Courrier des lecteurs Politis 942

Politis  • 8 mars 2007 abonné·es

Chers amis militants socialistes

Que pensez-vous d’un parti qui, sûr de détenir la Vérité, ou voulant à tout prix conquérir le pouvoir, empêcherait l’opposition de recueillir les suffrages lors d’une consultation électorale ? Quel scandale ! N’est-ce pas justement ce qui est en train de se produire ? Les maires socialistes (et les autres…) refusant de donner leur parrainage à José Bové, il lui sera très difficile de parvenir aux 500 signatures exigées, alors que tout le monde sait que cette candidature représente un véritable mouvement rassembleur de centaines de milliers de citoyens. Battre Nicolas Sarkozy au second tour est certes un objectif très louable, et c’est sans aucun doute ce qui amène le parti socialiste à agir ainsi. L’ombre du 21 avril 2002… Mais il faudra bien un jour que vous compreniez que vous ne pourrez pas toujours ainsi nier les idées des autres. Tout d’abord, cette stratégie permettra-t-elle de reconquérir le pouvoir tant désiré ? Rien n’est moins sûr. Ensuite, la conquête du pouvoir est-elle une fin en soi? Que cache donc cette frilosité, cette crainte de voir s’exprimer une force antilibérale ? Pourtant, quel que soit ce que l’avenir nous réserve, il n’est point besoin d’être devin pour savoir que cette union des socialistes autour de Ségolène Royal ne durera qu’un temps et que les divisions resurgiront naturellement ­ et tant mieux, c’est le signe d’une société vivante et dynamique ! Alors, s’il vous plaît, voyez un peu plus loin que l’année 2007, et puisqu’il est encore temps, agissez dans vos sections et faites pression sur les élus pour que le mot « Démocratie » ait encore un sens dans ce pays !

Didier Hocmert, Ronchin (Nord)

La gauche et l’extrême gauche

Alors que s’accroissent les inégalités, les misères, les désespérances sociales, et tandis que le gouvernement poursuit sa politique de destruction du « modèle social français » et de démantèlement des services publics, les perspectives de changement positif pour les travailleurs et les victimes du chômage s’estompent chaque jour un peu plus. Trois ans après le grand chelem des régionales, deux ans après le rejet de l’Europe libérale lors du référendum sur la Constitution, un an après le réveil social lors de la lutte anti-CPE, jamais la gauche n’a été aussi faible électoralement, si, du moins, nous devons croire les sondages !

D’un côté, le PS, tombé dans le piège de la manipulation médiatique en choisissant une candidate à la fois fragile et droitière, n’arrive plus à mobiliser son propre électorat. D’autre part, la gauche du « non » s’est ridiculisée en se perdant dans de mesquines querelles, voyant ainsi fondre son potentiel électoral et tout espoir de peser sur une présidente (et un gouvernement) socialiste.

Aujourd’hui, la bourgeoisie joue gagnant-gagnant. Elle a le choix entre une purge libérale à la Tchatcher, version Sarkozy, ou un traitement édulcoré à la Merkel, version Ségolène-Bayrou, puisque c’est bien l’alternative que l’on voit poindre. Décidément, la politique est une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux politiciens professionnels et à ces petits clubs d’élus ou aspirants élus que sont devenus nos partis politiques.

Pour ma part, sans illusion, mais avec conviction, j’accorderai ma confiance à José Bové le 22 avril et, si rien ne change, m’accorderai une journée de randonnée le 6 mai.

J.-P. Baldit (Les Verts, Midi-Pyrénées)

Paroles d’« intégriste »

Il n’y aura bientôt plus un numéro de Politis qui ne s’attaque à ces « intégristes de la laïcité » (Bernard Langlois, n° 933), à ces « intégristes de la République » (n° 940), et, comme ça menace de devenir récurrent, j’éprouve un fort besoin[…] de venir un peu secouer le cocotier.

