Le présupposé raciste de Nicolas Sarkozy

L’ancien chef de l’État a justifié, hier, les nominations ministérielles de Rachida Dati et de Rama Yade par leurs origines.

Michel Soudais  • 26 novembre 2014 abonné·es
Le présupposé raciste de Nicolas Sarkozy
© Photos et son: Michel Soudais

Confidence lourde de sens. Interrogé par une militante sur ce qu’il comptait faire « par rapport à la parité et à la diversité » , Nicolas Sarkozy, en meeting hier soir à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), s’est expliqué sur quelques nominations dans son premier gouvernement en 2007. L’ancien président de la République a ainsi expliqué benoîtement avoir choisi de nommer Rachida Dati garde des Sceaux pour ses origines algériennes et marocaines.

« Je m’étais dit que Rachida Dati, avec père et mère algérien et marocain, pour parler de la politique pénale, cela avait du sens. »

Quel est ce sens ? Notons d’abord que ce n’était donc pas pour ses compétences ; la maladresse confine ici à la goujaterie. Au-delà de ce constat, on se perd en conjectures sur la nature de ce « sens » même si, à en juger par leurs applaudissements, les militants UMP présents dans la salle semblent, eux, l’avoir saisi. Quel rapport les origines familiales de Rachida Dati entretiendraient-elles avec la politique pénale ? Nicolas Sarkozy supposait-il que les immigrés[^2] d’origines algérienne et marocaine avaient plus affaire à la justice (pénale) ? C’est là un présupposé raciste auquel le discours d’extrême droite a fréquemment recours.
À en croire l’entourage du candidat à la présidence de l’UMP, cité par l’Express , ce dernier voulait dire, dans « un langage parlé » que « c’était un signal important à envoyer aux personnes issues de l’immigration qu’une personne, avec un père algérien et une mère marocaine, puisse prendre la tête d’un ministère régalien, un ministère important » . Auparavant, Nicolas Sarkozy avait dit sa fierté d’avoir été le premier à nommer une femme, Christine Lagarde, ministre des Finances : « Je n’ai pas voulu que les femmes soient à la politique sociale, ou aux crèches, ou à la politique familiale [^3].  »
Mais si la nomination de Christine Lagarde visait à contrarier les prétendues prédispositions de genre, l’ancien chef de l’État justifie celle de Rama Yade, évoquée après Rachida Dati, également en raison des origines de la jeune femme, « arrivée à 8 ans, après avoir passé ses huit premières années à Dakar » , et de sa couleur dont il n’a pas besoin de parler puisqu’elle… « se voit » , lance-t-il goguenard, déclenchant les rires de la salle.

Critiques à gauche et à droite.

Les propos de Nicolas Sarkozy sur Rachida Dati , d’abord relevés sur le réseau social Twitter par Gilles Boyer, un conseiller d’Alain Juppé, et SOS Racisme qui a ironisé, ont été dénoncés comme « indignes » par deux députés socialistes, dans un communiqué : « Nicolas Sarkozy, par ces commentaires essentialistes, envoie chaque individu à ses origines et alimente ainsi le climat de suspicion à l’égard des personnes immigrées ou enfants d’immigrés (…). Il s’éloigne de la République en remettant en cause les valeurs de notre modèle d’intégration qui fondent le vivre-ensemble. » Un autre socialiste, François Kalfon, a opposé « deux visages de la droite » : Simone Veil « entrant dans l’histoire » avec la loi IVG, adoptée il y a quarante ans, « Sarkozy sortant de route en mentionnant les origines de Rachida Dati » .

François Bayrou accuse , pour sa part, Nicolas Sarkozy de diviser les citoyens en « catégories »  : « Lorsque vous parlez toujours des origines et de la couleur de la peau, d’une certaine manière, vous faites des catégories différentes de citoyens et ce n’est pas ma vision des choses » , a déclaré le président du MoDem sur I-télé.

« Cette déclaration n’est pas acceptable.** On ne s’exprime pas de cette manière-là, on ne pense pas de cette manière-là »* , a également réagi Hervé Mariton, candidat à la présidence de l’UMP, lors de l’émission « Questions d’Info » LCP-France Info-Le Monde-AFP. Nicolas Sarkozy « fait un lien dans sa pensée entre l’origine de la personne et la politique qu’elle doit mener, ce n’est tout simplement pas acceptable » , a poursuivi le député de la Drôme, qualifiant cette sortie de « dérapage » .

[^2]: Ce terme désigne aussi bien les étrangers présents sur notre territoire que les Français d’origine étrangère, raison pour laquelle l’extrême droite l’a adopté plutôt qu’« étranger ».

[^3]: Il a néanmoins nommé Nadine Morano à ce poste en 2008.

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