Rythmes scolaires : « L’animation est une éducation »

Les animateurs veulent être mieux reconnus et impliqués dans le débat sur la réforme.

Ingrid Merckx  • 18 septembre 2014 abonné·es
Rythmes scolaires : « L’animation est une éducation »
© **Patrice Weisheimer** est secrétaire général du Syndicat d’éducation populaire, SEP-Unsa. Photo : CITIZENSIDE/GEORGES ROBERT

Le Syndicat d’éducation populaire SEP-Unsa réclame une meilleure reconnaissance de la profession d’animateur, la mise en place d’un pôle éducatif interministériel et un niveau de formation minimum assuré.

Le SEP-Unsa et le Journal de l’animation ont fêté ce 9 septembre les 50 ans de l’animation. À quoi correspond cet anniversaire ?

Patrice Weisheimer : Le 9 septembre 1964 est paru le décret instituant le diplôme d’État de conseiller d’éducation populaire (Decep). Cette date entre en résonance avec notre actuel combat pour une reconnaissance de la profession. La majorité des animateurs sont rémunérés au Smic horaire, 70 % sont à temps partiel, et beaucoup doivent prendre en charge leur formation. Le brevet professionnel de jeunesse, d’éducation populaire et du sport correspond à 12 à 18 mois de formation et coûte de 12 000 à 15 000 euros.

La réforme des rythmes scolaires devrait engendrer 370 000 créations de postes dans l’animation, dont 70 000 de directeurs. Où en est-on ?

Nous ne serons pas en mesure de chiffrer les embauches effectives avant février 2015. Mais, si ces 370 000 créations ont bien lieu, nous serons bientôt près de 800 000 professionnels de l’animation en France. Autant que d’enseignants. Cela devrait nous permettre de peser dans le débat.

**Comment se fait-il que les professionnels de l’animation aient été si peu entendus sur la réforme des rythmes scolaires ? **

Tant que l’on parle de « réforme des rythmes scolaires », on reste « scolaro-centré ». Nous défendons une réforme des rythmes éducatifs marchant sur deux jambes : Éducation nationale et animation. Au départ, la loi sur la refondation de l’école s’inscrivait dans une logique de coéducation, telle que formulée dans l’Appel de Bobigny [voir Politis  n° 1311]. Elle permettait une prise de conscience : l’animation ne se réduit pas à un face-à-face pédagogique avec les élèves, elle est un temps d’éducation qui doit englober la préparation des ateliers et des activités, la réflexion et les échanges entre enseignants et équipe d’animation… Il faut que ces échanges existent et soient rémunérés. Mais, pour cela, il faut un pilotage national via un pôle éducatif réunissant tous les ministères en lien avec l’éducation. Sa création comptait parmi les engagements pris par le candidat François Hollande.

Quelles avancées avez-vous obtenu ?

Les professionnels de l’animation avaient été oubliés dans le Comité de suivi de la réforme des rythmes. Nous y avons maintenant un siège. Nous avons également obtenu que des formations aient lieu dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espe) avec des élèves enseignants et d’autres acteurs éducatifs. Tous partagent un même besoin de se former sur au moins quatre volets : la connaissance des publics, la pédagogie, la déontologie dans l’acte éducatif et le paysage institutionnel de l’éducation. Aujourd’hui, certaines équipes embauchent des bénévoles qui reçoivent 48 heures de formation, et des animateurs diplômés s’entendent dire qu’ils sont trop qualifiés. Le message est : les animateurs coûtent trop cher. Mais qui veut-on mettre face à des enfants ? Et pour faire quoi ?

On reproche à cette réforme un accroissement des inégalités territoriales et un risque de privatisation de l’école. Qu’en pensez-vous ?

Les partisans de l’État régalien voudraient voir les mêmes politiques publiques appliquées à l’ensemble du territoire. Il faut repenser un modèle intermédiaire permettant l’égalité et la prise d’initiative dans l’esprit des politiques d’ empowerment. C’est-à-dire plus de pouvoir aux individus ou aux groupes. Il faut donc sortir d’une vision jacobine, défendre l’école républicaine et l’ouvrir à d’autres acteurs.

Les professionnels de l’animation se plaignent d’une méconnaissance de leurs métiers, souvent assimilés à de la garderie…

J’invite les parents à se pencher sur les projets éducatifs. Les temps d’activité reflètent cette construction préalable. Les fameux « colliers de nouilles » tant moqués peuvent permettre à des petits de développer leur motricité et leur concentration. Une simple partie de foot, sous un œil pédagogue, peut être l’occasion d’un travail sur le respect des règles, leur co-construction, l’arbitrage par les joueurs eux-mêmes, etc. Une thématique autour du réchauffement climatique abordée en classe peut se poursuivre avec des temps de lectures ou de jeu sur le thème en question, des activités de jardinage ou en lien avec l’alimentation.

Société
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