Quel bilan pour les politiques migratoires ?

La Cimade propose un état des lieux concernant l’accueil des personnes étrangères en France et en Europe, et souhaite interpeller l’opinion publique sur la répression et les discriminations dont celles-ci sont victimes.

Hugo Boursier  • 30 mars 2017 abonné·es
Quel bilan pour les politiques migratoires ?
© Photo : DENIS CHARLET / AFP

Lorsque le sujet est abordé par les candidats, c’est souvent sous un angle sécuritaire. Trois semaines avant le premier tour de la présidentielle, la Cimade dresse son état des lieux sur les politiques migratoires.

En 2012, l’association « a voulu être proactive, en essayant d’influencer directement les candidats », explique son secrétaire général, Jean-Claude Mas, lors d’une conférence de presse tenue jeudi 30 mars. Mais après le très décevant quinquennat de François Hollande, elle a « souhaité cette année [s’] adresser à l’opinion publique en l’alertant des dérives sécuritaires actuelles ».

Pour « questionner leurs logiques répressives, stigmatisantes ou discriminatoires », le document se divise en cinq chapitres : « Contrôler et punir », « Sous-traiter et déléguer », « Trier pour exclure », « Discriminer et accorder des droits au rabais », et « Ajouter de la violence à la violence ».

Une répression devenue légale

La France a mis en place un « renforcement des mesures de contrôle » qui entrave le respect de la vie privée et des libertés fondamentales. Un exemple, depuis la loi du 7 mars 2016, les préfets peuvent scruter, « sans en informer l’intéressé, les relevés de compte bancaire, les certificats de scolarité, l’attestation du suivi médical » des personnes étrangères. Mais surtout, cette loi leur donne la possibilité d’exiger une justification « du maintien de son droit au séjour, sans quoi son titre lui sera retiré ».

© Politis

Une politique qui a pour conséquence la « précarisation de la situation administrative, et l’éloignement social » des personnes étrangères, précise la présidente de la Cimade, Geneviève Jacques, surtout lorsque celles-ci sont soumises à une assignation à résidence. Cette mesure n’a d’ailleurs pas diminué le nombre d’individus enfermés dans les centres de rétention, comme le souhaitait le ministère de l’Intérieur. Elle est plutôt utilisée pour contrôler au plus près les migrants.

Délocaliser, sous-traiter, trier

Pour se décharger de ses obligations, l’Union européenne utilise différents moyens. En mars 2016, elle a notamment signé une déclaration avec la Turquie pour que la Grèce puisse procéder à des expulsions vers ce pays considéré comme sûr, où des camps de réfugiés ont été créés. Cet accord a été largement décrié par des ONG et les Nations unies, notamment à cause de la situation politique de la Turquie, en passe d’avoir un Président avec détenteur de tous les pouvoirs.

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Parallèlement à ce pacte signé sans discussion au Parlement européen, un accord opaque a été créé entre l’UE et l’Afghanistan, en octobre 2016, pour renvoyer plus facilement les migrants vers ce pays.

Plusieurs candidats, comme Benoît Hamon et Emmanuel Macron, souhaitent également renforcer l’agence Frontex, dont le budget a été déjà multiplié par… 17. C’est inutile, pour la Cimade, puisqu’au lieu de vider les routes migratoires habituelles, cela en crée d’autres, plus longues et encore plus dangereuses.

« Défendre la solidarité et non la criminaliser »

L’association critique aussi les « hotspots », centres où s’établit la répartition entre les États membres, qui ont une fonction « de tri et de contrôle des personnes migrantes ». Une gestion administrative qui délaisse les personnes vulnérables, comme les handicapés ou les mineurs, contraints d’errer sans aide des États, comme c’est le cas depuis le démantèlement de Calais.

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Quelles sont les recommandations de la Cimade ? « Ouvrir des voies légales vers le territoire européen, élargir le statut d’asile pour prendre en compte les exils forcés, supprimer la catégorisation des titres de séjour pour faciliter le droit au travail, supprimer les formes d’enfermement aux personnes étrangères » et enfin « défendre la solidarité, et non pas la criminaliser »… L’organisation a envoyé des affiches à 6 200 élus, maires ou députés sur tout le territoire… Espérons que cela inspire les candidats à la présidentielle.