Françoise Dumont (LDH) : « Faire vivre l’égalité au quotidien »

Selon Françoise Dumont, les organisations antiracistes, en dépit de leurs divergences, peuvent se rejoindre sur le terrain social.

Sasha Mitchell  • 9 décembre 2015 abonné·es
Françoise Dumont (LDH) : « Faire vivre l’égalité au quotidien »
© **Françoise Dumont** Présidente de la Ligue des droits de l’homme. Photo : DR

Dans un paysage antiraciste fragmenté, la Ligue des droits de l’homme (LDH) organisait son université d’automne sur le thème « Penser l’antiracisme, pour une contre-offensive », les 28 et 29 novembre. Françoise Dumont explique la démarche de l’organisation et affirme la nécessité d’un dialogue entre la LDH et les associations dites « communautaires ».

Quel était l’objectif de votre université d’automne, à travers le terme de « contre-offensive » ?

Françoise Dumont : En organisant en novembre 2013 une riposte commune aux attaques dont Christiane Taubira avait fait l’objet à Poitiers, nous avons, avec le Mrap, SOS Racisme et la Licra, retrouvé les voies d’un travail pérenne. En septembre 2015, nous avons lancé ensemble l’Appel du camp des Milles. Nous avons aussi participé à la campagne du gouvernement après les attentats de janvier, qui vise à faire de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause nationale. Mais, en même temps, nous sommes conscients, comme la Marche de la dignité l’a montré fin octobre, que le mouvement antiraciste est divisé et que, depuis plusieurs années, se développent, à côté des quatre grandes organisations historiques, un certain nombre de mouvements moins « universalistes », qui s’organisent autour d’une priorité communautaire de fait trop souvent exclusive. Devant la banalisation et l’augmentation des propos et des actes racistes, à un moment où le FN ne cesse de progresser, il nous semblait urgent de réfléchir à la fois au renouveau du racisme et à la manière de refonder une efficacité militante, à partir des forces diversifiées, voire éclatées, de l’antiracisme.

Au-delà de la question de l’universalisme, n’y a-t-il pas le fait que l’antiracisme des grandes organisations soit une affaire de Blancs, trop peu représentatif des personnes victimes de discriminations ?

Lorsqu’on lit l’appel pour la Marche de la dignité, on se rend bien compte que ces mouvements reprochent aux organisations traditionnelles de défendre une conception essentiellement universaliste de l’antiracisme, conception qui, selon eux, occulte certaines dimensions du racisme, qu’il s’agisse du racisme institutionnel ou du racisme « post-colonial ». Cette conception empêcherait la prise en compte de certaines discriminations. En ce qui concerne la LDH, je crois que notre dénonciation sans failles des contrôles au faciès prouve le contraire. Mais notre démarche n’est pas de dire que nous refusons tout dialogue avec ces mouvements-là. Je pense qu’il est même urgent de le mener, même s’il risque d’être difficile.

Quelles solutions sont envisageables, malgré les différends, pour une convergence des luttes entre les organisations dites « généralistes » et celles dites « communautaires » ?

Ne nous cachons pas les difficultés. La multiplicité des organisations renvoie à la fois à des stratégies d’existence, à de réels désaccords politiques et à la difficulté des forces constituées antérieurement à devenir légitimes au regard de communautés de fait. Mais l’enjeu principal est de savoir comment dépasser un état de mobilisations réelles mais dispersées pour penser une contre-offensive globale, intégrant un corpus idéologique – au meilleur sens du terme –, tout en faisant aussi vivre des solidarités adossées à des pratiques sociales. Cette contre-offensive doit viser à faire vivre l’égalité au quotidien en matière d’emploi, d’école, de logement, etc. C’est sur ce point que nous pouvons nous retrouver.

Société
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