La « Fête à Macron », les contestations en musique

À l’initiative de François Ruffin, des dizaines de milliers de manifestants ont défilés à Paris à l’occasion du premier anniversaire de l’élection du chef de l’État. Si les slogans étaient multiples, tous avaient la même cible.

Malika Butzbach  • 5 mai 2018
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La « Fête à Macron », les contestations en musique
© Crédit photo : GERARD JULIEN / AFP

Les prises de paroles sont finies. Impatiente, la foule s’élance. « La meilleure façon de marcher, c’est encore la notre. C’est d’aller à l’Elysée et recommencer ! » Le ton de la « Fête à Macron » est donné. La mobilisation, à l’initiative de François Ruffin et de l’économiste Frédéric Lordon, se fera dans le bruit.

« On a voulu un rassemblement festif et convivial pour rassembler le maximum de gens, qu’il y ait un appel d’air, a expliqué le député FI devant la presse avant le début de la manifestation. On veut mettre en valeur tous les gens à qui on ne laisse pas la parole, ceux qui n’ont pas de visages. J’espère que ce seront eux les héros. » Il y a de la musique, de Bella Ciao à Louise Attaque, en passant par des groupes de rock ou de rap qui jouent sur les charriots. Il y a des spectacles aussi : Emmanuel Macron déguisé en Napoléon ou derrière les barreaux. Pour son anniversaire à la tête de l’État, les manifestants se sont creusé la tête. Y compris pour les pancartes brandies.

Pot-au-feu des contestations

Il suffit de lire ces pancartes pour voir dans cette mobilisation un « pot-au-feu », suivant l’image de François Ruffin, des contestations qui marquent la politique du gouvernement. « À un moment, il y en a marre », lâche Julien. Avec sa copine Salomé, le 5 mai est leur première manifestation depuis longtemps : « La première qui soit ouvertement contre Macron. » Justine(*), à l’avant du cortège, tient une pancarte « CRA en feu, PAF au milieu ». Un message radical, pour une politique qui l’est tout autant. _« Je suis là pour dénoncer la politique d’immigration. Et les conditions de vie dans les CRA, elles sont inhumaines ! »_, s’indigne la jeune fille. Plus loin, à coté du char de Picardie Debout, Mathieu, lui est en colère contre Parcoursup. _« Ce système de sélection à l’entrée des universités, c’est une aberration ! »_, s’exclame le jeune professeur de lycée.

Mais ce qui me choque le plus, c’est que l’on supprime les Centres d’Information et d’orientation (CIO). En plus de dégager les classes populaires de la fac, on supprime le service public de l’orientation et on ouvre un boulevard pour le secteur privé. Bienvenue en Macronie !

Le mot apparaît souvent, parfois en rigolant mais il est surtout le symbole de la contestation. « La politique actuelle ne me convient pas », tranche Sahara. cette mère de famille est venue avec ses enfants : « Je pense à leur avenir. La loi travail, les étudiants, la santé, la justice … Les politiques sont de plus en plus inégalitaires. Toutes les semaines, il y a un nouveaux truc qui tombe. Regarder l’exit Tax … On vient ici pour montrer qu’il y a d’autres voies que celle du président.»

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La violence en question

Si le cortège est uni contre le chef de l’État, il se divise sur la question de la violence. Arrivée à Bastille, Salomé ne peut s’empêcher de souffler : « Je craignais qu’il y ait des débordement comme au 1er mai. » La jeune femme avoue avoir « un peu peur des manifestations ». Si elle est venue aujourd’hui « c’est parce que l’ambiance bon__ enfant [l]’a convaincue. » Sahara, si elle n’est pas pour la violence, remarque qu’il « faut aussi parler de la violence des licenciements du burn-out ». « La violence économique elle n’est pas quantifiable mais elle est monstrueuse », ajoute la jeune femme. Arrivée à Bastille, il y a un bref épisode de tension entre manifestants et CRS. Le camion de Radio France a été vandalisé, aucun journaliste n’était à l’intérieur mais un policier a été « blessé sans gravité », selon la Préfecture de Police.

Lors de ce mouvement de foule, Fabrice hausse le ton sur un manifestant qui, en hauteur sur un poteau, crie « La manif à droite, le bordel à gauche ». « Manifestation et bordel c’est la même chose, peste l’étudiant qui se revendique du cortège de tête. Pourquoi diviser les manifestants comme ça ? Depuis quand on doit contester dans les règles ? » Alors que les jeunes vêtus de noir font face aux CRS près du boulevard Richard Lenoir, la majorité des manifestants les huent. « Cassez-vous ! »

Vers le 26 mai

Mais c’est sous le soleil et dans un certain calme que la grande masse du cortège arrive à la place de la Bastille. Certains groupes s’assoient, d’autres errent. Ici il y a des personnels du milieu hospitaliers qui témoignent de leurs conditions de travail. Là, un concert s’improvise. La plupart se posent à terre et discutent. Très vite la question du chiffre est posé. « Qu’importe le nombre de manifestants, c’est une démonstration de force », s’exclame un homme qui porte un autocollant FI sur la poitrine.

La France Insoumise annonce 160 000 participants. Le cabinet Occurrence, mandaté par un collectif de médias, avance le nombre de 38 900. Qu’importe, dans un communique, les organisateurs saluent le succès de la mobilisation. Depuis le bus, Jean-Luc Mélenchon prend la parole et ré-affirme la date du 26 mai pour continuer le mouvement. « S’il y a du soleil, tout est possible », rigole Julien. Entre les différents groupes et chars, la musique alterne entre l’Internationale et Despacito. Julien rit de plus belle : « Et si c’était ça la disruption ? »

(*): le prénom a été modifié

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