Collomb, désordre républicain

Gérard Collomb franchit un pas de plus dans la doctrine d’ordre de l’exécutif en renvoyant la responsabilité des violences et des dégradations aux manifestants.

Pouria Amirshahi  • 30 mai 2018
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Collomb, désordre républicain
© photo : Ludovic MARIN / AFP

S i on veut garder demain le droit de manifester, qui est une liberté fondamentale, il faut que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent s’opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être complices de ce qui se passe. » Incapable de gérer les débordements dans les manifestations malgré des déploiements de plus en plus impressionnants d’uniformes (ce qui, d’ailleurs, ajoute souvent de la tension plus qu’autre chose), Gérard Collomb franchit un pas de plus dans la doctrine d’ordre de l’exécutif en renvoyant la responsabilité des violences et des dégradations aux manifestants. Pire, il légitime l’éventualité d’une nouvelle restriction d’une « liberté fondamentale » (voire sa suppression) en sous-entendant que les citoyens eux-mêmes seraient en train de la provoquer. Au passage, il suggère à des marcheurs pacifiques de se mettre en danger face à des individus parfois très « outillés » et même un peu « énervés ». Faites police ! Soyez milice !

Voilà comment la réaction se banalise depuis l’épicentre d’une République : son gouvernement. Quelque chose de dangereux et de détestable s’installe : certains – et même des députés – s’exclament désormais que « la question mérite d’être posée ». Cynisme ou naïveté confondante ?

Regardons dans le rétroviseur. Le 25 octobre 1996, à Montceau-les-Mines, les membres du DPS (Département protection sécurité, bras armé du Front national) assurent le « maintien de l’ordre » sur la voie publique pendant un meeting de Bruno Gollnisch, dans des tenues et avec des pratiques (fouilles et contrôles d’identité) susceptibles de semer la confusion avec la police dans l’esprit du public. D’autres incidents de ce type ont eu lieu dans les années 1990, au point que l’Assemblée nationale, inquiète de ces pratiques de milice installées par l’extrême droite française, a diligenté une enquête en 1999. Ses travaux l’ont conduite « à constater et à démontrer que le DPS n’est pas un service d’ordre comme les autres mais présente au contraire un danger pour la démocratie ».

Les parlementaires d’alors rappelaient fermement que le rôle d’un service d’ordre se limite à encadrer une manifestation. Et que celui des forces de l’ordre consiste à permettre le bon déroulement de celle-ci. Dans le « vieux monde », le libéralisme politique était un principe républicain fondamental. Sur ce plan, en 2018, le macronisme est une supercherie.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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