Histoire de la Palestine avant la « Nakba »

Sandrine Mansour-Mérien relate comment les Palestiniens sont devenus une « nation de réfugiés ».

Céline Loriou  • 23 mai 2013 abonné·es

En s’appuyant sur les archives de l’État d’Israël, ouvertes il y a à peine trente ans, et sur les travaux d’historiens palestiniens et israéliens, l’historienne Sandrine Mansour-Mérien évoque ce que les Arabes appellent la « Nakba » (la « catastrophe ») sous un jour nouveau. Il ne s’agit pas seulement ici des violences exercées à l’encontre de la population palestinienne chassée de chez elle, mais d’un mythe longtemps véhiculé par la propagande israélienne qui faisait des sionistes les pionniers du progrès et de la modernité sur une terre « inhabitée et inexploitée ». Au fil des pages, l’historienne franco-palestinienne rend au peuple palestinien sa place véritable dans une histoire tronquée par des décennies d’orientalisme. Elle nous rappelle que la Palestine d’avant la Nakba est un pays dynamique où une agriculture variée fait vivre 60 % de la population, et que la société, bien que traditionnelle, est en train de mettre en place des institutions sociales et de développer une sphère publique.

Mais, avant même la création de l’État d’Israël, tout est fait pour favoriser les populations juives, déjà présentes en Palestine ou bien arrivées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : industrie, agriculture, renforcement militaire tournent à l’avantage des nouveaux venus, soutenus par la Grande-Bretagne, puis par les États-Unis. Rapidement, d’importants déséquilibres apparaissent entre Arabes et juifs, poussant les Palestiniens à la révolte, sous forme de grèves, de manifestations ou de lutte armée. Ce qui arrive aux Palestiniens est la conséquence d’un projet « mûrement réfléchi, planifié et organisé », imaginé par les sionistes lors de réunions secrètes dès le début du XXe siècle. Car le génocide juif n’est pas la « cause profonde, immédiate du moins », de la « désarabisation » de la Palestine débutée fin 1947, estime Sandrine Mansour-Mérien. Face à la destruction de leurs villages, aux viols, aux meurtres et à la misère, les Arabes n’ont d’autre choix que de partir. Alors que les colonies juives se multiplient, les Palestiniens deviennent une « nation de réfugiés », privée de géographie, de société et d’identité, mais c’est tout cela que l’historienne tente de reconstituer. Elle clôt son livre en rendant hommage à l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd, qui, avant elle, avait rappelé « qu’il y avait un peuple palestinien, et que, comme d’autres, il avait son histoire, sa société et, le plus important, un droit à l’autodétermination ».

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