Manuel de survie pour temps de crise

Des chercheurs réunissent leurs propositions pour inventer une alternative au diktat néolibéral.

Thierry Brun  • 5 janvier 2012 abonné·es

Les économistes « atterrés », qui comptent près de deux mille membres en France, s’invitent dans le débat politique en publiant un livre de propositions pour « changer d’économie » .

Il y a péril en la demeure, estiment ces universitaires et chercheurs qui s’en prennent à la tristement célèbre pensée unique, dont l’échec est manifeste et mène l’Europe à la récession. Les analyses sont unanimes pour considérer que l’on ne peut sortir des griffes des marchés par des politiques d’austérité en Europe, ce qui n’empêche pas des points de vue variés sur chacune des grandes questions traitées. L’objectif étant de mettre fin aux logiques économiques libérales qui s’imposent depuis trois décennies, pour s’engager dans des voies nouvelles.

Les « atterrés » veulent entamer un processus d’échanges qui s’étalera dans le temps. Dans cet esprit, « la conduite d’audits citoyens” des dettes publiques constitue une tâche urgente et essentielle [^2] » . Il est également important de faire vivre une « pensée libre, critique, indépendante des pouvoirs économiques et financiers. Une pensée qui montre pourquoi il faut résolument s’engager dans des voies nouvelles si l’on veut se donner une chance d’échapper à la catastrophe économique qui s’annonce » .

Face à la crise, la stratégie de la Commission européenne et des États membres de l’Union européenne est proprement « atterrante » . Ainsi, le nouveau traité européen qui devrait être imposé dès le mois de mars pour rassurer les marchés financiers, sans consultation des Parlements, « consiste à renforcer la logique des politiques mises en œuvre auparavant et à durcir l’esprit des traités » , notamment avec l’application de plans d’austérité budgétaire et une réforme de la gouvernance de la zone euro.

Comment en sortir ? La réduction des déficits publics passe par une « politique de développement où l’indispensable tournant écologique sera planifié et financé par l’épargne des Européens, collectée par des banques publiques de développement durable » . Une « planification fédératrice » qui comprendrait, entre autres, une forte régulation de la finance, une politique industrielle, de grands projets, une évolution vers une Europe sociale, tout cela allant de pair avec une nouvelle fiscalité. Une riche matière est ainsi mise en débat pour constituer de réelles politiques économiques alternatives, qui sont loin d’être utopiques.

[^2]: Pour plus d’informations sur les collectifs et réunions publiques, consulter www.audit-citoyen.org

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre
L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement
Histoire 4 décembre 2025

L’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes de 1995, tel que rédigé initialement

Ce texte fut ensuite amendé par certains militants et grandes signatures, en premier lieu celle de Pierre Bourdieu. Mais les cinq rédacteurs de sa première version – qu’a retrouvée Michèle Riot-Sarcey et que nous publions grâce à ses bons soins – se voulaient d’abord une réponse aux soutiens au plan gouvernemental.
Par Olivier Doubre
Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »
Entretien 3 décembre 2025 abonné·es

Romane Bohringer : « Les mères défaillantes ont besoin de soins, pas d’être jugées »

Dans Dites-lui que je l’aime, adaptation très libre du livre éponyme de Clémentine Autain, aussi présente dans le film, la réalisatrice rend hommage à des femmes, leurs mères, dans l’incapacité d’exprimer leur amour à leur enfant. Elle explique ici comment elle a construit son film à partir du texte de l’autrice, en qui elle a reconnu un lien de gémellité.
Par Christophe Kantcheff