Allez-vous vous dépêtrer de ces débats à la mode maniant allégrement islamisme, communautarisme, choc des civilisations, et j’en passe ? Oui, on peut être pour la loi sur le foulard, pour la liberté d’expression […] des opinions, fussent-elles iconoclastes ou blasphématoires. Oui, on peut se fiche de l’islamisme […] et n’avoir aucune conscience du choc des civilisations parce qu’on est ouvert à toutes… Oui, on peut militer pour le devoir de mémoire envers la colonisation et ses horreurs sans pour autant battre tous les jours sa coulpe en une repentance permanente… Oui, on peut être pour le droit de vote des immigrés, contre la « chasse à l’enfant », contre la manière scandaleuse dont sont accueillis les immigrés de la misère et pour le droit à un État des Palestiniens dans les frontières de 1967. Oui, on peut être contre les discriminations de tous poils et pour la justice sociale due à ceux qui veulent une vie convenable et digne dans une « France métissée »[…].

Mais on peut penser que la religion reste une affaire privée : je prie ou je ne prie pas, je respecte cette laïcité garante de mes libertés, je ne cherche pas à imposer dans la sphère publique […] mes croyances et mon mode de vie, moyennant quoi la République m’assure le droit de pratiquer ou non, de m’exprimer, de critiquer jusqu’à cette liberté, quitte à être contredit et en être choqué, mais c’est la liberté du débat, pour laquelle tant se sont sacrifiés… C’est clair, c’est simple, bon sang, ne soyons pas malades des religions, mais accros à la justice sociale et aux droits de l’homme.

La laïcité ouverte ­ pléonasme ­ est un concept inventé par l’alliance de cléricaux et d’ultralibéraux pour séduire quelques gogos de gauche qui s’imaginent être « modernes » en jetant aux orties un des fondements de la République. « La vraie solution ne se trouve pas dans une révision de la loi de 1905, mais dans une authentique politique sociale. » (Henri Pena-Ruiz)

Pierre Morineau, Chatellerault (Vienne)

Pour les parrainages

Ils ont certes raison, Michel Soudais et Bernard Langlois, de dénoncer le « déni de démocratie » concernant le « scandale des parrainages » . Mais ces « pratiques mafieuses » sont dans la logique de ce régime construit pour imposer non pas le bipartisme mais le monopartisme économique […]. S’en indigner est nécessaire, mais il faudrait surtout, pour le combattre, utiliser l’arme qui reste encore à notre disposition : il n’y aurait pas de problèmes de parrainage pour les antilibéraux si, conformément aux voeux les plus explicites de leurs mandants, « nos candidats » s’étaient attelés à la préparation d’un autre projet politique […]. Ils ont oublié que nous ne cherchons pas le « bon Président », mais le noyau d’une majorité qui permettrait de mettre un coup d’arrêt au libéralisme économique débridé et au régime politique qui le sous-tend. Les uns sont restés enfermés dans leurs logiques de partis, d’autres se sont regroupés dans la nébuleuse autour de Bové ­ que n’étaient-ils tous actifs dans les collectifs antilibéraux, les 4 000 signataires de l’appel « Unis avec Bové » pour contrebalancer les inconditionnels du PC et contribuer à la recherche du candidat consensuel ? Sans oublier ceux qui se sont résignés à espérer quelques miettes de pouvoir dans le giron du libéralisme nuancé (Montebourg, Mélenchon…). Au lieu de chercher à imposer le candidat qui plaira le mieux à leurs troupes respectives, déjà convaincues, nos candidats auraient dû se positionner en rassembleurs de la foule des abstentionnistes, des déçus du faux jeu politique, de la démocratie dévoyée, en s’appuyant sur le programme déjà ébauché par les collectifs unitaires. Ne nous contentons pas de « nous battre pour leurs parrainages ». Demandons-leur encore, pour sortir du piège dans lequel ils nous laissent tomber, de trouver le nom unique qui les représentera tous sur le bulletin de vote, et qu’ils souhaitent tous. Non, il n’est pas trop tard d’ici au 15 mars. Chacun des candidats, « qualifié » ou pas, y trouverait son compte.

Henri Collanges (courrier électronique)

Courrier des lecteurs
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