Attentat de Manchester : la grande retenue des politiques britanniques

Dès l’attentat, toute la classe politique du Royaume-Uni a suspendu la campagne législative, à dix-sept jours du scrutin. Une décision qui tranche avec certaines réactions politiques en France.

Olivier Doubre  • 23 mai 2017
Partager :
Attentat de Manchester : la grande retenue des politiques britanniques
© photo : Behlul Cetinkaya / ANADOLU AGENCY

Le concert de la chanteuse états-unienne Ariana Grande touchait à sa fin, vers 22h30 lundi 23 mai, lorsqu’une très forte explosion est advenue dans la Manchester Arena. La plus grande salle de spectacles d’Europe, pouvant réunir jusqu’à 21 000 personnes, était bondée.

Plus l’enquête avance, plus il semble qu’un seul homme ait actionné une ou des charges explosives, sans doute artisanales, qu’il avait sur lui, causant immédiatement un mouvement de panique. La foule, tentant de s’enfuir à tout prix, s’est engouffrée dans les escaliers vers les différentes sorties, ce qui a sans doute augmenté encore le total des blessés.

Le bilan à la mi-journée mardi est lourd : on déplore 22 morts, dont de nombreux enfants et adolescents, puisque Ariana Grande est particulièrement populaire auprès d’un public jeune. En début d’après-midi, le groupe État islamique a revendiqué l’attentat.

À dix-sept jours des législatives, prévues le 8 juin, les dirigeants de tous les partis politiques britanniques ont interrompu leur campagne électorale, en premier lieu la Première ministre conservatrice Theresa May, qui fut la ministre de l’Intérieur du précédent gouvernement Cameron, et Jeremy Corbyn, le leader du Parti travailliste.

À deux mois de l’attaque autour du Parlement de Westminster, l’heure était à la retenue après ce nouvel attentat, qui est le plus meurtrier depuis ceux revendiqués par Al-Qaida dans les transports londoniens en juillet 2005, qui firent 52 morts. Aucune voix ne s’est fait entendre pour réclamer des mesures exceptionnelles, encore moins un quelconque état d’urgence.

Récupérations politiciennes

Avec un certain flegme très britannique, les sujets de sa Gracieuse Majesté semblent vouloir continuer à vivre « normalement », considérant que sinon les terroristes auraient remporté une victoire.

Des réactions bien différentes de celles qu’on a pu connaître après l’attentat sur les Champs-Élysées contre des policiers à trois jours du premier tour de la présidentielle – et plus encore après la tuerie du Bataclan, pourtant assez semblable à celui à la Manchester Arena.

Cette fois encore, Marine Le Pen a tenté de récupérer l’événement à son profit. En campagne législative à Oignies (Pas-de-Calais), la présidente du Front national a ainsi déclaré à la presse : « Je persiste à dire, j’assume mon propos, on ne fait pas le nécessaire pour protéger les Français face à cette menace islamiste terroriste. »

Déjà, ce matin, Georges Fenech (LR), ancien magistrat et président d’une commission d’enquête sur les moyens de l’État pour lutter contre le terrorisme, se demandait sur Twitter : « L’urgence du premier gouvernement d’Emmanuel Macron est-elle une 13e loi de moralisation de la vie publique depuis 1988 ou la lutte antiterroriste ? » Sans doute un peu honteux, il a ensuite supprimé ce tweet, se défendant dans un autre message de toute « récupération politicienne des attentats ». Mais le député lyonnais n’a pu s’empêcher de bientôt « récidiver » en appelant, un peu plus tard sur France Info, le gouvernement à mettre en œuvre les « 40 propositions » de sa commission d’enquête, en particulier l’expulsion de « tous les étrangers radicalisés »

Police / Justice Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« J’ai honte de ce que j’ai fait » : devant la justice antiterroriste, les premiers procès des Françaises de Daech rapatriées
Justice 15 décembre 2025 abonné·es

« J’ai honte de ce que j’ai fait » : devant la justice antiterroriste, les premiers procès des Françaises de Daech rapatriées

Ces Françaises ont vécu presque dix ans en Syrie. Elles sont restées dans les rangs de l’État Islamique jusqu’à la chute de l’organisation terroriste et ont ensuite été détenues pendant plusieurs années dans des camps. La France les a finalement rapatriées avec leurs enfants. Aujourd’hui, ces mères de famille comparaissent devant la cour spéciale d’assises de Paris.
Par Céline Martelet
À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs
Reportage 15 décembre 2025 abonné·es

À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs

Placé en soins palliatifs pour une hépatite A fulminante, N. a failli mourir seul. La raison : la police aux frontières de Mayotte avait choisi ce moment pour expulser sa mère Fatima, d’origine comorienne.
Par Christophe Decroix
« La Syrie sous Assad était un régime du silence »
Entretien 8 décembre 2025 abonné·es

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »

Un an jour pour jour après la chute du régime de Bachar Al-Assad, Arthur Sarradin, journaliste et écrivain, revient sur les traumatismes d’une Syrie effondrée après quatorze années de guerre civile.
Par William Jean
En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral
Syrie 8 décembre 2025 abonné·es

En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral

Il y a tout juste un an, le régime Assad tombait. Pour faire plier ses opposants, il avait eu recours à l’emprisonnement des femmes. Comme les hommes, elles ont été torturées, affamées et pour beaucoup violées. Elles sont aujourd’hui largement invisibilisées et très souvent rejetées parce que considérées comme salies.
Par Bushra Alzoubi et Céline Martelet