […]

Philippe Gardelle, Chinon (Indre-et-Loire)

École à vendre

Vous avez rédigé un article salutaire sur les Rased dans le n° 1026 de Politis. J’espère que de nombreux lecteurs auront signé la pétition sur le site indiqué. Il faut savoir que la suppression programmée du réseau d’aide n’est qu’un des nombreux saccages en cours à l’Éducation nationale. Rien que pour l’école primaire : suppression de postes (10 000 par an pendant plusieurs années) et suppression prévue des IUFM. L’école qui formait les professeurs des écoles va être fermée ! La maternelle va être sortie de l’école publique ! Avec toutes les incertitudes que cela comporte sur un égal accès à un service éducatif de la petite enfance. Les maires ont été informés qu’à partir de 2011 (dans seulement trois ans !) les enfants de 2 à 4 ans ne seront plus pris en charge par l’Éducation nationale. Les mairies devront organiser leur scolarité sous un statut à trouver (association, privé…). Recrutement bénévole pour le service d’accueil aujourd’hui, et pour les remplaçants ou les encadrants de la petite enfance demain. L’école primaire va être réorganisée en Epep (établissement public d’enseignement primaire) : gérée comme les collèges, avec un conseil d’administration (élus, parents, enseignants) dirigé par un chef d’établissement. Un « contingent » de vacataires assurera les remplacements de congés maladies (actuellement, ce sont des enseignants, titulaires de postes de remplaçants). Et l’on se propose depuis peu de surveiller les enseignants.
Ce n’est pas une réforme pour améliorer la formation de notre jeunesse, c’est un saccage en bonne et due forme. Ne nous y trompons pas, ce qui préside à ces « réformes », ce ne sont pas des considérations éducatives mais des considérations financières. Notre pays ne peut-il plus assumer l’éducation ? On organise l’éducation à la carte : des familles riches ou démunies, des villages riches ou démunis, des régions riches ou démunies. C’est l’avenir qui est en jeu. Les enfants sont l’avenir de notre pays, et on brade leur éducation sur l’autel de la rentabilité. Il y a des milliards d’euros pour les banques, mais rien pour nos enfants ? Pouvons-nous laisser faire ?

M. Doumer

Courrier des lecteurs
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