Le fichage ADN au banc des accusés

Le procès de Xavier Renou, porte-parole du collectif des Désobéissants, poursuivi pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement ADN, n’aura finalement pas lieu avant 2012. Et pourrait bien remettre en cause le fichage à la française.

Matthieu Balu  • 10 novembre 2011
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Le fichage ADN au banc des accusés
© Photo : AFP

Retour à l’envoyeur ? Poursuivi pour avoir refusé un prélèvement ADN , Xavier Renou veut faire de son procès la base d’une remise en cause du fichage, qui touche plus d’un million de français. Les quatre Questions prioritaires de constitutionnalités déposées par les avocats du militant le 7 novembre remettent en cause la légalité de la procédure et pourraient bien transformer la procédure en procès du fichage à la française. L’audience a été reportée au 22 février 2012,  le temps pour le procureur et le juge d’examiner ces éléments nouveaux.

La faille que compte exploiter le collectif des Désobéissants est à trouver dans les progrès de la science : il est en effet désormais possible d’identifier les caractéristiques physiques et mentales d’un individu à partir d’un brin d’ADN. L’origine géographique -donc dans certains cas la couleur de peau-, mais aussi la prédisposition à certaines maladies seraient ainsi décelables.

Des données qui rendraient le fichage illégal pour le porte-parole de l’organisation: « Le risque immédiat, c’est bien sûr un usage frauduleux de ces données, ce qui a déjà eu lieu avec d’autres fichiers policiers comme le Système de traitement des informations constatées (Stic). Mais on peut aussi imaginer, avec un gouvernement encore plus à droite, qu’il utilise ces informations pour faire de la discrimination institutionnelle » .

Au-delà de ces risques, c’est le principe même du fichage, inspiré par l’idéologie néolibérale, qui est dénoncé. « En augmentant les inégalités, il nourrit les tensions et les conflits de classe, et comme les élites savent que la contestation monte, elles cherchent à disposer d’outils de contrôle de la population, et éventuellement de stigmatisation , analyse Xavier Renou. Nicolas Sarkozy mettant en cause l’islam *, l’ « * ultra-gauche » ou  les Roms , pourrait ainsi utiliser le fichage génétique pour organiser une forme de ségrégation, ou interdire certaines professions à des catégories ciblées de la population. On commence par tester le dispositif sur les plus faibles, avant de le généraliser à tous » . Pour les Désobéissants, la contre-attaque contre les fichiers d’identification commence maintenant.

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