Le bonimenteur du Brexit

Le Royaume-Uni n’est pas encore sorti de l’auberge. Vous avez aimé la saison 1 et son sac de nœuds ? Vous allez adorer la suite.

Patrick Piro  • 29 janvier 2020
Partager :
Le bonimenteur du Brexit
© DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Déception pour le député conservateur Mark Francois : Big Ben ne carillonnera pas la « libération » du Royaume-Uni ce vendredi 31 janvier, qui actera juridiquement le Brexit. La célèbre horloge est en cours de restauration lourde et sa remise en service momentanée aurait coûté 600 000 euros. Le chantier va se poursuivre jusqu’en 2021. Une métaphore de l’état du Brexit.

Car ce n’est pas fini ! Vous avez aimé la saison 1 et son sac de nœuds ? Vous allez adorer la suite. Entre la victoire du « leave », par 52 %, au référendum du 23 juin 2016 et sa validation par les députés le 9 janvier 2020, le pays a vécu trois ans et demi d’une éreintante incertitude. Dès le 1er février démarrent d’âpres et très concrètes négociations pour établir les futures relations entre les ex-conjoints, notamment en matière de commerce et de sécurité.

On ne sait rien de ce nouveau régime aux conséquences potentiellement bien plus rudes de l’autre côté du Channel que sur le continent. Car, à Londres, Boris Johnson poursuit son brillant numéro d’illusionniste. Après s’être défilé de ses responsabilités à la suite de l’énorme surprise du « leave », qu’il attisait, il a évincé du 10 Downing Street, l’été dernier, une Theresa May exsangue qu’il aura pilonnée trois ans durant. Et l’écrasante victoire du Premier ministre, le 12 décembre dernier (majorité absolue pour les députés conservateurs), résonnait dans l’électorat comme un « pitié, qu’on en finisse ! » : Johnson a martelé la promesse d’une sortie pour de bon de l’Union, après quatre reports. Le reste, c’est du boniment. Il annonce un « nouvel âge d’or » pour le pays, « le meilleur au monde pour travailler », des milliards de livres d’investissement, plus de droits pour les locataires, « une année 2020 d’opportunités, de croissance et d’unité pour l’Écosse » (qui, en 2016, a voté à 62 % pour rester dans l’UE). Une politique anti-austérité très… travailliste ! Pour la mener, Johnson et ses amis veulent « libérer » le pays des règles fiscales, sociales et environnementales de Bruxelles. Ce « Singapour sur Tamise » carburant au dumping n’en revendiquerait pas moins un large accès au marché intérieur de l’Union, qui absorbe 47 % des exportations britanniques…

De surcroît, tout à son mantra de bulldozer, Johnson claironne qu’il n’ira pas au-delà de 2020 pour boucler cette complexe phase de transition qui rendra le Brexit pleinement effectif. Big Ben sera toujours muette. Mais d’autres pourraient sonner les cloches. Le prédivorce aurait alors déjà coûté 200 milliards d’euros à Londres, calcule Bloomberg, à peu près le total de ses 47 années de contribution au budget de l’Union.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste
Parti pris 14 novembre 2025

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste

Le 6 novembre, en Martinique, le premier voilier de la Transat Café L’Or, traversée de l’Atlantique en double, a passé la ligne d’arrivée. Entre prouesses technologiques et budgets colossaux, la course au large est devenue une vitrine du capitalisme, où les skippers naviguent davantage sur les chiffres que sur l’océan.
Par Caroline Baude
Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste
Parti pris 12 novembre 2025

Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste

L’article sur la suspension de la réforme des retraites du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera examiné ce 12 novembre à l’Assemblée. Le PS, en quête d’un moment de gloire politique, a opté pour la stratégie de la magouille en votant pour la partie recettes du PLFSS dimanche dernier.
Par Lucas Sarafian et Pierre Jequier-Zalc
1995 : une révolte fondatrice
Luttes sociales 5 novembre 2025

1995 : une révolte fondatrice

Le mouvement social 1995 fut à la fois une victoire sociale et un basculement politique. Entre la résignation et la résistance, un monde s’est dessiné et nous vivons encore dans son sillage.
Par Benoît Teste et Pierre Jacquemain
Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel
Parti pris 5 novembre 2025

Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel

L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York relève du séisme politique. Dans la ville la plus chère du monde, bastion du capitalisme financier, les nombreux électeurs ont porté au pouvoir un maire issu de la gauche de gauche, musulman, cible d’une campagne d’islamophobie médiatique jusqu’en France. Au-delà du symbole, cette victoire incarne le retour d’une gauche concrète et populaire.
Par Pierre Jacquemain