Ceux qui cuisinent au plaisir

Produits locaux, terroir, agriculture raisonnée, proximité… Portées par l’éthique, les initiatives de chefs ne manquent pas.

Jean-Claude Renard  • 5 octobre 2016 abonné·es
Ceux qui cuisinent au plaisir
© Photo : GODONG/BSIP/AFP

Si deux tiers, ou plus, des restaurants français ont cédé aux sirènes de l’agro-alimentaire, le tableau n’est pas entièrement sombre puisque près d’un tiers se montre encore attaché à une certaine éthique en cuisine. Et ils sont nombreux comme Xavier Hamon, à Quimper, ou Paul Courtaux, à Palavas-les-Flots, à refuser de se laisser dicter leur menu par l’agro, prouvant en même temps qu’il est possible de bien manger sans passer forcément par les élites du guide Michelin. Ils sont nombreux, disséminés sur l’ensemble du territoire, mais on ne les voit pas, ou pas assez. Forcément, ils n’ont pas de service communication, mais placent leur énergie aux fourneaux.

Si, à Paris, les réseaux se tissent avec des producteurs au cas par cas, produit par produit (Caïus, dans le XVIIe, Le Garance, dans le VIIe, Le Servan, dans le XIe), si l’on croise encore des exceptions comme Le P’tit Resto de midi, de Stéphan Hugot, à Boulogne-Billancourt, seul en cuisine et en salle, avec une poignée de tables et deux plats au choix, un point commun relient ces chefs : rester local, viser les circuits les plus courts, éviter les intermédiaires, les pingouins cravatés de la démarche. C’en est même une obsession.

Tel est le cas à Vendôme (Loir-et-Cher), au Pertica, où Guillaume Foucault a choisi de mettre en avant « un patrimoine qui ne demande que ça », de puiser dans les richesses du Perche. À la carte, les intitulés disent le parti pris : poire de Carézy, tomate reine-des-prés, volaille de Contres, pintade perle noire, pomme de rose. Des produits composant des menus au jour le jour, suivant les saisons, les humeurs de la météo et « les limites des producteurs ».

Même volonté chez Benoît Pasquier, au Saint-Honoré, à Tours, qui a créé son propre potager à quelques centaines de mètres du restaurant, sur les bords de Loire, pour s’affranchir des camions de livraison et faire la part belle au terroir ligérien. « Pour nous, cuisiniers, c’est gratifiant de servir un produit dont on a vu l’évolution au jardin et la transformation en cuisine. » Beaucoup n’ont pas, bien sûr, la chance d’avoir un potager à trois pas des fourneaux. Reste chez tous – et c’est bien ce qui rassure le consommateur – la volonté de coller au plus près du produit, au-delà de l’honnêteté, dans un rapport presque intime avec lui, un rapport qui a peu à voir avec le livré-réchauffé.

À Lyon, aux Deux Filles en cuisine, Davia et Sophie se font « plaisir » en parcourant les étals des marchés, traquant les artisans du cru pour proposer un (seul) plat chaque jour. C’est peut-être ça, l’éthique suprême : le plaisir. Celui de choisir et de tâter le produit, pas sur un catalogue, avant de l’emmener dans une histoire personnelle, celle d’une cuisine d’auteur.

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