Ébauche de dialogue

France nature environnement et la Confédération paysanne ont fait le point sur leurs divergences dans le dossier loup.

Patrick Piro  • 27 novembre 2014 abonné·es

Des mois qu’ils se tournaient autour, disent-ils. France nature environnement (FNE) et la Confédération paysanne (CP) ont fini par se rencontrer, le 4 novembre, pour parler du loup. « On n’en est pas à se faire des bisous », tempère le syndicat paysan, qui ne souhaite pas communiquer sur le sujet à ce stade. Sa mise au point, en septembre dernier, et après des mois de tergiversations internes, a paradoxalement contribué à déclencher ces premiers échanges. Longtemps écartelée sur ce sujet entre les petits éleveurs de montagne et des paysans plus modérés, la Confédération a décrété « impossible » la cohabitation entre le loup et le pastoralisme [^2]. Elle réclame l’indemnisation à 100 % par l’État des éleveurs victimes d’attaques, un accès rapide aux statistiques de population de loups, de vrais moyens donnés à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et à la Louveterie pour en réguler la dynamique… « Nous constatons cependant quelques convergences de vue », souligne Jean-David Abel, responsable du dossier à FNE ^3, qui ne veut pas prendre la position du syndicat au pied de la lettre.

Pas de surprise, néanmoins, les points durs font clairement divergence. La CP veut-elle obtenir le retrait du loup des espèces protégées par la Convention de Berne et la directive Habitat ? « Une pensée “magique”, réagit Jean-David Abel. Quand bien même la démarche aboutirait, on ne réglerait rien : il est interdit d’éradiquer une espèce, on a changé d’époque, ce que certains ne comprennent pas… »

Pas de compromis possible non plus sur la demande des paysans d’autoriser des « prélèvements » de loups dans les zones « cœur » des parcs nationaux. « Elles ne représentent que 0,02 % du territoire national, leur rôle est la préservation de la nature, elles accueillent des programmes scientifiques, etc. », poursuit Jean-David Abel. Idem pour l’autorisation d’éliminer des « meutes dévastatrices » ou de tirer le prédateur dès ses premières manifestations dans de nouvelles aires : « Une boîte de Pandore, toutes les zones à loups vont demander à bénéficier de telles mesures ! En revanche, nous ne sommes pas opposés à une régulation par prélèvement d’individus quand les conditions dérogatoires sont remplies. Mais il faut d’abord mettre des moyens à la hauteur dans quelques secteurs où se concentre le gros des dommages, pour protéger les troupeaux et faire évoluer les pratiques de conduite. » Pour l’écologiste, il est temps de sortir des postures et des dramatisations, qu’il dénonce aussi bien dans le milieu paysan que dans son propre camp. « Oui, la coexistence est possible, mais on ne résoudra pas les problèmes qu’elle pose sans faire évoluer la mentalité des bases militantes. »

[^2]: www.confederationpaysanne.fr, voir l’onglet « loup » dans le menu « nos positions ».

Idées
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